Nouveau scoop dans la presse suisse : Johnny est allé saluer son pote Polanski dans son chalet de Gstaad. Cela ne vous fait ni chaud ni froid ? A moi non plus. Mais la presse people raffole de ce genre d’information. Et 24 députés ont écrit au directeur de l’Express, qui avait publié, le mois dernier, des révélations sur le dossier médical du chanteur, lorsqu’il était hospitalisé à Los Angeles, en décembre dernier.
Une lettre vibrante d’indignation : "dérive inacceptable dont le seul but est de faire du sensationnalisme aux dépens de l'intimité de la vie privée". Et Mme Muriel Marland-Militello réclame "une prise de position claire et officielle afin de condamner ces dérives qui brouillent les repères de notre société et méprisent la personne humaine, et auxquelles les Députés de la Nation ne peuvent absolument pas souscrire". Noble démarche. Bien sûr, l’élue des Alpes-Maritimes a raison. Johnny a droit à la protection de sa vie privée, comme n’importe qui. Et Christian Barbier a beau jeu de brandir, à son tour, les grands principes : le devoir des journalistes est de ”lever le voile”. “Journalistes, nous relevons d'une déontologie qui a pour fondement la recherche de la vérité, par-delà toutes les tentations pour l'escamoter, à chaque fois que l'intérêt de nos lecteurs nous semble justifier cette quête.”
Trente ans de journalisme m’ont appris à me méfier des grands principes. Ceux qui les brandissent cachent souvent d’autres motifs, moins avouables. Comme le disait si bien Oscar Wilde : “La vérité pure et simple est rarement pure et jamais simple”. Bien sûr, L’Express n’a pas obtenu gratuitement le dossier médical de Johnny. Et l’hebdomadaire a réussi un joli coup médiatique qui a certainement stimulé ses ventes.
Mais L’Express rappelle que les ennuis de santé de Johnny ont donné lieu à une exceptionnelle opération de communication sur fonds d’énormes intérêts financiers. On a entendu l’agent du chanteur et l’avocat de son chirurgien se lancer à la tête des accusations diffamatoires. L’annulation de la tournée de Johnny a coûté des millions à son organisation et à ses assureurs. A la veille du procès de son médiatique chirurgien, il était de bonne guerre d’attaquer les médias.
Quel rapport avec Polanski ? Elémentaire, mon cher Watson. Les avocats du cinéaste, comme ceux du chanteur, sont des maîtres dans la manipulation de l’opinion : un appel aux grands principes fait toujours son effet sur le public, qui n’a ni le temps ni l’envie d’aller vérifier la qualité du brouet qu’on lui sert. Qui a lu le dossier Polanski, publié par la presse américaine ? Qui a écouté les arguments de la ministre suisse de la Justice ? Il était beaucoup plus facile de croire Frédéric Mitterrand ou Bernard-Henry Lévy.
La vie privée des people est un mythe. Leurs agents jouent habilement sur leur image dans les médias. Sans révélations croustillantes, sans photos “volées”, Johnny, Polanski, mais aussi Tom Cruise, Maradona, Ségolène Royal et les autres n’existeraient pas dans la presse “People”. Et les procès intentés contre les prétendues indiscrétions de la presse peuvent rapporter de confortables indemnités, qui ne sont pas toujours reversées à des oeuvres de charité. Ainsi va la vie des médias, entre grands sentiments, cynisme professionnel et tiroir-caisse.