Interroger la violence

Impactant, important, beau, efficace.

Je ne fais pas référence à l'efficacité sans âme caractéristique des productions Marvel, mais au subtil équilibre entre le soin accordé à l'esthétique et celui accordé à la narration. David Dufresne a par exemple eu la bonne idée de nous faire grâce de la surcouche habituelle de musiques "dramatique" façon Requiem for a dream. Au contraire, afin de rendre les échanges plus intenses le réalisateur a préféré faire appel à des dispositifs que l'on pourrais qualifier de moins "grossier" : gros plan sur les expressions faciales, colorimétrie, jeu avec l'obscurité, etc. Mention spéciale aux passages où l'on aperçoit de magnifiques reflets sur les visages des protagonistes, qui était (via une toile) confrontés à leur propre expérience des violences policières. Il s'agit, ici, à mon sens, du dispositif filmique le plus impactant du film, tant au niveau des émotions véhiculées, que de l'esthétique. 

Le propos n'est pas en reste. La direction artistique sert parfaitement la thèse de l'auteur : la violence du peuple n’est qu’une réponse à la violence économique et sociale de l'État; tandis que les violences policières ne sont pas qu’une simple réponse à cette violence légitime, mais constituent une modalité à part entière d’exercice du pouvoir. En clair, le pouvoir se maintient en place par la force, à défaut de pouvoir apporter des réponses sur le terrain économiques et sociales… 

Comme vous pouvez le constater le message est particulièrement incisif. Mais au lieu d’attaquer le spectateur frontalement en le noyant sous un flot de fait et de preuves, il pousse le spectateur à se questionner en adoptant une certaine forme de distanciation avec les images. Une autre doctrine du maintien de l’ordre est-elle possible ? Pourquoi les manifestants sont-ils présents ? L’enjeu est-il vraiment de casser du flic ? Pourquoi cette manière spécifique de maintenir l’ordre est-elle employée ? 

Autant de questions qui ne trouveront pas (à dessein) de réponses claires et argumentées dans le documentaire. Vous trouverez au mieux d'intéressantes pistes de réflexions. C’est paradoxalement ce qui fait la force du film. En effet, David Dufresnes s’est fixé pour objectif d'ouvrir les yeux des moins politisés d’entre nous et ça marche.