Donald Trump a sonné le rappel de ses électeurs : «Je suis la seule chose qui se tient entre le rêve américain et l’anarchie totale». Son vice-président, Mike Pence, a enfoncé le clou : «Vous ne serez pas en sécurité dans l’Amérique de Joe Biden».
«Moi ou le chaos». C’est un grand classique des campagnes politiques. Tous les présidents y ont recouru. En 1965, le général de Gaulle, talonné par Mitterrand : «Que l’adhésion franche et massive des citoyens m’engage à rester en fonction, l’avenir de la République nouvelle sera décidément assuré». En avril 2017, Emmanuel Macron : «Je ne revendique le soutien de personne, sinon celui d’au moins 50% des Françaises et des Français». L’appel au peuple souverain, la peur du gouffre, l’adversaire diabolisé, ça marche souvent. Les électeurs choisissent le canasson en tête de la course plutôt que l’outsider. Pas forcément le meilleur, mais celui qui, espèrent-ils, pourra les sortir du marasme.
L’Amérique affronte l’une des pires crises de son histoire : des millions d’Américains ont perdu leur job, l’épidémie du Covid-19 a tué plus de 180 000 personnes. Le racisme de certains policiers tue chaque semaine des Noirs, provoquant des émeutes. Des milices armées, soutenues par le président, parcourent les rues pour rétablir leur ordre. Mais le président et son colistier promettent une Amérique fantasmée. Le vice-président Mike Pence est dithyrambique : «A qui faites-vous confiance pour reconstruire l’économie ? A un politicien carriériste qui a dirigé la plus faible reprise économique depuis la grande dépression ? Ou à un leader éprouvé qui a créé la plus grande économie au monde ?».
Pendant trois ans, Donal Trump a pu compter sur la bonne santé de l’économie pour apparaître comme le champion de la postérité, à coup de réduction d’impôts pour les entreprises et les gros contribuables. Well Street flambait, les fonds de pension assuraient les retraites. Et puis, le virus a dévasté l’économie, il a plongé des millions de familles endettées dans la misère. Le président n’a rien fait, il n’a aucun programme pour aider ses compatriotes. Face à l’épidémie, Trump a révélé son incompétence. Il a d’abord nié le virus, il a soutenu des théories absurdes, malgré l’avis de ses conseillers. Puis, devant le désastre sanitaire, il a engagé des milliards de dollars pour soutenir les laboratoires qui cherchent un vaccin. Mike Pence assure que Trump a lancé «la plus grande mobilisation depuis la seconde guerre mondiale. Nous avons construit des hôpitaux, nous avons augmenté le personnel médical militaire…nous sommes sur la voie d’avoir le premier vaccin sûr et efficace pour la fin de l’année.» Il voulait dire : avant l’élection du 3 novembre ! Alors que l’épidémie explose, au moment où les écoles et les universités rouvrent, un débat absurde déchire l’administration américaine. Le Centre de contrôle et de prévention des maladies (CDC) a décidé que les Américains qui n’ont pas de symptômes ne devaient pas se faire tester. Alors que tous les experts affirment que ceux qui n’ont pas de symptômes pourraient être les plus grands propagateurs du virus. Et que, sans tests, on ne saura pas qui est infecté. Mais Trump avait décrété que plus on testait, plus on trouvait de malades ! Pendant que Trump et son clan paradent à la convention républicaine, un ouragan dévastateur menace la Louisiane et le Texas. Plus d’un demi-million d’habitants ont quitté leurs maisons. Comment assurer qu’ils seront en sécurité et protégés contre le virus dans des gymnases et des centres de convention ? Ça ne fait pas partie de l’agenda du président ! Il y a 15 ans, le président Busch avait attendu plusieurs jours avant de venir constater le désastre de l’ouragan Katarina qui avait tué près de 2000 personnes à New Orleans. Peut-être Trump manifestera-t-il sa compassion comme pour les victimes du virus : «Ce soir, nos coeurs sont avec toutes les familles qui ont perdu un être cher» ?
Et pourtant, selon un sondage, 43% des Américains soutiennent leur président et son optimisme béat. Ils croient que le virus va être vaincu, que l’économie va repartir et que l’Amérique sera de nouveau grande. Comme l’affirmait le dramaturge espagnol Pedro Calderon de la Barca, au XVIIe siècle : «Le pire n’est jamais certain».