En ce moment même, de Nice à Calais, de Paris à Bayonne, de Marseille à Cherbourg, se transmettent des gestes d'hospitalité qu'aucune procédure judiciaire ne saurait contenir. Aujourd'hui en France, d'innombrables citoyennes et citoyens inventent un quotidien habitable aux exilés du monde entier, ringardisant déjà et enrayant bientôt tous les plans de tri, contrôle, expulsion, destruction, placement, déplacement. Une loi L 622-1 dispose encore que « toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d'un étranger en France sera punie d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 30 000 euros. ». Des égarés la tiennent pour lisible, s'éreintant à menacer, et pourquoi pas embastiller, un paysan pour des actes dont l'histoire retiendra qu'ils étaient justes. Leurs vétustes appareils policiers juguleraient ainsi des déferlements de migrants. Tout ce vieux monde pliera sous un débordement d'hospitalité, puisque c'est d'humanité dont il s'agit, permettant à la France de prétendre au 21e siècle enfin.
Tout autour de nous, des confins jusqu'aux centres des 36 000 communes de France, s'affirme à bas bruit un territoire d'avant-garde. Cette étendue, constituée d'actes d'hospitalité démultipliés, se déploie telle une œuvre commune, telle une 36001e commune. Nous en déclarons l'existence, et l'authentifions par la procédure d'un inventaire fleuve, d'un texte sans fin à l'écriture duquel nous invitons tous les témoins de son expansion. C'est un chapitre de notre République contemporaine, l'inscription de l'hospitalité au registre de ce que nous avons en commun. C'est un inarrêtable tracé sur la carte du pays, l'indice de nos constructions les plus nécessaires. C'est un mouvement d'écriture se propageant de proche en proche, réveillant de nouveaux récits par contamination, éveillant de nouveaux actes par appel d'air. C'est une attestation sur l'honneur d'être français, fraternel par conséquent, adressée à tout juge qui serait aujourd'hui encore tenté de punir la fraternité. Afin que celui-ci entende que c'est une Commune entière qu'il lui faudrait enfermer, un territoire tentaculaire qu'il lui faudrait réprimer.
Ce texte, que nous intitulons « Tout autour. Une œuvre commune », s'ouvre par de premiers témoignages que nous ont transmis des Calaisiennes et Calaisiens. Nous faisons appel à tous les témoins directs ou indirects de ce qui aujourd'hui s'invente en France : qu'ils ajoutent à l'édifice une ligne ou mille, qu'ils enrichissent ce faisant cette autre archive municipale, qu'ils augmentent ainsi notre mémoire vive. Nous la constituerons trésor public en la versant dans la collection des Turbulences (Fond Régional d'Art Contemporain d'Orléans) le 12 octobre 2017, jour de l'inauguration de la biennale d'architecture « Marcher dans le rêve d'un autre ». Inaliénable, imprescriptible, ineffaçable donc, ce texte pourra déferler alors, retentir sur place publique, s'entendre jusqu'au procès de Cédric Herrou et de tant d'autres citoyennes et citoyens aujourd'hui poursuivis pour des actes dont nous sommes, par définition et conviction, co-auteurs.
(Déclarations à nous faire parvenir par voie électronique à contact@perou-paris.org, ou par voie postale à PEROU, 20 passage Saint-Sébastien, 75011 Paris.)