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Billet de blog 1 avril 2025

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Défaillance politique, médiatique et démocratique

Ces derniers temps, l'espace médiatique est rempli de thèmes passionnants, constructifs et qui répondent aux attentes des français. Enfin ça, ce serait dans une démocratie normale et certainement pas en France. Ici, on préfère parler de voile et d'antisémitisme de la gauche.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Cette semaine, les politiques et les médias ont beaucoup parlé. Les débats, qu’ils soient sur les plateaux télés bollorisés ou mainstream, se sont globalement concentrés sur deux points majeurs : l’antisémitisme de La France insoumise et le port du voile dans le sport.

Le premier débat est de longue date. En effet, depuis le 7 octobre et le terrible attentat mené par le Hamas à l’encontre d’Israël, La France insoumise, qui est parfois restée trop ambiguë, est accusée d’antisémitisme. Ces accusations envers LFI ont de plus fortement augmenté en juin 2024, lors de la constitution du nouveau Front populaire, décrit par les mêmes médias cités plus haut comme une alliance contre nature et placée sous l’hégémonie mélenchoniste. La situation ne s’est pas arrangée non plus lorsque Jean-Luc Mélenchon a déclaré que l’antisémitisme était résiduel en France. Pire encore, une récente affiche insoumise mettait en avant un Cyril Hanouna caricaturé, reprenant les codes des affiches antisémites des années 30.

La mémoire du menhir 

Tout cela a évidemment ému et beaucoup remué le débat public. Pour autant, est-il juste de qualifier les insoumis d’antisémites à longueur de journée sans regarder les autres partis politiques ? Car oui, quand Jordan Bardella, le président du Rassemblement national, en vient à dire que c’est la gauche qui est antisémite, cela fait penser à une référence biblique presque amusante : la paille et la poutre. Car en effet, si le président du Rassemblement national voit bien le petit bout de paille dans l’œil de la gauche, il ne voit pas la poutre qui est cachée dans le sien.

Rappelons le : le Rassemblement national, anciennement Front national, a été fondé par des Waffen-SS. Son indétrônable président, le "Menhir" Jean-Marie Le Pen, est un négationniste condamné, qui considère que les chambres à gaz ne sont qu’un point de détail de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. Jordan Bardella a d’ailleurs lui-même déclaré que Jean-Marie Le Pen n’était, à son sens, pas antisémite. Cela fait déjà beaucoup pour accuser un autre parti.

Pas de panique, il y en aura pour tout le monde...

Mais lorsque l’on écrit, il faut être rigoureux. Observons donc ensemble le rapport récent de la Commission nationale consultative des droits de l’homme. Dans ce rapport, on peut d’abord observer qu’une explosion des actes racistes et en particulier antisémites a eu lieu en 2023, et c’est accablant. Mais, voyez-vous, on peut aussi y lire noir sur blanc les propos suivants :

« Quant au positionnement politique des antisémites ainsi définis, il reste plus marqué à droite qu’à gauche et continue à battre des records à droite et plus particulièrement à l’extrême droite. Aucun parti n’est pour autant exempt ; il est important de le rappeler. Il existe de l’antisémitisme à gauche, tout particulièrement à la gauche de la gauche chez les proches des insoumis et d’Europe Écologie Les Verts, mais à un niveau inférieur à la moyenne de l’échantillon et sans comparaison avec celui observé à l’extrême droite et chez les proches du Rassemblement national. »

Conclusion : parler d’antisémitisme à gauche, oui, il le faut. Mais comme le souligne le rapport, il est très, et même trop, culotté pour le Rassemblement national et les autres partis d’accuser la gauche, à elle seule, d’être responsable de la montée de l’antisémitisme en France.

Centrisme, quo vadis

Car oui, nous n’oublions pas non plus les autres partis dans tout cela. L’exemple d’Emmanuel Macron et de La République en marche en est le plus concret. Le président a en effet toujours eu des positions ambiguës, notamment envers le maréchal Pétain. Déclarant, par exemple, en 2018 que « l’hommage aux maréchaux de la République de Vichy » était légitime, au risque de le voir réhabilité. Le chef de l’État a aussi déclaré que le même Pétain avait été un grand homme pour la France lors de la Première Guerre mondiale. Factuellement, ce n’est pas faux, mais on sait à quel point c’est maladroit.

Pour couronner le tout, François Bayrou n’échappe pas non plus à notre analyse. En effet, lors de la mort de Jean-Marie Le Pen, début janvier 2025, il avait qualifié l’homme d’extrême droite de « combattant », de « figure de la Ve République » et avait réduit ses actes antisémites et xénophobes à la phrase : « Au-delà des polémiques, qui étaient son arme préférée. » Ainsi, on conçoit que fêter la mort d’un homme connu pour sa violence n’est pas forcément la chose la plus intelligente à faire, mais de là à saluer le parcours d’un « combattant », c’est un peu embarrassant, encore une fois.

Pour revenir à notre sujet initial, à savoir la parole des politiques et la couverture médiatique des médias mainstream et bollorisés, on peut dire qu’accuser la gauche d’antisémitisme à longueur de journée n’est pas une solution juste. C’est en fait l’antisémitisme dans son ensemble que nous nous devons de condamner fermement et sans ménagements.

Mais poursuivons : à part l’antisémitisme à gauche, quel est le nouveau débat favori amené dans l’opinion publique ? Le voile dans le sport, bien sûr.

"L'effort d'allier sagesse et pouvoir aboutit rarement" (A. Einstein) 

Le gouvernement de François Bayrou disposait d’une kyrielle de solutions pour sortir de l’atonie politique suite à l’adoption du budget. Les ministres pouvaient se tourner vers la transition écologique et énergétique, vers le pouvoir d’achat des Français, vers la santé ou encore vers l’éducation, qui sont mises à mal depuis de nombreuses années. Mais non, au gouvernement et à l’Assemblée, on va parler du voile dans le sport.

Car oui, c’est bien connu, le voile entraîne la radicalisation directe des sportifs. Enfin, d’après les sénateurs qui ont décidé de voter une loi l’interdisant. Pour autant, et comme l’a montré un rapport du ministère de l’Intérieur dévoilé par Mediapart, le voile n’est en aucun cas associé à la radicalisation. De plus, cette loi est profondément inconstitutionnelle, car oui, au sein de notre État, chacun est libre d’exprimer sa religion tant qu’il ne trouble pas l’ordre public.

Mais cela déplaît énormément à la droite et à l’extrême droite, qui croient combattre la montée en puissance de l’islam radical au sein de la France. À tel point que Bruno Retailleau s’est permis, lors d’un meeting organisé mercredi soir par le collectif « Agir ensemble », de lâcher une petite phrase que l’on n’est pas prêt d’oublier : « Vive le sport et à bas le voile. » Ici, le ministre de l’Intérieur dépasse très clairement le cadre de la simple proposition de loi et s’inscrit dans une terrible dérive islamophobe. Ce n’est plus un flirt avec l’extrême droite, c’est une danse.

Sédition sportive 

Cette prise de position crue du gouvernement à propos du voile a tout de même fait réagir sur les réseaux sociaux. Tibo InShape, premier youtubeur de France, qui comptabilise à ce jour 26 millions d’abonnés, s’est déclaré contre cette mesure dans un tweet contenant les propos suivants :

« Chacun doit pouvoir pratiquer une activité sportive dans la tenue de son choix : croix, kippa ou voile. Le sport ne radicalise pas, au contraire, il aide à intégrer chaque personne, peu importe son origine, sa couleur de peau ou sa religion. »

Le célèbre judoka Teddy Riner s’est lui aussi montré hostile envers la mesure, déclarant sur RMC :

« Je crois qu’en France, on perd notre temps sur des choses et surtout on se sert de certaines choses pour mettre la lumière là où il ne faut pas. Pensons plus à l’égalité que s’acharner sur une seule et même religion. »

Le débat a donc été politique et médiatique, mais a aussi pris de l’importance dans l’opinion publique.

À mon sens, il est regrettable de s’attarder aussi longtemps sur un débat qui concerne une mesure intrinsèquement inconstitutionnelle, notamment par les temps qui courent. La France traverse une véritable tempête politique et budgétaire, la planète se meurt, les discriminations sont au plus haut et le pouvoir d’achat des Français au plus bas. Alors, ceux qui nous représentent doivent s’efforcer de sortir des thématiques de second plan et passer aux choses sérieuses : nous en avons marre de la politique politicienne.

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