Monsieur le président,
Dans quelques jours se tiendra la dernière Assemblée générale avant le renouvellement des instances de la Croix-Rouge française. La dernière année de votre mandat est cruciale pour l’avenir de notre association et vous pourrez compter sur de nombreux soutiens pour aider la Croix-Rouge dans la recherche de votre successeur pour le mandat qui s’annonce.
La Croix-Rouge française va devoir trouver une candidate ou un candidat ayant un profil correspondant aux enjeux auxquels elle doit répondre.
Votre successeur ne devra pas être choisi pour ce qu’il a été mais pour ce qu’il fera, en harmonie avec la volonté commune affichée de rajeunir la gouvernance de notre association.
Je veux croire que vous avez l’intelligence d’entrevoir que la belle rencontre qui s’annonçait en juin 2013 n’a pas eue lieu. Votre manque de vision d’un projet fédérateur, et votre impréparation à piloter une structure de l’envergure la Croix-Rouge, autant par sa taille et que par la complexité de ses champs d’activité, vous ont conduit à commettre de nombreuses erreurs, et bien de vos décisions hasardeuses ont très certainement déstabilisé notre association pour de nombreuses années.
Le risque pour toute personne ayant des responsabilités du niveau de la présidence d’une des plus importantes associations françaises, est de laisser étouffer son intelligence par son égo ou par celui de quelques-uns.
Vous avez fait lancer à l’automne 2013 un chantier de réorganisation dont on peine à en comprendre, trois ans après, tant les fondements que les objectifs. Optimisation ? Economies attendues ? On ne sait plus très bien.
En toute logique, il est d’usage de définir dans un premier temps un projet associatif avant d'envisager l’organisation qui sera à son service. Vous n’avez pas fait ce choix.
Ce chantier ayant gravement désorganisé l’encadrement et les fonctions intermédiaires, on ne voit pas comment vous ne finirez pas par avoir raison en disant que la Croix-Rouge perd de l’argent et que son organisation n’est pas efficiente.
Vous aurez pour ainsi dire bâti votre mandat sur une prédiction auto-réalisatrice.
La crise sociale et la gronde du réseau vous ont conduit à bâtir à la va-vite une «stratégie» à l’hiver 2015 venant légitimer a posteriori une réorganisation chaotique qui prêterait à sourire si elle n’avait pas autant de conséquences sociales pour des femmes et des hommes profondément investis.
Nous étions en droit d'espérer un grand chantier de définition des orientations politiques que les acteurs de notre association souhaitaient collectivement suivre. Vous avez préféré une démarche d’orientations, ou devrait-on dire de positionnement de marque, définies à quelques-uns dans les couloirs de la rue Didot. Nous aurions tant voulu que vous donniez sens à ce qui n’est resté qu’un gimmick dans votre bouche : le « parcours de vie ».
Alors que nous avions des femmes et des hommes prêts au rapprochement entre bénévoles et salariés, prêts à moderniser la gouvernance de notre institution, prêts à rapprocher le pilotage au plus près de l’action, prêts à innover et à repenser l’action, vous êtes allé dans les actes à l’opposé et avez mis cette formidable machine d’intelligence collective, qu’est la Croix-Rouge, à l’arrêt.
Alors que toutes les associations et organisations ont engagé un mouvement de déconcentration de leur gouvernance, vous mener actuellement une re-centralisation sans précédent, en allant à contre-sens de l’Histoire. Le manque d’expérience des membres de la direction générale n'aura pas permis de mieux vous conseiller. On peut regretter également que, par votre tempérament, vous n’ayez pas vraiment permis au Conseil d’administration de jouer son rôle.
Le fonctionnement de notre association calqué depuis des décennies, par mimétisme, sur une organisation jacobine et quasi-étatique, vit une crise de légitimité et de désorganisation.
Le prochain président de la Croix-Rouge française devra donc sortir notre association de ce fonctionnement poussiéreux qui favorise les comportements de Monarque où tous s’interdisent, par crainte, tout débat ou confrontation d’idée avec lui.
La légitimé d’une élection ne fait pas d’une personne un être omniscient. Votre présidence aurait sûrement été toute autre si vous aviez été moins sensible aux distinctions, et recherche de notoriété. Personne dans votre entourage n’osant vous rappeler que vous devez être humblement le président d’une association, aussi importante soit-elle, plutôt que de vous laisser vous-même croire que vous seriez celui d’un État.
La Croix-Rouge française devra dans les prochaines années renouveler en profondeur son modèle, et cette fois-ci sans à-coup ni méthode bulldozer, mais avec la conviction que l'hyper-complexité du monde qui nous entoure appelle à inverser la prise de décision.
Il est regrettable que vous n’ayez pas gardé présent à l’esprit que c’est du terrain que doit se bâtir une stratégie au service de nos ambitions humanistes. Et ce n’est pas le simulacre de démarche participative avec les « diagnostics territoriaux » que vous avez lancé qui comblera cela.
Le président qui vous succèdera en juin 2017 devra agir pour que l’échelon national soit le creuset d’une réflexion sur le sens de l’action et de la société que nous souhaitons pour nos enfants, plutôt qu’un lieu où la communication, le tableau de bord, le chiffre et la normalisation des pratiques et les parts de marché font, seuls, office de projet.
Un échelon pleinement au service de ceux qui œuvrent dans nos unités locales ou nos établissements.
Malgré la confusion dans laquelle vous avez plongé la Croix-Rouge française, et la valse de vos collaborateurs, nous ne pouvons que reconnaître l’incroyable solidité de notre institution à continuer à fonctionner pour être avant tout au service de ceux que nous accompagnons sur un chemin de vie souvent difficile.
Cette capacité repose sur le dévouement de nos bénévoles et l’engagement sincère de tous les professionnels de terrain que nous comptons dans nos unités locales et dans nos établissements. Seuls ce dévouement et cet engagement contrebalancent les attitudes et lacunes de l’état-major national et permettent aux yeux du public et des médias de préserver l’intégrité de notre emblème.
Toutes ces bonnes volontés, doivent pouvoir très prochainement compter sur une équipe dirigeante, compétente et renouvelée, pleinement à leur écoute et à leur service, afin de les accompagner, de les aider à aller toujours plus loin.
Depuis 2011 mon engagement à la Croix-Rouge française, comme chargé de mission auprès des délégations et comme bénévole, m’a permis d’être en première ligne des réalités du terrain et aux premières loges de la déroutante réalité de votre mandat.
J’use aujourd’hui de ma qualité d’adhérent pour vous appeler à ne pas rester dans une démarche jusqu’au-boutiste et vous inviter à consacrer votre dernière année de mandat à préparer votre suite.
Remettre en cause l’action d’un président, ne revient pas à chercher à déstabiliser une association. C’est rechercher le contraire : espérer que cesse la déstabilisation dont ce dernier est à l’origine.
Je vous prie de croire, Monsieur le président, en mes sentiments les meilleurs pour la Croix-Rouge et en ma fidélité pour ce mouvement.
Sébastien Thubert,
bénévole et adhérent de la Croix-Rouge française