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Billet de blog 4 décembre 2011

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Le fils de quelqu'un

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

On est tous le fils ou la fille de quelqu’un, et on a tous rêvé qu’on était l’enfant de quelqu’un d’autre, voire un enfant caché en secret, et recueilli par une famille adoptive dans laquelle on se sent, bien sûr, un peu différent.

Que serais-je devenue si j’avais été l’enfant de Conrad Hilton ? Du Mahatma Gandhi ? De Francis Ford Coppola ou de Mick Jagger ? Ma vie n’aurait-elle pas été plus facile, plus belle ? J’aurais fait des rencontres incroyables, aperçus des horizons sans fins, et, riche de tout cela en plus du reste, je voguerais très certainement sur les eaux tumultueuses du succès.

Ou bien accablée par le poids de mon hérédité je serais devenue alcoolique, et trainerais ma dérive dans des bars d’hôtels très chics dont je ne quitterais le strapontin que sur les demandes répétées du barman, au bras d’un homme chaque soir différent.

Mais qu’en est-il vraiment de ces petits veinards, héritiers des amours de nos gloires passées ? Afin de limiter un peu le champs d’observation, j’aimerais me pencher sur les enfants de nos artistes hexagonaux, dont les noms envahissent peu à peu les colonnes Morris.

From Gainsbourg to Lulu.
Pour commencer je ne comprends pas le titre.De Gainsbourg à Lulu : est-ce que c’est un voyage de l’univers musical du père à celui du fils ? Est-ce que c’est un cadeau posthume du père (qui apparemment n’a pas été consulté) à son fils ? Et pourquoi en anglais ? Et puis drôle d’idée me suis-je dit de sortir un premier album de reprises de pôpô, d’habitude les « fils de » essayent plutôt de se démarquer, au moins au début, quand ils ne changent pas de nom. Tout ceci éveilla en moi une curiosité que la présence de toutes ces vedettes anglo-saxonnes ne fit qu’accroître (ah mais bien sûr, suis-je bête, c’est pour ça que le titre est en anglais, c'est pour la diffusion internationale!).

Les reprises, j’adore ça. Il y a des reprises qui sont meilleures que les originaux. Il y a d’ailleurs une très bonne reprise de l’Alcool de Gainsbourg par Arthur.H que je préfère à l’original. Tiens, voilà un « fils de », qui n’a gardé que l’initiale de son patronyme, et qui a créé un univers musical tout à fait différent de celui de son père. J’ai aussi eu l’occasion il y a peu de voir sa sœur Izia chanter sur le plateau du grand Journal et elle m’a complètement séduite : elle possède une incroyable énergie, authentique, sans une once de pose ou de minauderie ; par les temps qui courent ça fait du bien. Elle non plus n’a pas gardé son patronyme quand elle s’est choisi un nom de scène, et elle aussi fait une musique tout à fait différente de celle de son géniteur. Comme quoi les enfants d’Higelin s’en sortent bien.

Mais revenons à Lulu, et au cadeau que lui a fait son père, à moins que ce ne soit le contraire…
Lulu ne sait pas chanter, il a une voix ingrate et il chante faux. En soi ce n’est pas très grave, il y a des artistes comme Mathieu Boogaerts (putain encore un « fils de » !) pour qui la nature n’a pas été plus généreuse et qui s’en sortent avec une grâce infinie par un phrasé tout à fait unique et personnel. Non, le fait que Lulu ne puisse pas aligner trois notes n’est pas, à priori, un obstacle. Ce qui est beaucoup plus dérangeant c’est l’absence totale de personnalité qui se dégage du tout. Les années 50 ? De la guitare manouche. Des rythmes exotiques ? Demandons à Ayo de chanter. Là où Gainsbourg suggère, Lulu souligne, là où Gainsbourg invente à partir d’un original, Lulu tente de copier ce qui a servi d’original à son père. Le disque est surproduit, et le tout ressemble furieusement à de la musique d’ascenseur, avec de fausses bonnes idées comme cette horrible version de Sous le soleil exactement interprétée par Shane mac Gowan. Heureusement Iggy Pop réussi à donner de sa voix suave et rock’n’roll une jolie cover de Initial B.B. Pas trop mal non plus l’exercice délicat de la reprise du Requiem pour un con, en compagnie, et en grande partie grâce à M. Oui, M, un « fils de » pour qui l’initiale du nom était déjà trop, et qui a choisi pour nom de scène l’initiale de son prénom !

Americano
Cette semaine sort sur nos écrans le premier film de Mathieu Demy. Lors de sa première apparition au cinéma en tant qu’acteur (dans une comédie musicale en forme d’hommage à Jacques Demy), son charisme lui avait valu d’être tendrement surnommé par ma sœur : Mathieu Moitié. Pour son premier opus en tant que réalisateur, Mr Moitié s’est également donné le rôle principal. Il met en scène Martin, personnage qu’il interprétait à huit ans dans un film réalisé par sa mère et dont il utilise des images. Si j’ai bien compris, ce Martin, suite à la mort de sa mère, se sépare de sa femme Claire (interprétée par Chiara Mastroiani, oui oui, celle dont la maman illuminait les films de papa). Seul, il part à la recherche d’une strip-teaseuse nommée Lola (oui Lola comme la sublime Anouk Aimée dans le film éponyme de Demy) interprétée par Salma Hayek.
Sur le papier, c’est un mélange d’auto-fiction et d’hommage à papa-maman (aujourd’hui quand on se sert de l’œuvre d’autrui, on lui rend hommage). Nul doute que Libération et les Inrocks vont adorer ça, comme ils ont adorés l’album de Lulu.
Quand on connait la difficulté pour les artistes de monter leur projet, et les sommes d'argent engagées pour la production d'un album avec Marianne Faithfull, Scarlett Johansson, and co, ou encore pour la production d'un film tourné au Mexique (oui parce qu'Americano ne s'apelle pas Americano pour rien) avec Salma Hayek, on peut se poser quelques question sur l'intérêt de choisir comme bénéficiaires de ces montants colossaux les deux "fils de" susnommés.

En 1941, Hollywood donnait à Orson Welles, 26 ans, alors tout à fait inconnu, les moyens de réaliser un premier film pharaonique: Citizen Kane. Il s'était fait remarquer en réalisant des émissions de radio. Le film, et l'homme sont restés parmi les plus grands monstres du cinéma.

Pour que le cinéma, ou l'industrie du disque produise autre chose que des drames intimistes, et de la soupe au kilomètre, il faudrait peut-être que les décideurs prennent quelques risques. Pour cela évidemment il faudrait aussi qu'ils y trouvent un intérêt financier, mais ils le trouveraient sûrement, car si le public mange ce qu'on lui donne, son appétit vient en mangeant.
Quand à l'hérédité, quand on voit James Thieré, petit-fils génial de l'immense Charlie Chaplin, on se dit que l'hérédité n'est que ce qu'on en fait, ou plutôt qu'on peux en faire.

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