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Billet de blog 30 janvier 2021

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Les dynamiteurs de Wall Street

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La bourse de New York est secouée depuis une semaine par une tempête. Même les concurrents du Vendée Globe n’en ont pas traversé une pareille. Vous pensiez, comme moi que la bourse, c’était Monte-Carlo, sans la musique. Que jouer à la bourse, c’était pour les grands garçons, les investisseurs professionnels, les fonds de pension qui brassent des milliards.

Eh bien, pas du tout. Ce qui secoue Wall Street, ce sont de petits épargnants, qui ont risqué quelques milliers de dollars pour spéculer sur un canard boiteux. Tout le monde fait ça à la bourse. Vendre à découvert les actions qu’on n’a pas d’une société qui péclote, pour les acheter plus tard quand les actions auront baissé. C’est une activité de professionnels, à haut risque, mais qui peut rapporter gros. Le canard boiteux, c’est GameStop, le géant américain, qui distribue des jeux vidéo et du matériel électronique. À cause de la crise, son chiffre d’affaires a baissé et ses actions aussi. Les fonds spéculatifs se sont rués sur la bonne affaire. Où ça a dérapé, c’est quand des milliers de petits investisseurs ont voulu, grâce à un forum du site Reddit, empêcher les grands garçons de s’en mettre plein les poches. L’action GameStop, qui valait 20 $, a explosé à 492 $. La société vaut 23 milliards de dollars. Les fonds spéculatifs ont dû, en catastrophe, racheter les actions plusieurs centaines de fois leur prix initial. Ils ont perdu des milliards de dollars. C’est la revanche des petits boursicoteurs sur les fonds spéculatifs.

Ils sont encouragés par l’homme le plus riche du monde, Elon Musk, celui qui a lancé Tesla, la voiture électrique à 80 000 $, et la première fusée privée dans l’espace. Il a expliqué que la bourse est une chose étrange : "c’est comme si vous aviez un maniaco-dépressif qui vous disait constamment combien vaut votre société. Parfois c’est un bon jour, parfois c’est un mauvais jour, votre société est fondamentalement la même. Les marchés publics sont dingues." Ce milliardaire à l’ego surdimensionné est un accro des coups boursiers par Twitter. Ce qui lui a valu quelques ennuis judiciaires avec les autorités boursières. L’an dernier, il avait déclaré que la capitalisation boursière de Tesla était trop élevée. Ses actions avaient baissé, les spéculateurs s’étaient précipités pour vendre à découvert. Mais quand les actions avaient augmenté, ceux qui avaient parié contre Tesla avaient perdu 38 milliards de dollars et Elon Musk était devenu l’homme plus riche du monde ! Vous trouvez que tout cela est immoral. Et vous avez bien raison. Mais, pour comprendre les raisons de la tempête boursière, il faut remonter à la crise de 2008. Quand des millions d’Américains avait perdu leur logement à cause des fonds spéculatifs qui avaient joué avec les surprimes, en prêtant de l’argent à des gens qui n’ont pas pu rembourser. Aujourd’hui, pour ces Américains floués par la finance, c’est le grand soir : ils sont attirés par l’argent, par le sang, par la vengeance contre les vautours de Wall Street. Parmi eux, certainement beaucoup d’électeurs de Donald Trump. Sur les réseaux sociaux, on peut lire : "nous sommes nombreux à avoir vu nos parents perdre leur maison, beaucoup à ne pas avoir eu d’éducation parce que nos économies se sont évaporées en 2008. Aujourd’hui est le test le plus dur de nos vies."La Bourse, ce n’est pas seulement un jeu pour milliardaires. Chaque décision, prise en quelques secondes, c’est la vie d’une entreprise qui se joue, la vie de ses salariés, de leurs maisons, des études de leurs enfants. Mais le multimilliardaire Elon Musk évolue bien au-dessus de ces réalités terre-à-terre quand il fait un coup de bourse. Sauf que, cette semaine, il s'est tiré une balle dans le pied. L'action Tesla a perdu 5%. En encourageant de modestes salariés à dynamiter les fonds spéculatifs, en dépensant leurs économies pour acheter des actions GameStop, il a perdu quelques millions de dollars. Il s'en remettra. L'argent n'a pas d'odeur, dit la sagesse populaire. A partir du milliard, il sent bon !

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