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Billet de blog 13 février 2025

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Conseil constitutionnel, les 3 nouveaux candidats seront-ils sages ?

Avec la fin du mandat de Laurent Fabius et de deux des autres membres du conseil constitutionnel, il y a de quoi s'inquiéter. Entre remise en question de l'état de droit et affaires d'inéligibilité, les sages jouent désormais un rôle décisif pour la démocratie. Quels sont donc les 3 nouveaux candidats et les défis auxquels ils risquent de faire face prochainement ?

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L’info à ne pas rater cette semaine, lorsqu’on s’intéresse vraiment à la politique, c’est la nomination des trois nouveaux sages au Conseil constitutionnel. Enfin, nomination… Ne mettons pas la charrue avant les bœufs : les trois « presque sages » proposés par Emmanuel Macron, Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher ne sont, à l’heure actuelle, que de simples candidats. Avant toute nomination, ils doivent convaincre les commissions des lois des deux chambres et passer face à une Assemblée nationale plus fragmentée que jamais. Une sacrée gageure.

Népotisme présidentiel 

Mais qui sont donc les très heureux prochains garants de notre sainte Constitution ? Gérard Larcher a choisi Philippe Bas. Ancien ministre du gouvernement Villepin, sénateur LR depuis 2011 et président de la commission d’enquête sur l’affaire Benalla en 2017, l’énarque de 66 ans semble être un habitué de la politique et devrait, sans trop de problèmes, pouvoir assumer la lourde tâche confiée par le président du Sénat.

Yaël Braun-Pivet, quant à elle, s’est tournée vers une femme : Laurence Vichnievsky. Un peu plus de parité fera grand bien au Conseil, qui, rappelons-le, est aujourd’hui composé aux deux tiers d’hommes. Laurence Vichnievsky est une figure bien connue en Auvergne : ex-députée MoDem mais aussi ex-magistrate, elle n’a pas tout de suite fait consensus chez les députés lorsque la présidente de l’Assemblée l’a proposée en premier lieu. Cependant, les réticences de ces derniers se sont vite dissipées, notamment après que Yaël Braun-Pivet a brandi la candidature de Christiane Taubira en cas de refus des commissions, comme l’a révélé Le Canard enchaîné. La candidature de sa pouliche devrait dès lors être validée sans accroc.

Concernant le troisième candidat, nommé par le président de la République lui-même, ce n’est pas une grande surprise : Richard Ferrand était pressenti depuis fin janvier et Emmanuel Macron a préféré ne pas faire de folies. Pour autant, sa nomination dérange grandement les oppositions. D’abord, le candidat est l’un des derniers séides d’Emmanuel Macron, proche de la première et de la dernière heure : il considère même le chef de l’État comme un ami. De plus, bien que l’homme de 62 ans dispose d’une belle carrière politique, qui l’a même porté jusqu’à la présidence de l’Assemblée nationale, il n’a aucune expérience en matière juridique, ce qui le rendrait illégitime selon certains. Notez aussi que le sexagénaire a été impliqué dans l’affaire des Mutuelles de Bretagne, dont il a été écarté mais, comme l’explique Mediapart, « uniquement par l’effet des règles juridiques de la prescription ».

Au-delà de ça, ce qu’il faut retenir, c’est que cette nomination reste très importante : Richard Ferrand va succéder à Laurent Fabius à la présidence du Conseil constitutionnel, ce qui signifie qu’en plus de devoir veiller sur l’État de droit, comme les autres membres, il jouira d’un pouvoir symbolique supplémentaire en représentant l’une des plus hautes instances de la République. Mais ce n’est pas tout. Notez aussi que les sages sont nommés pour neuf ans. Presque une décennie au sein du Conseil constitutionnel, c’est un fait majeur qui a tendance à passer bien loin des radars. Si nos trois candidats sont officiellement nommés, ils seront les garants de la norme suprême jusqu’en 2034.

On ne joue pas avec l'état de droit  

Parlons maintenant de l’enjeu. Pourquoi en faire un article ? Pourquoi adopter un ton si grave ? Et pourquoi examiner à la loupe le CV des candidats ? Sûrement parce que le défi est colossal et qu’il vaut mieux prévenir que guérir. En effet, cela fait déjà quelque temps que l’État de droit, notre État de droit, est menacé. Menacé d’abord par la droite dure, avec par exemple Laurent Wauquiez qui, suite à la censure partielle de la loi immigration de janvier 2024, s’était offusqué d’un « coup d’État de droit », bel oxymore au passage. Mais aussi par le très droitier Bruno Retailleau, qui s’était quant à lui affranchi de tout euphémisme en déclarant carrément que l’État de droit n’était « ni intangible, ni sacré ». Bien sûr, n’oublions pas le Rassemblement national et Marine Le Pen, dont on sait ô combien elle serait capable, si elle devenait présidente, d’organiser un référendum constituant en se cachant derrière la pseudo-jurisprudence « De Gaulle l’a fait avant moi ». Certes, mais c’était en 1962 et c’était De Gaulle.

Le référendum, rappelons le, ne peut en rien modifier la Constitution, puisqu’un article, le 89, est spécifiquement dédié à la modification de la norme suprême. Le référendum est de plus une arme à double tranchant : comment demander aux Français de répondre par oui ou par non à une question compliquée ? Comment pourrait-on, de surcroît, empêcher une mesure parfaitement inconstitutionnelle d’entrer en vigueur si elle était adoptée par un « oui » majoritaire et que la nouvelle présidente, tout juste élue par ces mêmes Français, mettait en avant l’idée de soumettre le Conseil constitutionnel à son autorité ? Les sages pourraient alors se retrouver comme les seuls remparts face à la destruction de l’État de droit. D’où l’importance d’y placer des hommes et des femmes qui, quand le moment critique viendra, s’en tiendront à la seule lecture et au seul respect de notre Constitution. Si le Conseil constitutionnel a tout l’air d’être un organe politique, il est avant tout un organe juridique, et pas des moindres. Les trois nouveaux candidats ont donc une lourde tâche sur les épaules : s’assurer pendant neuf ans que l’État de droit n’est pas entravé et que notre Constitution est respectée.

Imbroglio constitutionnel 

Mais ce n’est pas tout. Avant même d’en arriver là, le Conseil devra aussi statuer sur un autre dossier brûlant, et accrochez-vous bien, le sujet est pour le moins complexe : il s’agit de la potentielle inéligibilité de Marine Le Pen. En effet, en raison de l’existence de différentes jurisprudences sur l’éligibilité des candidats lorsqu’ils ont une peine avec application directe mais qu’ils disposent d’un mandat de parlementaire, la donne pourrait changer pour 2027. Il se pourrait en effet que, même si Marine Le Pen écopait d’une peine d’inéligibilité suite au procès des assistants parlementaires du FN, elle puisse tout de même se présenter à la présidentielle grâce à son mandat de députée. En fait, tout va dépendre de la décision rendue par le Conseil sur un cas similaire au sien, qui doit être traité dans les prochaines semaines. Certes, les nouveaux membres ne prennent pas leurs fonctions tout de suite et peut-être que Laurent Fabius tentera de s’occuper de ce cas si important pour marquer sa sortie. Pour autant, si le temps venait à manquer, les trois nouveaux membres, dont le président, devront statuer sur le sort de la future candidate.

L’essentiel, au fond, est de retenir à quel point les membres du Conseil et leurs décisions sont primordiaux. Alors, regardez bien qui seront les trois prochains nommés et, surtout, continuez à vous battre pour notre État de droit, car après tout, c’est lui qui garantit le bon fonctionnement de la démocratie et de la République au sein de notre pays.

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