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Billet de blog 26 septembre 2022

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Si, la forêt industrielle est un ravage écologique

Le 14 septembre 2022, un collectif de professionnels de la forêt landaise publie une tribune dans Le Monde, dont le but est de convaincre que « la forêt landaise n’est pas l’horreur écologique que décrivent certains ». Entre arguments vaseux et renvois en touche, le collectif ne réussit au final qu’à souligner la non-viabilité écologique d’un massif géré d’une triste manière.

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Le 14 septembre 2022, un collectif de professionnels de la forêt landaise publie une tribune dans Le Monde, dont le but est de convaincre que « la forêt landaise n’est pas l’horreur écologique que décrivent certains ». Entre arguments vaseux et renvois en touche, le collectif ne réussit au final qu’à souligner la non-viabilité écologique d’un massif géré d’une triste manière. 

Tout d’abord, certains arguments ne répondent pas sur l’aspect écologique. 

Ainsi, « l’originalité de la forêt » landaise, qui lui donnerait une légitimité, résiderait dans la « relation forte » qu’elle entretient avec les hommes. En effet, il n’est pas possible de nier l’énorme dépendance du massif aux interventions anthropiques. C’est justement dans ce fait que réside tout le problème du massif.  Tel qu’il existe, il ne peut subsister qu’à cause de l’intervention constante et massive de l’homme. Un espace boisé monospécifique — c’est-à-dire composé d’une seule essence d’arbre — n’existe effectivement pas dans l’ordre naturel des choses, ce dernier entraînant une diversité des espèces. « L’originalité » revendiquée de la forêt correspond, tout compte fait, à la perte de ses attributs naturels. À vrai dire, ce type d’espace se rapproche davantage de l’espace vert ou agricole que de l’espace naturel. Cela à tel point qu’il est bien plus adéquat de parler de plantations d’arbres que de forêt dont la caractère naturel n’est pas applicable à ces parcelles. Il s’agit donc au fond, de rappeler que l’industriel et le naturel ne se marient pas. Prétendre leur association ou leur symbiose ne peut être que mensonger. 

De même, les justifications historiques d’une forêt en réalité récente, qui a supplanté un vaste territoire antérieur de landes, ne sont pas non plus pertinentes pour prétendre à une richesse écologique. 

Ensuite, certains points tentent, cette fois, de prouver le caractère écologique de la sylviculture intensive telle qu’elle est pratiquée dans le massif landais. 

Le collectif réfute tout d’abord la thèse selon laquelle le massif landais de pins maritimes ne serait pas un massif monospécifique. Cela au nom d’un fait : des feuillus seraient conservés « en lisière ». Or, d’une part, la présence de feuillus est marginale : elle demeure limitée aux abords de bourgs, à quelques lisières et aux espaces naturels spontanés comme les bords de cours d’eau. Ainsi, les services de l’État parlent d’une « quasi mono-culture du Pin maritime » dans la région. D’autre part, les plantations exploitées ne sont pas mixtes. En réalité, elles sont gérées industriellement avec des critères de productivité ; le premier d’entre eux étant la culture d’une seule essence afin de faciliter la récolte mécanique. La présence clamée de feuillus n’est donc qu’un argument fallacieux : elle est ridicule et ne concerne pas les plantations. 

Puis, le collectif invoque le fait que « le houppier [du pin] peu fourni » laisse la place à d’autres végétations de pousser entre les arbres plantés à équidistance. Or, l’embroussaillement naturel qui se développe ainsi gêne les industriels, et cette biodiversité supplémentaire est rapidement supprimée. D’ailleurs, le collectif lui-même l’affirme : il parle de « débroussaillages et de coupes » réalisés tous les sept ans. L’intérêt qu’aurait pu procurer le houppier du pin est de toute manière donc mort-né.

Enfin, le collectif cite lui-même la période de récolte des arbres, située entre « quarante et soixante ans ». Elle est évidemment bien trop courte pour permettre l’apparition d’une biodiversité riche et spécifique aux espaces boisés, liée à la présence de gros bois ou de bois mort entre autres. De plus, le collectif affiche lui-même la volonté de « réduire la masse de combustible » du massif, autrement dit, de réduire la masse du vivant. Le débroussaillage régulier fait partie intégrante de cette réduction : tout est fait pour le pin, rien que pour le pin. La réduction de la masse de vivant apparaît même paradoxale au vu de la revendication du collectif du rôle d’absorption du carbone du massif. Le massif tirerait une légitimité de son absorption de carbone alors que tout est fait par les forestiers pour la limiter.

Tout compte fait, les arguments du collectif sont troubles ou erronés. Ils traduisent le malaise qui règne dans le monde sylvicole industriel et ne peuvent que davantage le remettre en cause. Ainsi, les mêmes causes ayant les mêmes effets, il convient de fonder la sylviculture de demain sur un profond respect de la nature tout en prévoyant des dispositifs efficaces de lutte contre les incendies pour enfin consacrer un mode de gestion durable de nos massifs boisés adapté aux dérèglements climatiques.  

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