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Billet de blog 15 octobre 2010

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France : la culture de la grève

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Pour un observateur suisse vivant en France, les grèves et les manifestations contre la réforme des retraites ont un côté incompréhensible. Il faut que je m’explique : voilà un pays, la France, où l’on peut prendre sa retraite à 60 ans, où la semaine de travail est de 35 heures, où seules 42% des personnes de moins de 65 ans ont encore un emploi. Un pays où le déficit de l’Etat et notamment celui de la Sécurité sociale atteint des abîmes. Dans mon pays, la Suisse, on prend sa retraite à 65 ans, on travaille 40 heures par semaine et plus de 60% des seniors travaillent encore après 60 ans, alors que le taux de chômage est de 3.6%. Heureux pays, pensent les Français ! C’est vrai, mais cette situation exceptionnelle n’est pas seulement due au bon air des Alpes ou à l’argent des banques. C’est le résultat d’une culture du compromis dans tous les domaines. En Suisse, contrairement à la France, en cas de conflit social, on négocie d’abord avec son patron ou son administration. Les grèves sont exceptionnelles et de courte durée. Les syndicats suisse préfèrent la négociation à la manifestation de rue. C’est aussi l’effet d’un système politique où le gouvernement fédéral est une coalition de partis. La droite et la gauche sont bien obligées de composer, car les électeurs suisses disposent d’une arme redoutable : le referendum populaire contre une loi votée par le Parlement. Un instrument dont les groupes d’intérêt usent et abusent pour imposer leur choix. C’est le paradoxe français : la France, qui compte le moins de salariés syndiqués est aussi le pays d’Europe qui a le plus grand nombre de jours de grève : 1,8 million en 2001, année de la grève générale contre la réforme de la Sécu d’Alain Juppé. Les Français font douze fois plus la grève que les Suisses. Ce sont surtout les fonctionnaires, qui ont un système de retraite privilégié, qui font la grève. A la SNCF, pratiquement tous les employés sont à la retraite à 55 ans, les conducteurs de TGV à 50 ans. On comprend que la réforme des retraites proposé par le gouvernement ne fasse plaisir à personne : il faudra travailler plus longtemps pour pouvoir liquider sa pension. Et les salariés ont, à raison, la certitude que la réforme est injuste, car elle pénalise les petits salaires et les femmes et, surtout, elle maintient trois douzaines de régimes différents de retraite, dont certains sont très généreux. Mais, au lieu de réfléchir ensemble et calmement sur l’évolution nécessaire du système de retraite, comme l’ont fait les Finlandais pendant quinze ans, comme le rappelait Le Monde, le gouvernement français entend imposer sa réforme au forceps, sans concertation. Par son organisation politique, son histoire et sa culture, les Français ne sont pas portés au compromis. La domination souvent arrogante de la majorité sur opposition, le poids écrasant du gouvernement par rapport au Parlement, le goût excessif de l’épreuve de force - tout cela conduit les salariés en colère à descendre dans la rue et à bloquer le système pour obtenir satisfaction. Les Français savent bien que, lorsqu’ils ne peuvent pas se faire entendre au Parlement, la seule arme dont ils disposent, c’est la pression de la rue. Ils savent aussi d’expérience que le blocage paie souvent : quand les marins bloquent les ports, quand les agriculteurs jouent les escargots sur les autoroutes, quand les taxis parisiens paralysent la capitale, quand les étudiants en colère manifestent bruyamment, le gouvernement recule parfois et accorde en urgence ce qu’il avait refusé. Résultat : des millions d’euros perdus pour l’économie nationale, pour le budget de la France et pour les grévistes. Et des victoires à la Pyrrhus où personne n’a gagné et tout le monde a perdu, puisque les problèmes n’ont pas été résolus. Personne ne peut prévoir à quoi aboutiront les journées d’action du mois d’octobre. Mais, une fois encore, le monde va regarder la France en hochant la tête d’incompréhension.

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