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Billet de blog 1 avril 2012

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Née en France: française!

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je suis partie à New-York juste après le rassemblement de Mélenchon place de la bastille. J’y serais bien allée, mais ironie du sort : il fallait que je trouve un bureau de change pour acheter des dollars ! Du coup j’ai regardé son intervention en replay sur la chaîne parlementaire. Solennité et grande éloquence. L’engagement de son discours épique et quelque peu suranné soulève l’espoir du peuple. C’est émouvant tous ces gens réunis par une idée, un espoir commun. Je crois que je suis plus émue par la foule silencieuse que par les mots de Mélenchon. Il y a dans sa façon d’agiter constamment le drapeau français quelque chose qui me laisse au bord de la route. Bien sûr je me sens française, mais dans la situation présente je me sens plus citoyenne du monde. Je ne crois pas que la  France va toute seule dans son petit coin changer le cours des choses. L’idée du « volcan français » (merde je ne sais plus si c’est volcan qu’il a dit, mais bon c’est un truc de ce style) ne m’embrase pas particulièrement.  En fait je ne comprends pas ce besoin d’identification à un drapeau. A des valeurs, oui. A des idées, oui. A un drapeau, non.

Le jour où j’ai chanté à l’église Saint-Eustache pour la commémoration de la libération de Paris, j’ai pensé à mon grand-père. Il y avait un millier de personnes devant moi, et derrière un drapeau français de 4 mètres sur 12. Je m’étais sentie  toute petite près du piano. Puis la musique des compositeurs résistants a envahie la salle, et les mots d’Aragon ont résonnés, avec un petit retard en raison de l’acoustique ; des médaillés des premiers rangs aux visages indistincts du fond de l’église. Oui, pensai-je mon grand-père aurait été fier, non seulement sa petite fille est française, mais elle représente la France.

Peut-être est-ce générationnel, peut-être que pour nous, les émigrés de la deuxième ou de la troisième génération il y a une forme d’évidence à être ici ; nous n’avons pas eu comme nos pères et nos grands-pères à nous battre pour cela. Quand j’étais petite je me souviens que mes amis partaient tous en vacances dans des coins de France où ils avaient de la famille, et parfois des maisons. C’était à ça que je reconnaissais les « vrais français ». Ces régions avaient des noms pour moi tout à fait mystérieux comme « les Charentes », « la Mayenne »,  « l’Aveyron » ou encore « le Poitou». Pour moi la France c’était Paris. Ca l’est toujours un peu, même si depuis j’ai découvert la France, en chantant. Peut-être eut-il fallut que j’enfouisse les mains dans sa terre, au lieu d’en arpenter le bitume pour avoir une autre relation à mon pays. 

Si je suis contente de vivre en France, je ne me sens pas de fierté à être française. Quand les équipes de sport nationales remportent des victoires, je n’ai pas l’impression d’avoir gagné, et je suis toujours étonnée de voir mon ami s’intéresser aux résultats sportifs hexagonaux. Quand Sarkozy a été élu ça m’a fait profondément chier, et quand Le Pen est arrivé au second tour j’ai ressenti de la colère et de la tristesse, mais en aucun cas de la honte. Merde est-ce qu’il y a quelque chose qui cloche chez moi ?

Pourtant quand Mélenchon a dit : « Né en France : français ! », et que la foule a manifesté son enthousiasme, oui, ça m’a fait quelque chose. Autant pour le contenu, que pour l’écho que ça a provoqué dans le public. J’aime l’idée de vivre dans un pays ouvert, dans une terre d’accueil. Je crois au plus profond de moi que la richesse vient de la diversité -il me semble d’ailleurs qu’un des problèmes de la France aujourd’hui est le peu de place qui lui est faite. La montée des discours d’extrême droite, que ce soit ceux de Claude Guéant ou de Marine Le Pen me glace. Alors, oui, par les temps qui courent ça fait du bien d’entendre cette voix-là. Bon cela dit mon père et mon grand-père ne sont pas nés en France, et ils sont morts français. J’imagine ce qui se serait passé si Mélenchon avait dit : « Morts en France : français ! », je pense qu’il y aurait eu un léger flottement dans l’auditoire.

Souvent quand je lis le journal, ou même quand je regarde les gens dans le métro, dans la rue, je me demande comment ils font, comment nous faisons tous pour supporter la tyrannie de notre monde ultra-libéral. Comment se fait-il que le couvercle ne saute pas, et que nous encaissions tous, tête baissée, cramponnés à nos petits privilèges, paralysés par la peur. Il m’est arrivé de penser que le couvercle sautera quand chacun d’entre nous aura au moins un proche qui se retrouvera dans une merde noire. Ainsi en va-t-il souvent des hommes : ils ne réagissent pas avant d’être directement touchés (et encore parfois trouvent-ils encore le moyen de nier ce qui se trouve devant eux ; je me souviens d’un voyage au Sénégal à la fin des années 80, où des étudiants sénégalais me soutenaient mordicus qu’il n’y avait pas de sida au Sénégal, au Mali, oui bien sûr, en Guinée, oui, mais pas au Sénégal… ).

Enfin devant cette apathie généralisée, je dois dire que de voir une foule nombreuse réunie par le désir d’une autre politique,  et d’une autre société m’a profondément touchée. C’est la première fois que je vois ça depuis très longtemps. Peut-être même est-ce la première fois que je vois cela tout court, étant née après 68. Alors même si je ne suis pas forcément d’accord avec lui, si il permet cela: vive Mélenchon ! 

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