schmaltzy (avatar)

schmaltzy

Abonné·e de Mediapart

10 Billets

0 Édition

Billet de blog 4 septembre 2012

schmaltzy (avatar)

schmaltzy

Abonné·e de Mediapart

Rentrée des classes

schmaltzy (avatar)

schmaltzy

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

« Je mets le réveil à 7h et demie ?

- Non, 7h et quart… Le temps d’y aller… Et puis je voudrais qu’il mange un peu avant… » . Léger soupir du Papa, suivi de peu par le profond sommeil de la Môman, qui s’endormit une troisième fois sur le season finale de True Blood, au milieu d’hommes nus qui se transforment en mouches, de fées qui donnent naissance à des quintuplés avec un violent orgasme, et d’hectolitres de sang.

 Le réveil de ma première rentrée scolaire, ou plutôt celle de ma délicieuse progéniture eut néanmoins lieu plus tôt que prévu, c’est à dire très précisément à 4h 17, quand je fus réveillée par une voix toujours douce à mes oreilles quoi que saturée en harmoniques aigues et qui hurlait : MAMAN ! Après un gros câlin réparateur suite à ce que les magazines spécialisés nomment une angoisse nocturne (magazines que je ne lit d’ailleurs jamais, je ne sais pas où j’ai croisé cette information), le fiston se rendormit paisiblement. Il n’en fut pas de même pour moi, et, une demie heure plus tard je me retrouvai dans le salon à comparer différentes versions d’un air de Stravinsky, dont j’avais, au péril de ma vie, été chercher la partition dans le haut de la bibliothèque, en équilibre instable sur un fauteuil. Après avoir entendu nombre de mes consoeurs s’égosiller à qui mieux mieux sur cet air inchantable, je fus enfin convaincue par une interprétation qui sonnait fort juste à mes oreilles et de m’apercevoir après coup qu’il s’agissait de la merveilleuse Marjana Lipovsek. Comme quoi j’ai de la constance dans mes goûts me dis-je… Quelle heure est-il ? 6h 18… Non, je ne me rendormirai pas, il va falloir passer la journée comme ça : un peu hébétée.

 C’est d’un pas guilleret que nous nous dirigeâmes en famille vers l’école. Chemin faisant nous croisâmes une multitude d’enfants traînant de lourdes valises à roulettes. Je marchai le nez en l’air en me disant que j’allais désormais, et pour longtemps effectuer cette ballade matinale, et me demandai si c’était objectivement un trajet attrayant ou pas. Pas vraiment en fait. Arrivés devant l’école le Papa partit travailler et je restai seule avec le petit ; pour leur premier jour les enfants ne viennent qu’une matinée accompagnés de leurs parents. On était légèrement en avance, et je contemplai l’assistance bourdonnante réunie devant les deux écoles mitoyennes ; primaire et maternelle. Je m’étonnai un peu de ne pas voir les quelques visages connus des camarades du square, et laissait mon regard ensommeillé s’attarder sur la faune affairée. Je remarquai une femme en robe d’été perchée sur de magnifiques chaussures avec des talons d’au moins quinze centimètres embrasser une blondinette dans une robe en liberty. Elle me sourit. Plus loin je vis le sosie de Sandrine Kiberlain accompagnée de son mari (le sosie de Sandrine Kiberlain aussi) donner le baiser à ses trois enfants. C’est marrant me dis-je, je ne les avais jamais vu à Saint-Ouen ces gens-là. Pas des bobos, non, des bourgeois. Le genre de population qu’on s’attend plus à trouver dans le XVIIème arrondissement de Paris. Saint-Ouen est décidément une ville très métissée me dis-je alors que je réalisai que presque tous les enfants étaient rentrés. J’avisai un panneau. Ah c’est ça il y avait un panneau, bon alors voyons voir… Grandes sections,  moyennes sections… Où sont les petites sections ? Mais les petites sections c’est à 10h30 madame ! De 10h30 à 11h30, on ne vous l’avait pas dit ? Si bien sûr, on me l’avait dit… Et  merde ! Bon mon chéri, on va rentrer à la maison, maman s’est trompée, on reviendra tout à l’heure.  « Mais moi je veux aller à l’ECOOOOOOOOOOOLE ! ». Oui, eh bien ne t’en fais pas, tu vas y aller…

 Je me rappelle fort bien de mon premier jour d’école. J’avais une très jolie robe, ma plus jolie robe. J’étais à la fois impressionnée et excitée. La légende maternelle –sans cesse réitérée, comme toutes les légendes maternelles- veut que le lendemain matin, alors qu’elle me réveillait, je dit à ma mère : « Aller à l’école ? Encore ? Mais j’y suis déjà allée hier ! ». Et, de fait, si je n’ai pas souvenir de cette réplique, j’ai le souvenir d’interminables années d’école, avec des journées longues comme des siècles. Dans ma ford intérieure, je me dis que je ne souhaitais pas cela à mon fils, et j’espère vivement qu’il ne vivra pas sa scolarité comme j’ai vécue la mienne.

 Deux heures plus tard, et après avoir longuement comparé avec mon fils toutes les voitures, motos, camions et véhicules non identifiés munis de roues ornant la chaussée, je me pointai donc devant le bâtiment d’architecture indéfinissable qui allait désormais faire partie de mon quotidien. Personne. Je frappai, et reconnu la dame d’une cinquantaine d’année aux cheveux gris coupés court, larges lunettes à monture de la sécurité sociale, et blouse de couleur claire qui m’avait reçue plus tôt, la même me dis-je que dans mon enfance. Ah je me suis trompée ce matin, ce n’était pas 10h30, mais 10h… Et elle me montra un nouveau panneau. Devant la salle de classe s’alignaient des petits porte-manteaux, avec des noms écrit au dessus, je trouvai facilement celui du petit : c’était le seul qui n’avait pas de veste accrochée dessus.

 « Ah… Le voilà… Eh bien, vous ne vous êtes pas réveillés ce matin ? ».  Bah c’est à dire que je… j’étais venue à 8h 20… bredouillai-je… « Bon alors vous allez me remplir cette feuille… ». Je rempli donc pour la énième fois le formulaire que j’avais déjà remis à la mairie, et à la directrice tandis que mon fils semblait vivre sa vie dans une cuisine miniature où il se mit illico à arracher un couteau en plastique des mains d’une petite fille pour découper une banane en plastique. Je me fis par la suite harponnée par le représentant des parents d’élève, un homme aux yeux clairs qui m’avait déjà abordée lors de la visite de l’établissement (où je m’étais également trompée de jour une première fois… Hum… ). Un homme plutôt jovial et engageant mais qui me fait penser à un coopérant dans un pays du tiers monde, une engeance qui, pour des raisons personnelles, m’est infiniment antipathique… Qu’est-ce à dire ? Est-ce que Saint-Ouen, 93, zone décrétée prioritaire par la police de notre nouveau ministre de l’intérieur serait assimilable à un pays du tiers-monde ? Je regarde les parents et enfants autour de moi. Non. Définitivement non. Il y a de tout. Des africains, oui pas mal, des maghrébins aussi… « Kenzi, fait attention à tes chaussures ! (elles sont neuves ndr). Il s’est cogné ? Avec votre fils ? Mon dieu, oui ça va bien se passer je sais, mais c’est dur de le laisser… Il va à l’école, et c’est moi qui pleure… », mais aussi une petite fille russe habillée comme une gravure de mode des années cinquante, et qui semble porter des ailes dans le dos, même s’il s’agit en fait de pompons noués dans ses cheveux, des enfants de couples mixtes, de bobos, des classes moyennes, et même un couple de lesbiennes avec des jumeaux (ça concorde) que mon fils ne lâche plus. Ils s’appellent Colin, Marius, Titouan, Kenzi, Kenza, Adèle, Mianona (oui Mianona)… Je les regarde et je me dis que ça va être bien pour lui, qu’il rencontrera des gens de tous les milieux, qu’il apprendra de ça. Après tout, n’est-ce pas cela l’école publique ?

 En rentrant à la maison, je notai soigneusement les horaires des jours à venir sur mon téléphone. Evidemment le risque, c’est d’oublier de les regarder…

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.