Macron, "état de santé stable...Symptômes qui ne l'empêchent de remplir ses fonctions". C'est signé Dr Jean-Christophe Perrochon, médecin-chef de la présidence de la République. On est prié de le croire sur parole. Puisque le médecin-chef vous dit que le président va bien ! Médecin de président, c'est le pire job pour un docteur. Bien sûr, il doit soigner son illustre patient, mais il doit aussi affirmer qu'il se porte bien. Même si c'est un mensonge.
Il y a plus de 40 ans, un médecin suisse, le Dr Pierre Rentschnik avait publié un livre choc, "Ces malades qui nous gouvernent". Les puissants de ce monde refusent d'admettre que leur état de santé ne leur permet plus de diriger un pays. Ils demandent donc à leur médecin de mentir. Les dirigeants politiques sont au-dessus de ces banalités que sont la maladie ou la mort. Il est inconcevable que leurs jours puissent être en danger. C'est pour ça que depuis Esculape, tous les bulletins de santé des médecins officiels sont suspects.
Le champion hors catégorie du mensonge médical, c'est le docteur Claude Gubler, le médecin de François Mitterrand. Pendant 13 ans, "le bon docteur" a publié tous les six mois un bulletin de santé : le président va bien. En réalité, Mitterrand savait, quelques mois après son élection, qu'il avait un cancer de la prostate avec des métastases. Le président lui aurait dit : vous occultez, c'est un secret d'État et je vous délie du secret médical. Quelques années plus tard, le docteur Gubler révélait le "Grand Secret", il était poursuivi pour violation du secret médical et radié de l'ordre des médecins.
Pendant cinq ans, les médecins de Georges Pompidou ont trompé le public. Ils savaient que le président avait une forme rare de leucémie. Tout le monde voyait sa figure bouffie par des traitements corticoïdes. Mais ses médecins prétendaient que Pompidou souffrait de "grippe à rechute" et de crises d'hémorroïdes. Secret d'État. Surtout, ne pas affoler les Français !
Tous les présidents ont triché avec leur état de santé, un sujet très sensible. Dès son élection, Nicolas Sarkozy avait promis : "Je m'engage à publier un bulletin de santé; au moins deux fois par an". Mais il avait caché son opération de la gorge. Les bulletins de santé présidentiels se sont espacés. Puis ils sont devenus laconiques : examens normaux. Chirac avait refusé de communiquer régulièrement sur sa santé, au nom du respect de la vie privée. Valéry Giscard d'Estaing avait promis, il ne l'a jamais fait !
Les médecins de Donald Trump ont fait très fort, eux aussi. Le Dr Jackson affirmait sans rire que le président avait des "gènes incroyables", que sa santé était excellente et qu'il avait un coeur parfait. Alors que le monde entier pouvait constater que Trump est obèse, grâce aux hamburgers, aux steaks au ketchup et aux frites congelées qu'il ingurgite. Son successeur, le Dr Conley prétendait que le président n'avait pas subi d'examens cardiaques ou neurologiques quand il s'était rendu en urgence dans un hôpital militaire. Un simple "check-up interim", qui sera suivi par un examen plus complet. Et quand Trump avait contracté le virus, le Dr Conley avait fait son show, entouré d'une brochette de blouses blanches : il avait administré au président un traitement expérimental d'anticorps de synthèse.
La célèbre série télévisée "The Crown" rappelle les mensonges répétés de Lord Moran, le médecin du Premier ministre . Cinq jours après une thrombose cérébrale, "l'agitation du malade a disparu et Sir Winston Churchill a dormi paisiblement". Même la jeune reine Elisabeth ignorait que son premier ministre était gravement malade. A 83 ans, sur la Côte d'Azur, le vieux lion avait souffert d'une "indisposition passagère". Quelques heures plus tard, il s'agissait d'un refroidissement, puis d'une bronchite et finalement de "pneumonie à la base du poumon, compliquée de pleurésie".
En 1944, les médecins du président Roosevelt avaient caché au public leur diagnostic : le président avait un coeur énorme et une grave hypertension. Il ne survivrait pas s'il se représentait pour un second mandat. Le lendemain, Roosevelt annonçait sa candidature. Il avait un visage émacié, sa main tremblait, il était en chaise roulante. Mais il affirmait qu'il souffrait d'une bronchite chronique ! Les Américains croyaient que leur président était atteint de la polio.
John Kennedy était atteint, depuis son enfance, de la maladie d'Addison, qui provoque de l'ostéoporose. Il avait le dos en miettes, il portait un corset lombaire, il prenait des méthamphétamines, qui lui donnaient un teint éternellement bronzé. Mas il voulait donner l'image d'un jeune président plein d'énergie. A Moscou, Leonid Brejnev, qui avait succédé à Khrouchtchev, a dirigé l'URSS pendant 18 ans. Il était malade du coeur, il avait fait plusieurs infarctus. Mais il était couvert de médailles et la propagande célébrait le "héros de l'Union soviétique".
Bien sûr, les médecins ont le devoir de dire la vérité à leurs patients. Selon le serment d'Hippocrate qu'ils prononcent, ils jurent "d'être fidèle aux lois de l'honneur et de la probité". Mais allez dire ça au président qui vous ordonne de cacher sa maladie !