Le vaccin contre la grippe, c’est le « marronnier » de l’hiver. La polémique revient chaque année,
avec les mêmes arguments pour et contre. Partisans et adversaires campent sur leur position,
prêts à ferrailler avec un mélange étonnant de certitudes scientifiques et d’arguments de mauvaise
foi. Je ne suis ni médecin ni infirmier. J’ai 76 ans, je me porte bien, j’essaie de perdre du poids et je
fais du sport. Depuis plus de 40 ans, je me fais vacciner chaque année contre la grippe. Et ça m’a
plutôt bien réussi. La dernière grippe dont je souviens, c’était quand j’étais à l’armée en 1957. Dix
jours à grelotter en été avec une fièvre carabinée et des jambes flageolantes. !
Ce que je sais sur la grippe - pas la mienne, celle de tout le monde - c’est ce que je lis et ce que
j’entends. La grippe n’est pas une maladie bénigne, en tous cas pas pour un vieux comme moi. Si
j’en crois les sources officielles, la grippe est la première cause de mortalité par maladie
infectieuse en France : elle frappe environ 2.5 millions de personnes chaque année, 153 en
meurent et plus de 100 cas graves sont hospitalisés.!
Evidemment, les Français ont été traumatisés par la calamiteuse campagne de vaccination de
2009 contre la grippe A H1N1, qui a coûté 668 millions d’euros pour vacciner 5,38 millions de
personnes. La ministre de la Santé de l’époque, la délicieuse Roselyne Bachelot et son sourire
éclatant, a probablement paniqué quant l’Organisation mondiale de la Santé a parlé d’un risque de
pandémie grave et évoqué des centaines de milliers de morts ! Mobilisation générale : tous
vaccinés ! Les médecins de ville, les seuls qui connaissent bien leurs patients, n’ont pas eu leur
mot à dire. On a rappelé en urgence des praticiens à la retraite et des étudiants en médecine pour
vacciner à la chaîne. Dans la bonne ville d’Alès, qui a deux hôpitaux, on a monté à la hâte un
« vaccinodrome », des tentes militaires, dans un endroit éloigné du centre ville. On aurait cru que
la peste menaçait les Cévenols. Avec ma femme, notre bon de vaccination à la main, on a été reçu
par un vieux médecin qui nous a dirigé vers une salle d’attente. Hommes, femmes et enfants
attendaient la peur au ventre d’être appelé pour subir la piqûre salvatrice. Trois étudiants rigolards
nous ont vaccinés, puis nous ont fait attendre un gros quart d’heures assis sur un banc. Pourquoi ?
On ne sait jamais, il y a peut-être des effets secondaires ! La France a commandé 94 millions de
doses, car la ministre avait décidé qu’il fallait deux doses de vaccin, mais devant la refus des
Français de se faire vacciner, il a fallu en jeter près de 3,5 millions. !
Bien sûr, cette cacophonie coûteuse a fait le miel des opposants à la vaccination contre la grippe.
On a tout entendu : ça fait mal, ça ne sert à rien, le corps se défend naturellement contre le virus, il
y a deux fois moins de grippe chez les patients vaccinés. Selon un rapport médical publié en
2012 : « Le vaccin permet de diminuer au mieux par deux la probabilité d’être alité et incapable de
travailler plusieurs jours, tous les dix ou quinze ans. C’est en effet l’intervalle moyen qui sépare
deux accès de grippe chez une personne donnée (certains n’en "font jamais", d’autres sont
grippés plus souvent).» Autre argument-choc : il y a de graves effets secondaires, des patients
vaccinés ont souffert de narcolepsie, un trouble du sommeil. Bon, c’est vrai, mais il y a eu 25 cas
sur 5.38 millions de vaccinés ! Enfin, l’accusation qui tue : les laboratoires pharmaceutiques se
sont gavés à nos frais. Pas tout faux, mais impossible à prouver. Quand Mme Bachelot a demandé
en catastrophe à Novartis, Glaxco Smithkline ou Sanofi de livrer immédiatement des millions de
vaccins, ils ont livré, au prix fort. !
Les Français sont de plus en plus méfiants : ils ne sont que 28% à se faire vacciner, parce qu’ils
pensent que le vaccin peut donner la grippe, qu’ils croient qu’on peut soigner la grippe avec des
antibiotiques ou qu’il est plus dangereux de se faire vacciner que d’avoir la grippe. Ils sont
encouragés par des associations comme « Vous et votre santé », qui milite pour « un libre choix
thérapeutique » et qui affirme que la vaccination contre la grippe chez les personnes âgées est un
« gérontocide ». D’autres « enragés de l’anti-vaccination », comme l’Association Liberté
Information Santé, réclament une « clause de conscience » contre la vaccination et ont lancé une
pétition : « Nous les signataires, en tant qu’hommes et femmes libres, nous ne reconnaissons pas
à l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) l’autorité de préconiser des vaccinations obligatoires.
Notre corps est un territoire souverain et soumis à notre seule auto-détermination. Toute tentative
de violation de cet état de fait doit être considérée comme une atteinte aux droits fondamentaux. »"
Que Mme Michoud soit convaincue par de tels arguments, cela ne m’étonne pas. Mais que des
médecins et des infirmières relaient ces croyances et refusent de se faire vacciner, cela me laisse
sans voix. Bon, face à la maladie, chacun fait ce qu’il veut. Quant à moi, à mon âge, je préfère le
vaccin à une place à l’hôpital ou au cimetière.