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Billet de blog 5 octobre 2019

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Egypte matriarcale : la modernité est dans le passé !

Docteur Quinn, femme médecin, ça vous parle ? Cette femme intrépide déménageant dans l’Ouest américain dans l’espoir de trouver des patients… Mais, si cette série nous rappelait que l’incorporation d’une femme dans la confrérie des médecins était un phénomène inédit au XIXe siècle, la civilisation égyptienne avait, en réalité, innové des milliers d’années à l’avance.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Peseshet, décrite comme « chef des docteurs » dans une stèle pharaonique, dirigeait un groupe de femmes médecins sous la IVe dynastie, il y a 4 500 ans.
Est-ce à dire que l’Egypte pharaonique peut donner des leçons aux sociétés dites « démocratiques », en ce qui concerne la place des femmes dans la société ? Probablement.

Illustration 1

Le principe féminin au cœur de la cosmogonie égyptienne

Si l'on vous demande qui est le Dieu suprême de l'Egypte antique, vous répondrez sans doute "Râ", ou "Amon", voire "Amon-Râ", et peut-être même "Osiris". Vous aurez raison et vous aurez tort. En réalité, le Dieu suprême est une déesse, la Déesse Maât. Bien plus qu'une déesse, elle est le concept ultime. Comprendre l'Egypte pharaonique dans son essence, dans sa structure sui generis, est impossible sans saisir les principes de la Maât. L'obéissance à Maât est le fondement sur lequel reposent tous les systèmes de valeur de la Vallée du Nil, c'est la substance qui alimente la vie de tout citoyen égyptien, du plus humble au plus puissant. Même Amon obéit à la maât.

Après la mort, le défunt est conduit par Anubis dans la salle des deux maât où siège le divin juge, Osiris. Son âme, sous le regard de Thot, sera alors confrontée à la plume de Maât, épreuve psychostasique qui décidera de sa destinée éternelle.

Maât, c'est l'équilibre, la justice, le support de toute la structure universelle, du microcosme au macrocosme, et c'est l'obéissance à cette "femme" qui garantit la prospérité et l'harmonie. Ce culte du féminin, surtout matérialisé par la figure d'Isis, était l'apanage des sociétés primitives jusqu'à ce que, au temps du Néolithique, les peuples d'Europe, en particulier, s'affranchissent des déesses-mères au profit de divinités masculines, souvent guerrières.

Les femmes au cœur du pouvoir

Illustration 2

A contrario, dans la société égypto-nubienne, et bien loin des pratiques de la Grèce et de Rome, la femme jouit des mêmes droits et privilèges que les hommes. Elle est d'autant plus respectée que, en tant que pourvoyeuse de la vie, elle est assimilée au divin. De fait, quand le pays traversait une période de crise, les femmes étaient souvent sollicitées pour reprendre les rênes du pouvoir, comme le rappelle National Geographic. Ainsi, l'Egypte offrira à l'Histoire des noms de reines célèbres, telles que Néférousobek, Hatchepsout, ou encore Cléopâtre. Rappelons, par ailleurs, que c'est en Egypte qu'apparaît pour la première fois un djari (Premier ministre), une femme. Lorsque Narmer accomplit le sematawi il y a plus de 5 000 ans, il charge une femme de diriger le gouvernement qui administrera la Haute et la Basse-Egypte, comme en témoigne sa palette. La France, pour sa part, ne franchira ce pas qu'en 1991 avec Edith Cresson.., expérience, d'ailleurs, elliptique et qu'elle n'a, à ce jour, pas renouvelée.

Prépondérance du féminin dans la grammaire égyptienne

Illustration 3

La prééminence de la femme est tellement marquée dans la culture de l'Egypte primitive qu'elle transparaît même dans ses règles grammaticales. L'un des principes fondamentaux de la langue française, c'est que le masculin l'emporte toujours sur le féminin, ce qui est le propre d'une culture patriarcale. Ainsi, même s'il n'y a qu'un homme au milieu de mille femmes, il faudra dire "ils". En égyptien hiéroglyphique, c'est le contraire. Les déclinaisons des pronoms suffixes et enclitiques, notamment, requièrent l'emploi du signe féminin dans la mention du collectif. S'agissant, par exemple, des pronoms suffixes, pour dire "vous" on dira "=tchèn" et "=sn" pour "ils", c'est-à-dire qu'on utilisera le "tch" et le "s", signes du féminin, plutôt que le "k" et le "f", signes du masculin.

Le vecteur de la culture, c'est la langue et cette prédilection pour le féminin témoigne de la révérence conférée à la femme dans la société égyptienne.

L'héritage de l'Egypte matriarcale

Si le président Nasser arborait une position relativement équilibrée sur la place de la femme dans la société égyptienne, fait est de constater un net recul dans ce domaine. Il en est de même des sociétés africaines, matriciellement liées à l'Egypte pharaonique, du fait, principalement, du catholicisme et de l'Islam, religions obsessionnellement patriarcales. Quant à l'Europe, afin de pallier les injustices passées dont les femmes ont régulièrement fait l'objet, elle s'est enivrée d'un féminisme souvent contre-productif, en ce qu'il créé inexorablement un fossé toujours plus large entre les hommes et les femmes, accomplissant ainsi la terrible prophétie d'Alfred de Vigny:

Bientôt, se retirant dans un hideux royaume,

La Femme aura Gomorrhe et l'Homme aura Sodome

Et, se jetant, de loin, un regard irrité,

Les deux sexes mourront chacun de son côté.

(Alfred de Vigny, La Colère de Samson)

Dès lors, quand on observe dans nos sociétés dites "évoluées", une violence à l'égard des femmes non encore éradiquée (mais également à l'endroit des hommes, ce qui est moins évoqué); une incapacité de plus en plus palpable à engager un dialogue spontané, comme si femmes et hommes n'étaient désormais autorisés  à communiquer que derrière un écran d'ordinateur, via des sites de rencontre opportunistes; une explosion du célibat subi, engendrant des sociétés occidentales vieillissantes par déficit de natalité; et, au final, une tristesse insondable et dissimulée de femmes et d'hommes conscients, en leur for intérieur, qu'ils finiront leur vie seuls... C'est alors qu'on regarde vers l'Egypte ancestrale et qu'on réalise que, dans certains domaines, la modernité est peut-être dans le passé.

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