Schindma37 (avatar)

Schindma37

Journaliste suisse retraité dans l’Herault

Abonné·e de Mediapart

355 Billets

2 Éditions

Billet de blog 24 octobre 2020

Schindma37 (avatar)

Schindma37

Journaliste suisse retraité dans l’Herault

Abonné·e de Mediapart

S'agiter, c'est gouverner

Schindma37 (avatar)

Schindma37

Journaliste suisse retraité dans l’Herault

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

S’agiter, c’est gouverner. C’est le mantra du gouvernement de Jean Castex. Le tonitruant premier ministre multiplie les annonces martiales. "Face au terrorisme, nous ne céderons rien. Le terrorisme islamique ne gagnera jamais, car la liberté et la conscience seront toujours plus forts....nous vaincrons dans l’unité". Et dans la foulée, il annonce spectaculairement deux mesures : le renforcement de la plate-forme Pharos et la création d’un pôle spécifique géré par le parquet de Paris pour surveiller les réseaux sociaux et lutter contre la haine en ligne.

Pharos, c’est "la plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements", selon le sabir du ministère de l’Intérieur. Plus d’un million et demi de signalements depuis 2009, annonce triomphalement le gouvernement. Pharos centralise les signalements de contenus illicites sur Internet. Cette merveille administrative fonctionne ainsi : lorsque vous surfez sur Internet et que vous constatez un message de haine, pédophile, de discrimination ou d’incitation à la violence, vous remplissez un questionnaire en ajoutant la date, le type d’infraction constatée et si possible le lien avec le site illicite. Après vérification, les fonctionnaires alertent les services compétents et demandent qu’une enquête pénale soit ouverte sous l’autorité du procureur. Le problème, c’est qu’il n’y a que 28 fonctionnaires chez Pharos et qu’ils doivent traiter plus de 4000 demandes par semaine. Et ils travaillent aux heures de bureau, 35 heures par semaine. 

Et voilà pourquoi les pandores débordés ont été incapables d’alerter la justice sur les 400 messages envoyés sur Twitter par l’assassin du professeur Paty. Même la vidéo d’une simulation de décapitation a échappé à leur vigilance ! Parce qu’il y a trop d’alertes pour que Pharos les repère toutes, a expliqué le Garde des Sceaux. On croit rêver devant tant de compétence ! Le Premier ministre a la réponse : il annonce un renforcement "sans délai" des effectifs de Pharos. Une centaine de spécialistes vont être recrutés pour renforcer la surveillance des réseaux sociaux. Vous le saviez, vous, qu’il y avait en France cent experts des réseaux sociaux, qui n’attendaient qu’un claquement de doigts du gouvernement pour intervenir ?

Une belle annonce, qui rejoindra au paradis des promesses qui rendent les fous joyeux, les 12 000 lits d’hôpitaux promis par le ministre de la Santé et les 10 000 policiers qui seront recrutés avant la fin du quinquennat. Après l’assassinat du professeur Paty, qu’elle a été incapable d’empêcher, Pharos a reçu plusieurs dizaines de signalements. La police est intervenue 56 fois auprès de personnes suspectes et en a arrêté 27. Mieux vaut tard que jamais. Pour faire bon poids, l’excellent Castex a annoncé la création d’un pôle spécifique du parquet de Paris pour centraliser les enquêtes sur la haine en ligne. "Cela doit être mis en place rapidement, il faut juste recruter des magistrats, des juristes et des fonctionnaires". Ça ne risque pas de faire double emploi avec Pharos ? Question suivante.

À la course à l’échalote des solutions miracles, les hommes politiques se sont surpassés, en réclamant l’interdiction de l’anonymat des internautes en cas d’appel à la haine ou d’apologie du terrorisme. Ces faux naïfs feignent ignorer que l’anonymat en ligne n’existe pas. Chaque fois que vous envoyez un message sur Internet, l’adresse de votre ordinateur peut-être repérée. Quand il promet de surveiller les réseaux sociaux, le gouvernement semble ignorer que, aujourd’hui, tout le monde peut recourir à un VPN, un réseau privé virtuel, qui protège l’adresse de son ordinateur et chiffre les données. On peut toujours repérer l’expéditeur, mais ça prend du temps et ça demande des moyens. À part les islamistes suicidaires, les terroristes utilisent des messageries cryptées. Pas facile de remonter les traces pour les identifier. Quant à l’anonymat, il fait partie de l’ADN des réseaux sociaux. Et Twitter, WhatsApp et les autres ont répété qu’ils ne sont pas responsables du contenu de ce qu’ils diffusent. Ils sont de simples tuyaux et ils appliquent leurs propres règles à la censure. Napoléon avait raison : « l'art de la police est de ne pas voir ce qu'il est inutile qu'elle voie ».

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.