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Billet de blog 29 janvier 2010

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Obama renonce à conquérir la Lune, donc Mars

Le 29 janvier 2010, nous apprenons que le président Barack Obama renonce à envoyer des cosmonautes sur la Lune donc sur Mars.

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Le 29 janvier 2010, nous apprenons que le président Barack Obama renonce à envoyer des cosmonautes sur la Lune donc sur Mars. Décidément, cet homme est plus intelligent que son prédécesseur, et cela me rappelle le chapitre 33 "Cosmonautes" du petit livre d'humeur ("Je casse de l'eau") que j'ai publié fin 2008 aux éditions Le Pommier. Le voici.

33 - Cosmonautes.

Un jour, Humphrey a été invité par la NASA. L’agence spatiale américaine réunissait quelques scientifiques de renom pour réfléchir à un grave problème.

George Bush junior venait en effet de décider que les Etats-Unis, après avoir conquis l’Irak, allaient poser le pied sur Mars. Mais voilà, la NASA découvrait que levoyage des valeureux cosmonautes américains allait durer deux ans et l’on pouvait craindre qu’ils soient tellement irradiés par le vent solaire qu’ilsmeurent d’un cancer en cours de route.

Compte tenude l’évidence que la technologie américaine était capable de vaincre toutes les difficultés imaginables, compte tenu que Bush junior préférait les vols habités à l’exploration par des robots, le groupe d’experts réunis devait fournir une solution à ce détail technique, afin que cette glorieuse conquête ne tourne pas à nouveau au désastre.

Envoyer des robots aurait pourtant coûté beaucoup moins cher, et puis les robots n’ont pasbesoin de bouger tout le temps comme les cosmonautes, donc leurs appareils d’observation auraient été beaucoup plus stables.

Humphrey tenta d’expliquer que l’irradiation des cosmonautes était inévitable, que leur vaisseau ne disposerait pas, comme la Terre, d’un champ magnétique capable dedévier la trajectoire du vent solaire. Rien ne semblait entamer la détermination des responsables de la NASA. Ces gens devaient pourtant connaître l’origine physique des aurores boréales …

Alors Humphrey, à bout de patience et d’arguments, leur proposa d’envoyer des cosmonautes morts sur Mars au lieu d’envoyer des cosmonautes vivants. Comme cela, disait-il avec son flegme britannique, ils économiseraient au moins deux ans de frais de nourriture.

Humphrey ne fut jamais plus invité aux séances de réflexion de la NASA. Il eut ainsi plus de temps pour faire son métier de chercheur.

Je racontais cette histoire à Jean-Pierre Bibring ce matin. Sa mission européenne venait descruter la présence d’eau souterraine sur Mars grâce aux caméras embarquées sur Mars Express, un admirable vaisseau robotisé*. Il me dit d’abord que le risque de cancer était réel mais que certains cosmonautes avaient déjà survécu à un voyage d’un an dans l’espace, que leur mort n’était donc pas certaine.

Cependant, d’après lui, il y avait pire.

Le problème principal n’était ni scientifique ni technique, mais plutôt psychologique ! Différentes expériences ont montré qu’il est impossible d’enfermer six personnes dans quelques mètres cubes pendant deux ans sans qu’ils s’entretuent. Il semble que la promiscuité soit insoutenable à ce degré. Songe, me disait-il, au fait que le vaisseau ne pourrait pas embarquer de l’eau potable pour deux ans. Il serait donc nécessaire de recycler l’urine des cosmonautes. Boire sa propre urine n’est pas une épreuve facile à surmonter. Mais boire celle des autres ? Pendant combien de temps les cosmonautes accepteraient-ils cela ?

Allez faire comprendre à Bush junior qu’il est inutile de faire prendre de tels risques à un équipage de cosmonautes !

À l’époque de la guerre du Vietnam, j’étais étudiant à Paris et je me suis souvent retrouvé dans la rue pour y réclamer le retrait des troupes américaines. C’était aussi l’époque de Mai 68, et je mesouviens du bruit des tronçonneuses qui ont abattu les grands platanes du Boulevard Saint Michel pour y ériger des barricades. Je me souviens du bruit des barres à mine qui extrayaient les pavés du sol. Et aussi du feu qui craquait rue Gay Lussac. Rue Lhomond, près de mon actuel laboratoire, se trouvait et se trouve toujours le vénérable couvent des Missionnaires du Saint Esprit. Je dis vénérable car je me plais à imaginer que c’est là, peut-être, que l’abbé Lhomond écrivit sa grammaire latine. L’imagination étant au pouvoir, un joyeux taggeur avait rebaptisé ce couvent du doux nom de « Cosmonautes du sub-conscient ». Géniale intuition! Quarante ans plus tard, le missionnaire Bush junior, dans ses nouvelles croisades, allait devoir se préoccuper du sub-conscient des cosmonautes.

* voir le livre "Mars, planète bleue ?", Odile Jacob ed. 2009.

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