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Billet de blog 28 décembre 2020

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USA - Place aux vieux

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Ah, qu'il est loin le temps où un jeune sénateur souriant incarnait l'Amérique en proclamant : "Ne vous demandez pas ce que l'Amérique peut faire pour vous, mais ce que vous pouvez faire pour l'Amérique". Aujourd'hui, l'Amérique est dirigée par des vieillards qui refusent de passer la main.  Et qui se demandent seulement combien de temps encore ils pourront s'accrocher à leur siège ! Le monde politique américain est une maison pour politiciens chenus, mais pas retraités. Un président de 78 ans va succéder à un "gamin" de 74 ans. La présidente de la Chambre des représentants, l'alerte Nancy Pelosi, a  80 ans. Il y a plus de 33 ans qu'elle siège comme élue de Californie. Le chef de la majorité républicaine au Sénat, l'honorable Mitch McConnell, est un jeune homme de 78 ans, élu depuis 1984. Et j'ai failli oublier l'inusable Dianne Feinstein, 87 balais, sénatrice de Californie depuis 22 ans. Et le toujours vert président de la commission des affaires juridiques du Sénat, Chuck Glassley, 87 ans au compteur. Sans compter l'ex-candidat démocrate à la présidence, Bernie Sanders, 78 ans, et l'autre ex, le milliardaire Michael Bloomberg, 77 ans. 

Le pouvoir est entre les mains de politiciens nés dans les années 50. Pour la plupart, Blancs et riches. Ce sont ces femmes et ces hommes de la génération de nos grands-parents ou de nos arrière-grands parents qui dirigent le pays le plus puissant du monde. Ce sont eux qui décident de faire la guerre, de taxer les produits chinois, de financer les vaccins contre le virus, d'aider les entreprises, de distribuer des chèques pour les chômeurs. Cette génération qui vénère Dieu : "In God we trust", le drapeau étoilé : "Sur cette terre de liberté et sur la demeure du courage", et le dollar, qui, comme chacun sait, ne fait pas le bonheur. 

Il n'y a donc personne aux Etat-Unis pour reprendre le flambeau de John Kennedy et mener le pays avec l'énergie de la jeunesse ? Il y a bien quelques jeunots politiques que les médias adorent célébrer, comme la nouvelle vice-présidente Kamala Harris, l'élue de New York Alexandria Ocasio-Cortez ou le sénateur de Californie Alex Padilla. Mais, au moment des votes, leurs voix ne pèsent pas lourd. Tous les quatre ans, lors des primaires, de jeunes loups sortent de leur tanière pour décrocher l'investiture de leur parti pour la course à la Maison-Blanche. Et tous les quatre ans, ils mordent la poussière après quelques tours de piste, parce que leurs sponsors cessent de financer leur campagne. 

Pour accéder au pouvoir, aux Etats-Unis, il faut beaucoup d'argent et de de puissants appuis. Quand un chef de clan a réussi à prendre le pouvoir, après une lutte à mort, dans sa circonscription, dans son Etat ou dans son parti, il ne va pas laisser sa place au premier freluquet qui prétend change le monde. Le politicien qui garde le pouvoir, c'est celui qui connaît les règles du jeu, qui sait trouver des alliés, qui a appris à déjouer les complots, qui a su conquérir les médias. Si vous ne me croyez, regardez donc "House of Cards", la série américaine qui a révélé la  réalité de la politique américaine. 

L'Amérique est le pays des jeunes loups aux dents blanches qui lancent des start-up, qui lèvent des milliards pour des services et des produits nouveaux. Ils ont créé les GAFA, ils sont les maîtres du monde, ils dominent la vie des Américains et la nôtre avec leurs algorithmes. Ils sont milliardaires à 30 ans. Ils sont reçus comme des chefs d'Etat. Ils ont compris que le vrai pouvoir n'est pas au Capitole ou à la Maison-Blanche. Pourquoi aller serrer la main des fermiers du Midwest, les cols bleus de Detroit ou les SDF noirs du Bronx pour avoir leur vote ? Pourquoi faire la cour aux médias, alors qu'ils peuvent acheter un journal ou une chaîne de TV ? 

Ces hommes tout-puissants, les Mark Zuckerberg, Jeff Bezos, Bill Gates, Sundar Pinchai, Tim Cook, laissent la politique aux vieux politiciens qui croient encore détenir le pouvoir. Eux, ils savent bien que ce sont leurs sociétés qui dirigent l'Amérique, que ce sont leurs dollars qui font élire les sénateurs et le président, que ce sont leurs médias qui font l'opinion des électeurs. Que ce sont eux, et pas les électeurs, qui décident vraiment des carrières des politiciens. 

Abraham Lincoln, que les historiens ont nommé "un juste à la Maison-Blanche", rêvait du "gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple". Winston Churchill, moins naïf, jugeait que le pouvoir du peuple était "le pire des systèmes, à l'exception de tous les autres". Dans l'Amérique de Joe Biden, comme dans celle de Donald Trump, les vieux politiciens vivent encore dans l'illusion qu'ils sont les maîtres des décisions. C'est pour cela qu'ils s'accrochent au pouvoir. Comme l'affirme ce dicton américain de 1876 : "Espérons toujours le meilleur, tout en étant prêt pour le pire".

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