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Billet de blog 21 août 2020

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Le professeur démasqué

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« Le balayeur balayé », c’est le titre d’une chanson de Tiken Jah Fakoly, la star ivoirienne du reggae africain. Il met en garde ses amis venus faire fortune en balayant les rues de Paris : « Arrivé comme un héros, il est reparti à zéro ». Si le barde de la Côte d’Ivoire revenait à Paris, il chanterait sûrement les malheurs des martyrs de l’Education nationale, ces profs qui vont devoir rouvrir leurs classes début septembre et enseigner le masque sur le visage. 

Les syndicats d’enseignants espéraient bien mettre au pas le ministre, comme ils l’ont fait avec tous ses prédécesseurs. Manque de pot : Jean-Michel Blanquer est un pro de l’enseignement. Il a été recteur d’académie et directeur général de l’enseignement scolaire. Il connaît par coeur les revendications des profs et la force de leurs représentants. Il les a écoutés, les a flattés, les a consultés par questionnaire, leur a accordé des hausses de salaire. Depuis des années, les syndicats de l’Education nationale sont en guerre ouverte contre leur ministre, qui leur a imposé des réformes du lycée et du baccalauréat. Ils ont lancé la révolte des stylos rouges, comme les gilets jaunes. Quand les écoles ont fermé à cause du virus, Blanquer a osé remplacer l’institution sacrée du bac par un contrôle continu. Bref, le ministre a secoué le cocotier. Les syndicats d’enseignants dénoncent «un système éducatif détourné de ses fondements républicains, réactionnaire »

Mais ce qui a fait exploser le cocote-minute, c’est le « protocole sanitaire de rentrée », établi en juillet. Le ministre a décidé : le 1er septembre, rentrée des classes partout en France. Objectifs : « Protéger les élèves et les adultes et assurer l’éducation pour tous ». Pas question de remettre à plus tard la rentrée des classes à cause du rebond de l’épidémie. Et tout le monde portera un masque, profs, élèves, surveillants et personnels de cantine scolaire. Les syndicats ont utilisé tous les moyens pour dire non : les classes ne sont pas prêtes. Les enseignants ont eu de longues vacances et ils ont touché leur plein salaire en donnant leurs cours à la maison, alors que des millions de Français en chômage partiel n’ont eu que 84% de leur paie. Mais les profs n’ont pas eu le temps de se préparer à la rentrée, faute de directives du ministre ! Blanquer a préparé un « plan de continuité pédagogique » avec des fiches pratiques. Réponse du syndicat général de l’éducation nationale : « Ce qu’il manque, c’est du temps de concertation entre personnels de l’éducation nationale, les représentants des parents d’élèves, les collectivités. Et du temps entre les annonces publiques et l’obligation de mise en oeuvre ». L’argument qui tue : « Ce n’est pas facile d’obliger les jeunes et c’est compliqué pour les enseignants de parler avec un masque ». Demandez donc aux médecins, aux dentistes, aux infirmières et aux assistantes de santé, comment elles font pour communiquer avec leurs patients ? Les profs s’inquiètent : qui paiera les masques des élèves ? Le ministre a précisé que les familles démunies recevraient gratuitement les masques, mais que le masque faisait partie des fournitures scolaires payées par les familles. En France, l’Education nationale est un monde à part. Bon gré mal gré, les entreprises ont dû accepter le port du masque dans les bureaux et les ateliers et les mesures sanitaires pour freiner l’épidémie. Elles ont dû imaginer des solutions pratiques pour travailler en protégeant leurs salariés. Dans le secteur privé, on se concerte, on trouve des solutions et on les applique. Dans les hôpitaux et la grande distribution, on ne demande pas aux salariés s‘ils aiment mettre un masque. On le leur impose. Dans l’enseignement, quand on veut pas, on peut pas ! Pour les syndicats d’enseignants, le masque, c’est comme le balai du chanteur Tiken Jah Fakoly. Un prétexte pour pleurer sur son sort : «Je l’avais pourtant prévenu de la déception de mon peuple. Bye bye ». Ce qu’ils veulent, c’est plus d’enseignants, une hausse des salaires et des primes de risque. Ils devraient réciter la prière du prof, selon l’humoriste Anne Roumanoff : «Donne-moi aujourd’hui le courage d’y aller. Pardonne à ceux qui vont m’offenser comme je pardonnerai au ministère qui m’a laissé tomber ».  

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