Houdini est à l'Élysée. Qui ça ? Harry Houdini, le magicien le plus célèbre de l'histoire. Le roi de l'évasion, celui qui s'en sortait toujours, même menotté et enfermé dans une cage. Le champion de l'illusion. Aujourd'hui, il s'appelle Emmanuel Macron.
Le président de la République vient de réussir un fameux coup de billard à trois bandes. Il était coincé par les écolos de la Convention citoyenne sur le climat, qui lui avaient présenté 150 propositions pour lutter contre le réchauffement climatique. Bien sûr, des trucs impossibles à réaliser et qui auraient coûté 6 millards par an : rénover tous les logements passoire thermique en 2024, interdire les véhicules pollueurs dès 2025, imposer un menu végétarien dans les cantines scolaires dès 2022, taxer les billets d'avion. Le président avait imprudemment promis que toutes ces propositions serait retenues dans la loi. Et les candides écolos y avaient cru. Ils avaient oublié l'adage : les promesses n'engagent que ceux y croient.
Déjà le bluff de Macron-Houdini avait marché une première fois. En octobre 2019, devant la vague écolo portée par l'ingénue Greta et ses millions de fans, Macron avait joué finement. Il avait instauré en grande pompe une Convention citoyenne sur le climat. 150 citoyens tirés au sort et sans compétence étaient priés de trouver des solutions. Les experts du climat avaient déjà proposé des solutions radicales que le président avait refusées : la sortie du nucléaire, la taxe carbone. Évidemment, les écolos s'étaient rués vers la Convention citoyenne. Enfin, on allait les écouter et appliquer leur programme utopique pour sauver la planète. Pendant des mois, ils avaient planché sur les propositions, ils avaient convoqué des experts qui leur avaient transmis le résultat d'années de recherches. Tout cela aux frais de l'Etat. Le raout présidentiel avait coûté 5 millions d'euros.
Mais quand Macron avait convoqué les participants à la Convention citoyenne sur le climat, les écolos avaient vite compris qu'ils avait été menés en bateau. 40% de leurs proposition allaient être transformées en loi, sous une forme singulièrement édulcorée. Fureur des écolos : trahison, victoire des lobbys; cynisme du président "qui n'a jamais fait de l'écologie qu'un slogan". Pas bon pour Macron à 18 mois de l'élection présidentielle ! D'autres auraient baissé la tête et seraient rentrés dans leur palais pour s'occuper du sacré virus qui remplit les hôpitaux et les cimetières, qui détruit des emplois, et des manifestants qui protestent contre la loi sur la sécurité.
C'était mal connaître le président du "en même temps". A la surprise générale, il était sorti du piège par une superbe manoeuvre : prendre au mot les écolos comme Nicolas Hulot et Cécile Duflot en proposant un referendum pour inscrire dans la Constitution la défense du climat. Piégés, les écolos ! La direction du parti vert a reconnu "une victoire culturelle", mais elle n'a aucune confiance dans le président. A droite, on n'est pas enthousiaste, on flaire le coup politique, le piège. Dire oui au referendum, c'est accorder la victoire à Macron. Dire non, c'est être accusé de sacrifier l'écologie aux calculs. Je vous l'avais dit : un superbe coup de billard à trois bandes.
D'abord, à quoi va servir le référendum ? On ne connaît pas la question qui sera posée. Et on se demande ce que ça changera. Il ya déjà une charte de l'environnement, qui permet de sanctionner les atteintes. Mais surtout, le referendum, en France, a mauvaise réputation. Les Français n'ont pas oublié qu'en 2005, ils avaient dit non à la Constitution européenne et que le gouvernement s'était assis sur leur vote.
Si le président veut faire aboutir son referendum avant l'élection présidentielle, il est parti pour un parcours du combattant. Le referendum constitutionnel à la française prévoit que le texte doit être adopté, sans changer une virgule, par l'Assemblée nationale, où le parti de Macron a la majorité, et par le Sénat, contrôlé par l'opposition. Pourquoi les Républicains feraient-ils une fleur à Macron pour se sortir du piège ? Même le premier ministre n'est pas sûr que ce soit possible, avec l'épidémie qui n'est pas maîtrisée. Et puis, il faudra mobiliser l'opinion publique et la convaincre que la Constitution sera plus efficace pour lutter contre le réchauffement climatique.
Tous les politiques le savent : en France, lors d'un referendum, les électrices et les électeurs ne votent pas sur la question qu'on leur pose, mais sur celui qui la pose. Pour le moment, un tiers des Français sont satisfaits de leur président. Mais, dans quelques mois ? L'habile Macron-Houdini a gagné une bataille, il n'a pas encore gagné la guerre, celle de sa réélection, la seule qui compte vraiment pour lui. L'ancien président Giscard d'Estaing, qui vient de mourir, avait un jour, dit avec sagesse et cynisme : "C'est une bonne idée d'avoir choisi le referendum, à condition que la réponse soit oui".