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Billet de blog 23 novembre 2020

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Sarko, Calimero de combat

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Un ex-président de la République en correctionnelle pour "corruption et trafic d’influence", c’est une première dans l’histoire de la Ve République. L’affaire est plus complexe qu’un roman d’Agatha Christie ou de John Le Carré. On y trouve les personnages et les ingrédients d’une excellente série télévisée. Un fameux trio d’inculpés : Nicolas Sarkozy ; son avocat, Me Thierry Herzog, et un ancien magistrat, Gilbert Azibert. De vieux copains qui auraient conclu "un pacte de corruption", selon les juges d’instruction.

Depuis des mois, la presse a déroulé l’écheveau des ténébreuses affaires de Nicolas Sarkozy. Un grand classique de la truanderie en col blanc : Sarko correspond avec son avocat avec des téléphones sous un faux nom, il lui demande de se renseigner auprès d’un magistrat sur une décision de la justice concernant une autre affaire dans laquelle il est impliqué. En échange, Sarkozy pourrait favoriser la nomination de l’obligeant magistrat à un poste doré à Monaco. "Passe-moi la salade, j’envoie la rhubarbe", selon la célèbre formule de Sarkozy.

Il faut rappeler qu’en matière de justice, Sarkozy n’est pas un perdreau de l’année. Il est même un champion de la garde à vue, un as des procédures judiciaires, un abonné des mises en examen : il est inculpé pour "corruption passive, financement illégal de campagne électorale et recel de fonds publics libyens", pour sa campagne en 2007, et pour avoir financé illégalement ses dépenses de campagne en 2012. Ses excellents avocats ont réussi à obtenir un non-lieu dans plusieurs affaires embarrassantes, dont l’affaire des dons octroyés à son parti par la richissime héritière du groupe L’Oréal, Liliane Bettencourt. Bref, Sarko n’est pas vraiment un justiciable au-dessus de tout soupçon. Même s’il n’a jamais été condamné.

Nicolas Sarkozy n’a rien d’un Calimero, ce pauvre poussin charmant, mais malchanceux, qui s’exclamait : "C’est trop injuste". Sarko, protégé par sa garde rapprochée, ses amis politiques et des médias complaisants, est un guerrier judiciaire redoutable et un battant médiatique. Il rend coup pour coup. Après chaque mise en accusation, il hurle au complot des juges gauchistes qui veulent se faire un ancien président de la République. Il tire aussi plus vite que son ombre : lorsqu’un intermédiaire douteux déclare qu’il ne lui a jamais transmis des millions d’argent libyen, alors qu’il l’avait déclaré sur procès-verbal pendant des années, Sarkozy saute sur l’occasion pour demander qu’on fasse sauter sa mise en accusation.

À la télévision, il est excellent, dans le registre de l’honneur bafoué. Si vous n’avez pas regardé sa fameuse interview sur la chaîne d’information BFMTV, vous avez manqué une étonnante performance de comédien. Sarko, le regard noir, la voix frémissante de colère, le doigt accusateur, le rictus tordu de mépris, a explosé de colère : "j’ai été traîné dans la boue...ne parlez pas de moi comme un voyou...c’est grave pour la France, qui donne le sentiment que son ancien chef de l’État pouvait être corrompu, c’est une ignominie". Il y a du Gabin, dans ce président-là ! Le Figaro ne s’y est pas trompé, qui titre : "Nicolas Sarkozy prêt à en découdre". Son procès nous promet de belles passes d’armes entre maîtres du barreau, qui vont utiliser toutes les ficelles de la procédure pour entraver le cours de la justice. Si vous n’avez pas réservé votre place au tribunal, vous pouvez suivre l’affaire révélée par les fins limiers de la presse dans les colonnes du Monde et de Mediapart. Attention, faut s’accrocher, mais ça décoiffe !

Nicolas Sarkozy a toujours eu des relations très particulières avec l’argent, celui du contribuable ou le sien. Bien sûr, comme tout homme politique, il a toujours su trouver de généreux donateurs pour financer sa carrière politique. Selon le célèbre adage : "l’argent n’a pas d’odeur, à partir du million, il sent bon". C’est qu’il en faut, des sous, pour se payer une campagne électorale en France, avec toutes ces lois qui nous empêchent de financer en rond et ces grincheux de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Il faut bien trouver des combines, puisque l’argent est nécessaire à la démocratie, que l’État est pingre et qu'il limite les dons des électeurs et des sociétés. Je ne sais pas si la justice réussira à prouver que le dictateur libyen Kadhafi avait aidé Sarkozy à financer sa campagne électorale de 2007. Mais, comme beaucoup d’observateurs, je n’arrive pas à croire que Nicolas Sarkozy sera condamné à la prison. Si j’en crois l’écrivain et journaliste français Walter Lewino : "En prison, être innocent, c’est du manque de tact".

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