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Billet de blog 2 juillet 2015

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Giorgio Cremaschi : Renzi, "jaune" de la démocratie. Stathis Kouvelakis: "L'Europe a déclaré la guerre à la Grèce"

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

2.07.15 - Je suis content que je me suis trompé. Tout en espérant que cela ne se produise pas, j'avais donné pour plus probable un succès de la Troïka dans le fait d'imposer un nouveau mémorandum à la Grèce. J'avais fait la comparaison avec la petite Tchécoslovaquie, qui en 1938 fut forcée de céder à toute l'Europe unie avec l'Allemagne. J'étais à Athènes, dans une réunion internationale des mouvements de gauche contre l'euro, lorsque la nouvelle sur l'ouverture du référendum est arrivée. Alors que je la commentais, un camarade  grec m'a dit: ne jamais sous-estimer la dignité et la fierté de notre peuple.  

Contropiano.org

par Giorgio Cremaschi

Voilà ce que je n'avais pas pris en compte: que le gouvernement de Syriza, bien qu'il eusse concédé beaucoup à la Troïka, au point de risquer une scission terrible si ses propositions auraient été acceptées, n'était néanmoins pas disposé à se donner pour vaincu. J'avais eu raison sur les véritables intentions de l'Europe, qui n'a jamais instauré une tractation avec Athènes, prétendant  toujours la souscription des vieux comme du nouveau mémorandum. Mais je me trompais sur la capacité de dire non de la Grèce; et heureusement.

Le référendum a eu le mérite de révéler la réelle nature politico économique de la gouvernance européenne. Dans ces derniers jours ont sauté toutes les mystifications fondées sur les exigences des marchés qui par contre, comme l'ont bien montré les Bourses, auraient apprécié un accord même généreux envers la Grèce.

Paradoxalement, c'est la politique qui a prévalu, c'est-à-dire que ont prévalu les intérêts du système du pouvoir construit autour de l'Allemagne. Ce système est fondé sur deux axes stratégiques, l'Allemagne et ses satellites en Europe du Nord, d'un côté, les pays de la Méditerranée et l'Irlande, de l'autre. Ces derniers ne sont pas simplement satellites de l'Allemagne, mais subissent de plus en plus une condition d'assujettissement néocolonial. La France oscille entre ces deux axes, désireuse de se situer parmi les satellites, mais de plus en plus avec le risque de finir parmi les colonies. Qui, ces dernières années, ont été au cœur de toutes les politiques européennes.

Car si les pays PIGS, périphériques, débiteurs, ou n'importe comment on veuille les définir, eussent convenu d'une politique commune envers les pays les plus riches, ces derniers auraient dû céder, le système de l'euro à traction allemande serait entré en crise et les politiques d'austérité avec lui. Les débiteurs coalisés sont toujours plus forts que les créanciers. La politique européenne de l'Allemagne et de ses satellites a donc eu immédiatement comme premier objectif celui d'empêcher la coalition des débiteurs. Et a réalisé cet objectif en se fondant sur deux instruments. La cooptation subalterne dans le système de pouvoir européen des pouvoirs et des castes politiques et intellectuelles locales, la soumission idéologique de la majorité de la population.

Le premier objectif a été atteint facilement, vu que depuis longtemps  les pouvoirs forts des pays périphériques avaient été absorbés dans le pouvoir financier occidental. L'histoire de Fiat en Italie, devenue une société américaine avec un gestionnaire suisse qui a imposé son mémorandum féroce au travail, est le paradigme de la grande bourgeoisie de notre pays. La corruption politique rampante a été une autre aide à la soumission parce que, d'un côté elle a encore plus lié à la gouvernance européenne les castes politiques besogneuses de soutien et de légitimité, d'autre part elle a répandu la conviction que la dette publique était seulement le produit de vols.

Et ici nous retrouvons la campagne idéologique de masse visant à inculquer une sorte d'auto-racisme dans les peuples des pays d'Europe du Sud. Qui devaient se sentir paresseux, dépensiers au-dessus de leurs moyens, auxquels étaient été renvoyée la tâche de se conformer à la rigueur et à la vertu des peuples du Nord. Le principal véhicule de cette idéologie ont été les partis socialistes et sociaux-démocrates, qui ont permis à la droite libérale d'occuper fermement le territoire de la vieille gauche. Ainsi dans tous les PIGS se sont installés des gouvernements qui se sont bien gardés de construire une politique basée sur des intérêts communs, mais qui au contraire, ont commencé à rivaliser sur qui était le premier de la classe dans l'exécution des tâches dictées par l'Allemagne.

Renzi a montré le visage le plus lâche et répugnant de cette politique à Berlin, où il a vanté ses propres créances sur le travail et les pensions. pendant qu'il se moquait de la résistance grecque. Notre premier ministre à l'étranger a fait honte d'être italien comme et même plus que Berlusconi. Face au courage grec, Renzi s'est montré comme un jaune éhonté de la démocratie.

Dans la chaîne des gouvernements serviles de l'Europe méridionale la Grèce à la fin est apparue comme le maillon faible, qui s'est cassé avant les autres. Le gouvernement Tsipras ne voulait pas sortir du système du pouvoir européen, mais voulait cependant renégocier les conditions de sa participation pour son propre pays, dévasté par les mémorandum de la Troïka. Cela lui a été empêché dès le début, malgré sa disponibilité déclarée et évidente.

La Grèce a négocié avec la Troïka, mais celle-ci n'a jamais traité avec la Grèce. Comme dans les conflits de travail les plus durs et dramatiques avec les patrons des forges, le seul accord possible était la capitulation. Et la capitulation devait être explicite et manifeste, pas sous la table. À cet objectif en particulier étaient intéressés les gouvernements jaunes, l'Espagne et l'Italie en tête, qui se sont ainsi révélés être ceux qui allaient poignarder en dernière instance le gouvernement grec. En effet, il était clair que même le succès minimal et très partiel de Tsipras aurait donné un soudain coup d'accélérateur à la chute déjà apparente de consensus de Renzi, Rajoy et compagnie. Merkel, bien qu'elle avait fa it espérer les Grecs dans quelque chose, a donc dû nier toute disponibilité pour ne pas découvrir ses sujets méridionaux.

La Grèce, cependant, a refusé de se rendre et ceci s'inscrira au mérite du gouvernement de Tsipras, quel que soit le résultat d'un référendum très difficile, mené contre le chantage de tous les pouvoirs extérieurs et intérieurs au pays. Si le NON devait gagner ce serait un bond en avant pour tous les peuples européens et une défaite historique du système de pouvoir du continent.

Mais même si devait prévaloir le OUI du chantage et de la peur, ce système ne gagnerait pas. Bien sûr, au début, nous aurions un contre-coup réactionnaire et les jaunes de gouvernement exprimeraient leur joie. Qui serait néanmoins de court terme parce que après le système continuerait à accumuler la crise et l'incapacité à la résoudre, tandis que la chute du consensus reprendrait à macérer des gouvernants.

Dans tous les cas, grâce au "non" grec nous sommes entrés dans la crise manifeste du système de l'euro et de l'austérité, le problème est posé et les idées et les forces pour l'affronter sont en train de s'affirmer et de s'organiser à travers toute l'Europe. Aujourd'hui en Grèce demain en Italie.

source : 

http://contropiano.org/interventi/item/31670-renzi-crumiro-della-democrazia

Stathis Kouvelakis: "L'Europe a déclaré la guerre à la Grèce"

 par Miri Davidson (Versobooks.com)

Pourquoi le premier ministre grec Alexis Tsipras, à la fin, a-t-il appelé à un référendum?

Bien que Tsipras ait signé la dernière liste de propositions grecques, les institutions européennes sont restés déterminées à le soumettre à une pure humiliation, lui demandant d'aller encore plus loin, plus qu'il ne pouvait se permettre politiquement: il était devenu clair que son propre parti, sa majorité parlementaire et aussi une part croissante de la société n'étaient pas prêtes à accepter de nouvelles concessions.

Comment en sommes-nous arrivés là, après cinq mois de négociations?

Il y a pas eu de négociations. Ce mot ne convient pas pour décrire ce qui est arrivé. Les institutions européennes ont maintenu la même ligne depuis le début, qui est celle d'imposer un plan d'austérité au nouveau gouvernement grec, le forçant à rester dans un cadre identique à celui de ses prédécesseurs, et ainsi montrer que les compétitions électorales en Europe ne peuvent produire aucun effet sur les politiques qui s'ensuivent, d'autant plus quand elles sont gagnées par un parti de la gauche radicale contre l'austérité. Ce que nous appelons des 'négociations', ont été tout simplement un piège mortel - qui s'est refermé autour de Tsipras. Son erreur a été de ne pas le comprendre à temps. Il pensait que s'il aurait porté la discussion le plus loin possible, les Européens auraient finalement opté pour un compromis, plutôt que de courir le risque d'une rupture. Mais ses adversaires n'ont rien donné, alors que lui a renoncé à beaucoup au cours des cinq derniers mois : il a fait d'énormes concessions, l'opinion publique s'est habituée à l'idée qu'un accord était possible, et les caisses publiques sont vides.

Tsipras n'a-t-il pas également commis une erreur en pensant pouvoir obtenir moins d'austérité en restant dans la zone euro?

Je fais partie du courant, au sein de Syriza, qui a fait valoir dès le début que vouloir concilier un rejet de l'austérité avec la permanence dans la zone euro était une contradiction. Et quand la BCE a décidé de couper les principaux moyens de financement des banques grecques, en février, nous avons vu que cela effectivement n'était pas possible. L'arme de la monnaie a servi à faire pression sur le gouvernement grec pour le forcer à abandonner les politiques anti-austérité. L'épisode le plus récent de ce chantage a été quand l'Eurogroupe, refusant de prolonger le programme actuel, a forcé Tsipras à fermer les banques pendant toute la semaine. L'objectif est clairement politique: en prenant les Grecs en otage tout en créant une situation de panique, en particulier parmi la classe moyenne et les riches, ils sont en train de contraindre le gouvernement à ne pas parvenir à organiser le référendum, ou bien à dicter les conditions de son déroulement, afin d'aider le "oui". L'Europe a déclaré la guerre à la Grèce.

La société grecque semble très divisée ...

Oui, les deux orientations sont en train de s'affronter. Le front du "non" se base sur toute une partie de la population qui subit déjà très fortement l'austérité, et qui perçoit les nouvelles exigences de la Troïka comme une tentative d'humilier la Grèce. Mais même le front du "oui", renforcé par la crainte provoquée par la fermeture des banques, rassemble les forces. Il ne fait aucun doute que ce référendum est un acte politique très courageux. C'est quelque chose que le piétinement de la politique en cours dans toute l'Europe nous a fait oublier : les décisions politiques importantes sont toujours risquées.

Quels sont les scénarios possibles pour l'après-référendum?

Une victoire pour le "oui" représenterait une défaite décisive pour Tsipras, et le forcerait sans doute à appeler à de nouvelles élections. Par contre, une victoire du "non" renforcerait sa détermination à affronter les institutions européennes, en lui donnant un mandat différent de celui des élections générales du 25 Janvier: la question serait alors de rompre avec l'austérité, à tout prix - même si cela  signifierait l'abandon du cadre européen. Le discours qui annonçait la convocation du référendum est le premier dans lequel le mot "euro" n'a jamais paru. Ce n'est pas un hasard.

Est-ce le certificat de décès de l'Europe?

Toute l'histoire de la crise grecque marque la fin d'une certaine idée, ou plutôt une certaine illusion de l'Europe. Son caractère anti-démocratique est en effet clair à tous, et qui respecte seulement la loi de la jungle, ainsi que son néo-libérisme, avec le mépris affiché envers toute forme de contrôle démocratique. Tout le monde a pu voir que, même si Syriza cherchait seulement une rupture partielle, modérée, pragmatique avec les politiques d'austérité, sans remettre en cause les fondements du cadre européen, l'affrontement à été ultra-violent. Tout simplement parce que ce gouvernement n'avait pas l'intention de capituler sous les coups des diktats néolibéristes. Même si l'Union européenne était capable de vaincre la résistance grecque, dans tous les cas elle payera, je crois, un prix très lourd pour son attitude. La Grèce est seulement la pointe la plus avancée de la crise européenne : le projet de l'Union européenne attire de moins en moins le soutien de l'opinion publique dans tout le continent.


Stathis Kouvelakis: "Europe has declared war on Greece" (1.07.15)

Miri Davidson, Verso Books

http://www.versobooks.com/blogs/2082-stathis-kouvelakis-europe-has-declared-war-on-greece 

source  

http://contropiano.org/interventi/item/31666-stathis-kouvelakis-l-europa-ha-dichiarato-guerra-alla-grecia

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