En France, les enseignants sont souvent critiqués. Et ce n’est plus un secret pour personne. Des élèves aux hommes politiques, des cours de récréations à l’assemblée nationale en passant par l’opinion publique, tout le monde s'adonne à discréditer ceux qui seraient "toujours en vacances". Mais la médaille de la critique, revient tout de même aux hommes politique : "Il y a des profs qui sont là pour toucher leur salaire et profiter de leurs vacances."(Bruno Lemaire, 2016), "Les enseignants doivent s'adapter. Ce n’est pas à l’école de s’adapter à eux."(Jean Michel Blanquer, 2021), "L'échec scolaire est aussi le fruit de l'absentéisme de certains enseignants." (François Fillon, 2011). On se passera de commentaire, ces propos on déjà reçus leur lot de critique...
Respect, quo vadis ?
Mais, plus récemment, un ancien président de la République s’est permis d’exprimer son avis sur la question. Invité aux "Rencontres de l’avenir", une série de conférences se tenant entre le 7 et le 9 novembre, Nicolas Sarkozy a pris la parole pendant environ une heure sur le thème : « L’avenir de la France ». Un avenir qui, visiblement, ne compte pas sur les professeurs qui, d’après l’ancien locataire de l’Élysée, travaillent « 24 heures par semaine, 6 mois de l’année ». Des propos stéréotypés et choquants, auxquels il ajoute sans aucune pusillanimité : « Bon, il y a la préparation des cours, je vous l’accorde, mais des cours pour les maternelles… ». Une phrase que l’ancien président laisse en suspens, comme s’il attendait une réaction du public. Évidemment, cela ne loupe pas. Quel sens de la petite phrase ! Le public rigole, et cela laisse des indices quant aux personnes qui assistent aux "Rencontres de l’avenir". Mais si, au lieu de rigoler bêtement face à cette blague cynique et aux rires jaunes, nous allions un peu plus loin ? Car oui, en plus d’être essentialistes au possible, les propos de Nicolas Sarkozy sont bigrement faux.
Premièrement, les 24 heures hebdomadaires. C’est en effet la durée prévue pour les professeurs du primaire en France. Sur ce point-là, Nicolas Sarkozy a au moins le mérite de ne pas avoir inventé un chiffre. Du côté de la préparation des cours, elle reste une valeur difficile à quantifier, puisque cela dépend des professeurs, du niveau des élèves et des méthodes. De plus, pas d’inspecteur pour surveiller ce temps de travail, donc plus facile d'inventer un chiffre. Cependant, pour se faire une idée, on peut tout de même demander aux premiers concernés : les enseignants. Ainsi, dans une note de la DEPP (organisme statistique du ministère de l’Éducation nationale) publiée en 2022, on peut lire les résultats d’une enquête sur le temps de travail hebdomadaire des professeurs. Et surprise (ou pas), les enseignants déclaraient, en 2018, travailler en moyenne 43 heures par semaine. Ce chiffre éloquent, qui au passage bafoue les 35 heures, nous montre que Sarkozy n’a pas juste « un peu » exagéré et qu’on ne se situe pas dans l’épaisseur du trait.
Les plus malhonnêtes diront qu’il s’agit ici uniquement de la parole des enseignants et qu’ils peuvent parfaitement exagérer leurs horaires de travail (ces bons à rien). Puis, après tout, tout le monde fait plus que 35 heures, c’est bien connu, et même admis ! Pour ces gens-là, notons d’abord que si l’on ne croit pas les déclarations des enseignants, alors pourquoi croire celles d’un homme qui n’a jamais donné un seul cours ni dirigé une seule classe (différent, mais pas forcément moins épuisant que de gérer un pays) ? De plus, on peut certes admettre que les enseignants ne sont pas les seuls travailleurs à dépasser les 35 heures, mais est-il arrivé qu’un ancien président vienne cracher à la figure d’une autre profession, et ce devant une salle bien remplie ? Pas si sûr.
Imaginez seulement un instant François Hollande déclarer lors d’une conférence que les infirmiers sont des fainéants qui ne travaillent que 6 mois de l’année. Scandaleux, non ? Alors, on nous répondra : « Oui, mais pour les professeurs, il y a les vacances scolaires (tout le temps en vacances ces profs) ». Des vacances qui ne représentent en réalité que 16 semaines sur l’année, et non 6 mois. 16 semaines qui ne sont, à proprement parler, pas des vacances puisqu’elles sont rythmées par des corrections de copies et des préparations de cours. Certes, en ajoutant les week-ends, on atteint peut-être l’utopie des 6 mois. Mais franchement, qui compte ses jours de week-end comme des jours de vacances ? Autant le dire, ce raisonnement est complètement fallacieux.
La paille et la poutre
Ensuite, allons vers la pensée finale de Nicolas Sarkozy, qui après avoir repris un air sérieux, a expliqué de la manière la plus démagogique qui soit (c’est-à-dire en ne donnant pas de détails) que tout cela coûtait "cher, trop cher". Trop cher ? Alors que les salaires des professeurs sont si bas que le métier perd en attractivité chaque année. Rappelons le, selon les données du ministère de l’éducation nationale, les rémunérations de base à temps plein des professeurs des écoles de classe normale sont comprises entre 1862 euros net pour un stagiaire à plein temps et 2816 euros net pour un enseignant ayant atteint l’échelon 11 (échelon le plus élevé si on ne compte pas le hors classe), qui ont le rappelle n’est acquis qu’après de nombreuses années au service de l’éducation nationale. Une rémunération que l’on peut difficilement qualifier d’élevée, notamment pour un métier requérant au minimum un BAC+5 et qui dispose de plus d’une perspective d’évolution faible, même sur le long terme.
Concernant Nicolas Sarkozy, ce dernier à certes été président de la république et personne ne remet en cause le fait que les anciens chefs d’état puisent disposer de certains avantages. Pour autant notons tous de même qu’en 2023 la socialiste Christine Pirès-Beaune avait demandé par écrit à l’exécutif le montant des faveurs présidentielles allouées aux anciens locataires de l’Elysée. Or, d’après Matignon, en 2022, Nicolas Sarkozy aurait couté 196.981 euros à l’état. Un chiffre édifiant qui nous laisse penser qu’en comparaison les professeurs ne coutent peut-être pas si cher que ça ! Dans une période ou la France vit sous l’ombre de l’austérité budgétaire et où les héritiers direct de la droite Sarkozyste prônent une diminution des dépenses dans les services publiques, il faut sûrement réfléchir à deux fois avant de prétendre savoir ce qui coûte « trop cher ».
Pour finir, ajoutons que Nicolas Sarkozy n'en est pas à son premier mensonge. Il n'a cessé de tympaniser son innocence dans le cadre des ses différents procès, qui se sont pour la plupart soldés par des condamnations graves. Et si vous êtes du genre à ne pas croire la justice ou à penser que les anciens présidents ne mentent pas, notez tout de même qu'au cours d'une récente interview sur la chaîne YouTube de Guillaume Pley, Nicolas Sarkozy à déclaré avec tout son sérieux : "je n'ai jamais bu une goutte d'alcool de ma vie". Nous savions qu'il en fait un principe et qu'il ne boit pas beaucoup, mais les internautes ont vite trouvés de nombreuses photos et vidéos qui remettent ses dires en question. S'en sont suivis nombreux montages et vidéos moqueuses. Comme quoi, les moqueries, c'est chacun son tour...