3.06.15 - La vague d’épurations qui a déferlé sur Odessa en avril-mai de cette année a emporté avec elle un grand nombre de citoyens qui exprimaient à voix haute leurs opinions. La liste complète des personnes arrêtées n’est pas accessible au commun des mortels, la police ne communique pas sur ce sujet. C’est pourquoi plusieurs semaines après les faits continuent de remonter à la surface des détails choquants des sévices infligés par la junte de Kiev aux dissidents. Une de ces victimes, dont le nom n’apparaissait pas au départ, est un journaliste du site d’opposition « Infocenter », Vitali Didenko.

La pratique de la lustration (les victimes sont jetées dans des bennes à ordures et même enfermées à l'intérieur) devenue banale depuis quelques mois en Ukraine, est l'un des moyens d'intimidation que les fascistes réservent aux opposants politiques. Ici, le procureur qui a dû renoncer à annuler l'arrestation du journaliste Vitali Didenko sous la menace des Maidown, les pro-Maidan, en sortant du tribunal protégé par la police. Un groupe de gros bras aguerris et rangés en haie d'honneur l'attend à l'extérieur. Vidéo à ce lien.
envoyé par nos amis sur place
En automne 2014, le Rédacteur en chef du site « Infocenter » Yevguéni Anokhine a été arrêté soi-disant pour avoir des liens avec des terroristes. C’est-à-dire avec les Républiques de Donetsk et Lougansk. Le SBU (services secrets ukrainiens) a découvert dans son ordinateur une liste de gens pouvant faire l’objet d’un échange entre les républiques populaires et l’Ukraine. Dans la mesure où les organes de police n’avaient rien réussi à trouver de mieux comme motif de son arrestation, ils ont été obligés de jouer les imbéciles et prétendre ignorer qu’un journaliste a le droit de collecter ce genre d’information dans un but professionnel. Au bout du compte, Anokhine a été échangé contre des prisonniers des FAU, et, ses papiers d’identité confisqués, livré à la république de Lougansk, où il se trouve à ce jour.
Après l’arrestation d’Anokhine, le journaliste Vitali Didenko qui travaillait déjà à « Infocenter » l’a remplacé au poste de Rédacteur en chef. Depuis ses années à la fac, Didenko sympathisait avec les idées communistes et avait une bonne connaissance du marxisme. Il s’est opposé au Maïdan, le considérant comme un mouvement réactionnaire et une arme aux mains des puissances impérialistes qui se battent pour le partage des sphères d’influence en Ukraine. Pour la même raison il n’a pas soutenu les nationalistes russes et s’est opposé au régime post maïdan à partir d’une plate-forme démocratique ouvrant sur une perspective socialiste. Cependant, son activité en qualité de journaliste d’Infocenter se bornait à une critique du régime instauré en Ukraine d’un point de vue de défense des valeurs démocratiques en général.
Mais comme on sait, le régime instauré en Ukraine considère toute critique à son adresse comme du séparatisme, dès lors qu’elle ne s’appuie pas sur l’idéologie communément admise. Dans la mesure où « Infocenter » et Vitali Didenko en personne ont toujours rejeté le bandérisme, ils étaient des cibles idéales. Sentant la menace, Didenko avait déjà changé d’adresse à la fin de l’année dernière, et peu avant son arrestation, il avait encore déménagé. Mais le SBU a retrouvé sa trace et, faisant pression sur le propriétaire, a mis son appartement sur écoute (illégale), et à l’aube du 29 avril a débarqué avec un mandat d’arrêt. Didenko a tenté de s’enfuir et s’est jeté du deuxième étage. L’opération a mal réussi : il s’est cassé un bras et deux côtes, devenant une proie facile pour ses persécuteurs.
Comme on pouvait s’y attendre, Didenko a été accusé de séparatisme, malgré le fait que sur le site « Infocenter » n’aient jamais été publiés d’appels à la séparation de quoi que ce soit appartenant à l’Ukraine. En plus de son activité journalistique, on lui reprochait un soutien informationnel et organisationnel à la « Rada populaire de Bessarabie ». Cette « rada » est une association qui regroupe des représentants des minorités nationales dans le sud de la province d’Odessa. Elle a été créée en avril 2015 et dès le départ fait l’objet de répressions – le régime de Kiev a vu en elle un organe séparatiste. Sans doute parce que la « Rada » rassemble des personnalités qui ne soutiennent pas la dictature post maïdan. Enfin, comprenant que les accusations portant sur les activités journalistiques et associatives ne suffiront pas pour mettre Didenko à l’ombre, au cours d’une perquisition on a « trouvé » chez lui de la cocaïne. Tous ses amis ont été profondément surpris de cette « trouvaille » : il menait un mode de vie sain, ne fume pas, ne boit de l’alcool que les jours de fête, et avant la crise politique jouait au football.
Les services secrets avaient calculé juste. Les accusations de séparatisme étaient tellement bancales que le 15 mai la Cour d’appel a rejeté la décision d’arrêter Didenko. Mais le SBU l’a accusé de détention illégale de stupéfiants et arrêté de nouveau le 19 mai. L’avocat de Didenko a fait de nouveau appel, mais cette fois-ci, les « Maïdown » (partisans du maïdan) s’en sont mêlés. Le 27 mai ils ont intercepté le procureur et l’ont menacé de « lustration par la benne à ordures », si la Cour annule l’arrestation. Celle-ci a donc laissé Didenko derrière les barreaux.
Le rôle des « Maïdown » dans l’affaire Didenko est remarquable à tous points de vue. Quand début mai le juge l’a placé pour la première fois en détention préventive, peu de gens étaient au courant. Seulement ses parents, le tribunal, les services secrets et… un groupe de Maïdown de la soi-disant association « Oberig ». Les identités de deux d’entre eux sont faciles à déterminer : il s’agit de la « journaliste » Vera Zaporojets et du militant Secteur droit à la réputation sulfureuse Mikola Dotsenko. Ils se sont présentés au tribunal et ont commencé à harceler moralement Didenko et son père. Ils en ont fait une vidéo
https://www.youtube.com/watch?v=KAnFnvrKwIM&feature=youtu.be
A en juger par leur discours, ils connaissent parfaitement le dossier de l’enquête, y compris les enregistrements réalisés au domicile du journaliste. Dans les couloirs du tribunal, ils ont joué le rôle de « procureurs bénévoles », s’efforçant de briser et de calomnier le prévenu, et en même temps de le rabaisser en public, afin de diffuser cette scène d’humiliation au monde entier, le privant par là-même de la sympathie et du soutien de l’opinion publique. Une circonstance assez pénible était aussi le fait que le père du journaliste est partisan du pouvoir à Kiev. Quoi qu’il en soit, la vidéo et le comportement inquisitoire des pro-maïdan dans les couloirs du tribunal ne jouent pas en leur faveur, car ce sont eux qui ont le mauvais rôle et non leur victime sans défense.
Deux circonstances donnent un tour assez piquant à la situation. Premièrement, les inquisiteurs accusent Didenko de travailler non pour ses idées, mais uniquement pour de l’argent, alors que justement l’organisation « Oberig » a été exclue de « Pravy sektor » [Secteur droit, NdT] pour malversations financières, dont détournement de biens et d’argent. Et d’ailleurs il serait étrange que le rédacteur en chef d’un site d’information et dont c’est l’emploi principal ne reçoive pas de salaire. Deuxièmement, l’un des harceleurs moraux du journaliste d’opposition est recherché par la police pour avoir participé au passage à tabac du député Choufritch. Nous parlons de Mikola Dotsenko. Néanmoins, il se promène tranquillement à travers tout le bâtiment du tribunal et a même accès aux dossiers d’instruction des services secrets. Il est clair que sans un soutien direct du SBU, Zaporojets, Dotsenko et toute leur bande, qui se fait appeler « Oberig », n’auraient pas pu se comporter de cette manière.
Ainsi, l’affaire Vitali Didenko témoigne clairement de l’arbitraire juridique et du caractère répressif du régime de Kiev. Un journaliste d’opposition, un homme de gauche a été accusé de séparatisme pour la seule raison qu’il n’accepte pas l’idéologie du pouvoir en place et qu’il collabore avec des associations en désaccord avec le régime. Lors de son interpellation on a placé de la drogue chez lui pour pouvoir l’accuser. Et après son arrestation, pour le discréditer moralement, on a utilisé des bandits et des trafiquants protégés par le SBU et qui couvrent leurs agissements de mouchards et d’inquisiteurs sous des accréditations journalistiques.
Vitali Didenko est aujourd’hui détenu à l’hôpital d’un établissement pénitentiaire. Il souffre non seulement des blessures qu’il s’est faites en tentant vainement de fuir, mais aussi de harcèlement psychologique. Il a besoin de notre soutien moral. C’est pourquoi nous appelons tous ceux qui peuvent de diffuser largement ces informations sur la persécution d’un journaliste d’opposition, le mépris des droits civiques en Ukraine et les méthodes infâmes utilisées par les pro-maïdan pour faire pression sur le prévenu et sur la justice.
Traduit par Marianne Dunlop
source :
https://histoireetsociete.wordpress.com/2015/06/03/appel-urgent-a-soutenir-un-journaliste-emprisonne-a-odessa/
Un article paru le 27 mai 2015 sur le site CounterPunch sur la répression de l'opposition antifasciste à Odessa. Par Eric Draitser, animateur de Radio CounterPunch.
La réalité de la répression
La répression par Kiev de l'antifascisme à Odessa
27 MAI 2015
par ERIC DRAITSER
Il y a une idée fausse très répandue en Occident qu'il n'y a qu'une seule guerre en Ukraine: une guerre entre les rebelles anti-Kiev de l'Est, et le gouvernement soutenu par les US à Kiev. Pendant que ce conflit, avec toutes ses implications géopolitiques et stratégiques, a capté la plupart des gros titres, il y a une autre guerre qui fait rage dans le pays - une guerre pour écraser toute dissidence et l'opposition au consensus oligarco-fasciste. Car pendant que dans l'Ouest de nombreux soi-disant analystes et gauchistes se demandent si vraiment il y a le fascisme en Ukraine ou si c'est juste de la "propagande russe," une violente guerre de répression politique est en train de se répandre.
Les autorités et leurs supplétifs voyous fascistes ont tout mis à exécution, de l'intimidation physique à des arrestations politiquement motivées, des enlèvements, des tortures et des assassinats ciblés. Tout cela a été fait sous les auspices de "l'unité nationale", le prétexte commode que chaque régime oppressif a utilisé depuis des temps immémoriaux afin de justifier ses actions. Lorsqu'on lit la narrative occidentale sur l'Ukraine, on peut être excusé de croire que le mécontentement et l'indignation du pays soient limités à la seule zone généralement appelée Donbass - les Républiques Populaires de Donetsk et Lugansk comme elles se sont elles-mêmes déclarées. En effet, il y a de bonnes raisons pour que les médias reproduisent une telle image déformée; elle légitime la fausse affirmation selon laquelle tous les problèmes de l'Ukraine seraient dus à l'ingérence russe et à la militarisation sous couverture.
Au lieu de cela, la réalité est que la colère et l'opposition au gouvernement de coalition oligarco-fasciste pro-américain à Kiev est profondément enracinée et imprègne une grande partie de l'Ukraine. Dans des villes politiquement, économiquement, culturellement importantes telles que Kharkov, Dnepropetrovsk et Kherson, des formes horribles de persécution politique sont en cours. Cependant, nulle part cette répression n'est plus visible que dans la ville portuaire d'Odessa sur la mer Noire. Et cela n'est pas un hasard.
Odessa: Centre de la Culture, Centre de la Résistance
Depuis plus de deux siècles, Odessa a été l'épicentre du multiculturalisme de celle qui est appelée aujourd'hui l'Ukraine, mais qui fut alternativement l'Union soviétique et l'Empire russe. Avec son histoire vibrante d'immigration et le commerce, Odessa a été au cœur de l'internationalisme et de la coexistence culturelle, religieuse et ethnique dans le monde russophone. Ses nombreuses populations de Russes, Juifs, Ukrainiens, Polonais, Allemands, Grecs, Tatars, Moldaves, Bulgares et autres identités ethniques et nationales firent d'Odessa une ville vraiment internationale, un port cosmopolite de la mer Noire avec l'architecture française, l'influence ottomane, et une riche histoire culturelle juive et russo/soviétique.
À bien des égards, Odessa était la ville soviétique par excellence, celui qui, dans une large mesure, a effectivement incarné l'idéal soviétique identifié dans l'hymne national - une ville "unie pour toujours dans l'amitié et le travail". Et c'est cet esprit de multiculturalisme et cette histoire partagée que rejettent les politiques racistes, chauvines, fascistes qui passent maintenant comme devise politique standard dans l' "Ukraine Démocratique."
Lorsque en février 2014, le gouvernement corrompu, quoique démocratiquement élu, de l'ancien président Viktor Ianoukovitch fut renversé par un coup d'Etat soutenu par les États-Unis, les gens d'Odessa, tout comme dans de nombreuses autres villes, ont commencé à organiser des contre-manifestations contre ce qu'ils percevaient comme une alliance oligarco-fasciste occidentalo-sponsorisée et prenant le pouvoir sur leur pays. Dans les semaines et les mois qui ont suivi, des dizaines de milliers de personnes se déversèrent dans les rues pour exprimer leur mécontentement, y compris dans des rassemblements massifs organisés en Février , Mars et Avril.
Ce mouvement diffus contre la nouvelle dérogation (dispensation) à Kiev, triée sur le volet par les États-Unis et ses alliés européens, a abouti à deux événements critiques: la création d'un mouvement anti-Maidan appelant à la fédéralisation et une plus grande autonomie pour la région d'Odessa, et le massacre à la Maison des Syndicats exécuté par des voyous fascistes qui a abouti à la mort de plus d'une cinquantaine de militants et manifestants anti-fascistes. Comme un organisateur de la manifestation et un témoin oculaire ont raconté à l'auteur, "ça a été le moment où tout a changé, où nous avons pris conscience de ce que l'Ukraine était réellement devenue."
La brutalité du pogrom - un mot approprié compte tenu de l'histoire longue et violente de cette région - ne pouvait guère être cru même par des militants anti-fascistes endurcis. Des corps avec des blessures par balles trouvés à l'intérieur du bâtiment brûlé, des survivants battus dans les rues après leur fuite désespérée des flammes, et une myriade d'autres témoignages horrifiants démontrent sans équivoque que ce que les médias occidentaux ont malhonnêtement et honteusement appelé "des affrontements avec des manifestants pro-russes", était en fait un massacre; celui qui a changé à jamais la nature de la résistance à Odessa, et dans une grande partie de l'Ukraine.
Il n'y avait plus de manifestants exprimant simplement leurs griefs contre un gouvernement illégitime parrainé par des étrangers. Il n'y avait plus de manifestations simplement en faveur de la fédéralisation et une plus grande autonomie. Au lieu de cela, la nature de la résistance a changé en prenant un caractère véritablement anti-fasciste cherchant à faire connaître la vérité sur l'Ukraine à toute la planète. Alors qu'auparavant Odessa avait été le lieu de demandes pacifiques de justice, elle est devenue le lieu de la répression brutale du gouvernement visant à détruire tout semblant de protestation politique ou de résistance. En effet, le 2 mai 2014 a été un tournant. Le jour où la politique est devenue résistance.
La réalité de la répression
Le 2 mai 2014 le massacre à Odessa est l'un des rares exemples de répression politique qui a suscité au même temps l'attention à l'échelle internationale. Cependant, il y a eu de nombreux autres exemples de répression brutale et illégale de Kiev sur la dissidence dans la ville côtière en crise et à travers le pays, dont la plupart restent presque entièrement inconnus.
Au cours des dernières semaines et mois, les autorités locales se sont engagées dans des arrestations politiquement motivées des principaux journalistes et blogueurs qui ont présenté un point de vue critique sur les événements à Odessa. Parmi eux, les plus importants sont les rédacteurs du site infocenter-odessa.com , un nouveau site d'information locale qui a été farouchement critique envers le régime de Kiev et de ses autorités locales.
À la fin de 2014, le rédacteur en chef du site, Yevgeny Anukhin, a été arrêté sans mandat alors qu'il tentait d'enregistrer son organisation de droits de l'homme avec les autorités. Selon diverses sources, les principales raisons de son arrestation étaient sa possession des preuves vidéo des bombardements illégaux par l'armée ukrainienne d'un point de contrôle dans Kotovka, et des données sur son ordinateur qui incluaient une compilation de noms de prisonniers politiques détenus sans procès à Odessa. En l'absence de preuves ou d'un mandat, et en violation des procédures juridiques classiques, il a été arrêté et accusé de recrutement d'insurgés contre l'Etat ukrainien.
En mai 2015, le nouveau rédacteur en chef d'Infocenter-odessa.com Vitaly Didenko, un journaliste et militant anti-fasciste de gauche, a également été arrêté sur des accusations forgées de toutes pièces pour détention de drogue qui, selon plusieurs sources à Odessa, sont entièrement fabriquées par les services secrets SBU (Service de sécurité ukrainien) afin de créer un prétexte pour le mettre en détention. Au cours de son arrestation, Didenko a été grièvement blessé, avec plusieurs côtes cassées et un bras cassé. Il est actuellement enfermé dans une prison d'Odessa, son cas est entièrement ignoré par les médias occidentaux, y compris les organisations qui se déclarent engagées dans la protection des journalistes.
En outre, juste le week-end dernier (24 mai 2015) il y avait encore un autre affichage nauséabond de la répression politique à l'endroit même du massacre du 2 mai 2014. Les militants et les citoyens ordinaires d'Odessa avaient pris part à une commémoration pour les victimes de la tragédie lorsque la manifestation a été violemment dispersée par des hommes armés en uniforme de la garde ou militaire ou nationale ( voir ici pour les photos ). Selon des témoins, les militaires ont incité le rassemblement à la violence et à la dispersion, cela pendant que la police locale et les observateurs de l'OSCE se tenaient de côté et regardaient. Naturellement, cela est dans l'ordre d'une évolution vers l' "Ukraine démocratique."
Mis à part les journalistes, un grand nombre de militants ont été arrêtés, enlevés, et / ou torturés par les autorités ukrainiennes et leurs sbires fascistes. Les principaux membres de l'organisation de gauche Borotba (Lutte) ont été à plusieurs reprises harcelés, arrêtés et battus par la police. Un exemple particulièrement infâme était la détention de Vladislav Wojciechowski, un membre de Borotba survivant du massacre du 2 mai. Selon le site de Borotba, "lors de la perquisition de l'appartement où il a vécu, des explosifs ont été posés. Des paramilitaires d' "autodéfense" nazis ont participé à son arrestation. Vladislav a été battu, et il est possible que des aveux aient été obtenus de lui sous la torture. Actuellement, il est détenu par le SBU. "Il a finalement été accusé de "terrorisme" par les autorités après avoir été battu et torturé soit par les sbires nazis soit par les agents du SBU.
Après sa libération plus de trois mois plus tard, en décembre 2014, au cours d'un "échange de prisonniers" entre Kiev et les rebelles de l'est, Wojciechowski a déclaré en guise de défi, "je suis très en colère contre le gouvernement fasciste de l'Ukraine, qui a prouvé une fois de plus avec ses actes barbares qu'il est prêt à marcher sur les cadavres pour défendre ses intérêts et ceux de l'Ouest. Ils ont échoué à me casser! Et ma volonté est devenue en acier trempé. Maintenant, je suis encore plus convaincu qu'il est impossible de sauver l'Ukraine sans vaincre le fascisme sur son territoire. "Wojciechowski a également été le rédacteur en chef du site 2May.org , un site dédié à la diffusion de la vérité sur le massacre d'Odessa.
Il convient cependant de noter que Wojciechowski a été arrêté avec ses camarades Pavel Shishman du désormais interdit Parti Communiste d'Ukraine, et Nikolaï Popov de la Jeunesse Communiste. Ces arrestations ne devraient pas surprendre les observateurs de la situation politique en Ukraine, où toutes les formes de la politique de gauche - le Parti communiste, les symboles soviétiques et les noms , etc. - ont été interdites et brutalement réprimées.
Kiev est non seulement engagée dans un assaut contre les libertés politiques, mais aussi dans une guerre classiste contre la classe ouvrière d'Odessa et l'Ukraine en général. Les faits que les événements qui ont conduit au massacre aient eu lieu à la place Kulikovo - un lieu célèbre consacré à l'époque des Soviets aux démonstrations politiques de la classe travailleuse - et que le massacre lui-même ait eu lieu dans la Maison des Syndicats qui lui est adjacente, ont une résonance symbolique, la signification de cela n'a pas échappé aux odessites. Il est à la fois la tentative d'effacer l'héritage de la lutte de classe et la politique de gauche, ainsi que les sacrifices des générations précédentes dans un endroit où la mémoire historique est profonde, et les cicatrices du passé encore sensibles.
En dehors de ces attaques honteuses sur les formations de gauche, les institutions multiculturelles aussi ont été réprimées sous le prétexte du "séparatisme russe". Une organisation pluri-ethnique et pluri-nationale connue comme la Rada Populaire de Bessarabie (PRB) a été fondée au début d'avril 2015 afin de promouvoir l'autonomie régionale et / ou l'autonomie ethnique en réponse aux attaques juridiques et extrajudiciaires sur les minorités par les autorités de Kiev. Il a été signalé que après 24 heures du congrès de fondation, le SBU ukrainien avait arrêté les principaux dirigeants de l'organisation, y compris le président du présidium de l'organisation Dmitry Zatuliveter dont le lieu de détention, selon les dernières informations de l'auteur, demeure inconnu. Dans les deux semaines 30 autres militants du PRB ont été arrêtés , y compris le membre fondateur Vera Shevchenko.
Pendant que les médias occidentaux et ses armées de think tanks et les officines de la propagande nient fermement qu'une organisation comme le PRB puisse être autre chose que "un projet de consultants politiques russes," la réalité est que ces mouvements ont été une réaction à une législation répressive et d'intimidation par le régime pro-américain à Kiev, qui a tout fait pour proscrire les deux partis politiques russophones les plus populaires du sud et de l'est (le Parti des Régions et le Parti communiste), pour tenter de destituer la langue russe du statut officiel au sein de Ukraine, un geste interprété par ces groupes comme une menace directe contre eux et leurs régions où le russe, pas l'ukrainien, est la lingua franca*.
Comme le Senior Fellow à la Fondation Jamestown et ancien contributeur de Radio Free Europe / Radio Liberty (lire le front de la CIA) Vladimir Socor l'a écrit le mois dernier dans un article intitulé L'Ukraine désamorce les instigations pro-russes dans la province d'Odesa , «dans l'esprit de l'action préventive, les organismes d'application de la loi ukrainienne ont arrêté quelque 20 membres d'une organisation centrifuge dans la province d'Odesa [sic] ..L'intervention opportune a également arrêté le train en marche qui venait de commencer à rouler depuis Moscou en soutien du groupe d'Odesa [sic]". C'est intéressant, l'auteur encadre trompeusement son apologie de la soi-disant "détention préventive" comme une simple "intervention en temps opportun" en essayant de dissimuler opportunément l'illégalité flagrante de l'action de Kiev, qui a évité le primat du droit en faveur de la force brutale et de la répression.
Et quel est le grand crime du PRB aux yeux de M. Socor et les intérêts des États-Unis dont il parle? Comme il le dit ouvertement dans l'article avec une condescendance typique:
Le [programme et le manifeste du BPR] comprend des exigences pour: une plus grande représentation des groupes ethniques dans l'administration de la province ukrainiennes d'Odesa [sic] ; la promotion des identités culturelles et des écoles des groupes ethniques; l'octroi d'un "statut spécial national-culturel" à la Bessarabie ; une zone économique libre, avec une référence spécifique à un contrôle local sur les ports de la mer Noire ukrainienne et le Danube ; pas d'intégration de l'Ukraine avec l'Union européenne, les "pratiques de réduction à l'esclavage qui ruineraient la région et son agriculture"; et le rétablissement du statut international de non-alignement de l'Ukraine[récemment abandonné] ou encore: "dans le cas où l'Ukraine se rangeait avec l'OTAN [Organisation du Traité de l'Atlantique Nord], nous nous réservons le droit de mettre en œuvre l'auto-détermination de la Bessarabie."
Une lecture attentive de ces demandes révèle que ce sont précisément les exigences que toute position sensée anti-impérialiste devrait épouser, y compris le rejet de l'intégration de l'OTAN, le rejet de l'intégration européenne, le rejet de l'ouverture du secteur agricole de l'Ukraine à des gens de Monsanto et d'autres sociétés occidentales, et la protection des minorités ethniques, religieuses et culturelles, entre autres choses. Alors que Socor écrit ces demandes dérisoirement, la réalité est qu'elles constituent précisément le genre de programme qui est essentiel pour la défense à la fois de la souveraineté de l'Ukraine, et des droits du peuple d'Odessa et de la région. Mais bien sûr, pour Socor, tout cela est juste un complot russe. Au lieu de cela, il se met à genoux pour baiser l'anneau de chocolat de Porochenko ... et peut-être d'autres parties de Victoria Nuland et John Kerry, tout en soutenant vigoureusement et avec enthousiasme encore plus de répression politique.
Un message pour la gauche
Sur le plan international, la question qui est posée à la gauche n'est plus de savoir si ils croient qu'il y a des fascistes en Ukraine, ou si ils sont une partie importante de l'establishment politique dans le pays; cela est maintenant impossible à réfuter. Le défi qui se pose à la gauche internationale est plutôt de savoir si elle peut surmonter sa profonde méfiance de la Russie, et l'incapacité conséquente de séparer les faits de la fiction, et résolument défendre ses camarades en Ukraine avec la conviction et la détermination de ses antécédents historiques.
Il y a toute une histoire qui est prise d'assaut, tout un peuple qui est sous l'oppression, une tradition de gauche pulvérisée sous le talon d'un agenda impérialiste et de la bourgeoisie compradore et oligarque. Certains à gauche choisissent de ricaner dérisoirement de cette lutte, s'alignant eux-mêmes une fois de plus avec l'Empire tout comme ils l'ont si souvent fait en Libye, en Syrie et ailleurs. Et puis il y a ceux qui, comme l'auteur, refusent de se laisser intimider par l'insulte sans fondement d' "apologiste russe" et de "marionnette de Poutine"; ceux d'entre nous qui choisissent de ne pas détourner le regard alors que nos camarades en Ukraine sont battus, enlevés, torturés, emprisonnés, disparus.
Car, pendant que eux s'expriment publiquement devant les représailles, au milieu d'une répression brutale, sous la menace de la prison et de la mort, le moins que nous puissions faire est de nous exprimer publiquement depuis nos sièges confortables. Il n'y a rien de plus bas que la couardise morale et l'absolue déloyauté.
Eric Draitser est le fondateur de StopImperialism.org et l'animateur de Radio Counterpunch. C'est un analyste géopolitique indépendant basé à New York City. Vous pouvez le joindre à ericdraitser@gmail.com.
source :
http://www.counterpunch.org/2015/05/27/kievs-repression-of-anti-fascism-in-odessa/
* Lingua franca : comme E. Draitser utilise ce terme je l'ai gardé tel quel. Il s'agit bien sûr du langage effectivemet parlé par la population, mais aussi de la langue d'échange multiculturel intramuros et avec l'extérieur, d'autant plus que Odessa est un port.
Dans wikipedia on lit en effet que la lingua franca "ou langue franque, est une langue véhiculaire composite (à l’instar des pidgins), parlée du Moyen Âge au xixe siècle dans l’ensemble du bassin méditerranéen, principalement par les marins et les marchands, mais aussi par les bagnards, prisonniers, esclaves et populations déplacées de toutes origines. Dans son célèbre Dictionnaire universel (1690), Antoine Furetière en donne la définition suivante : Un jargon qu'on parle sur la mer Méditerranée, composé de français, d'italien, d'espagnol et d'autres langues, qui s'entend par tous les matelots et marchands de quelque nation qu'ils soient1. (…) De nos jours, par extension, le terme de lingua franca désigne une langue véhiculaire utilisée par une population donnée pour communiquer. Ces langues véhiculaires ne sont pas obligatoirement des pidgins comme l’était la lingua franca." Le russe est donc une langue véhiculaire comme le sont l'anglais, le français ou l'arabe littéraire, l'africaans, l'espéranto, et d'autres encore.
La disqualification de la langue russe est une mesure totalement décalée par rapport aux nécessités réelles de la population.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Lingua_franca
projet de création d'un dictionnaire de russe lingua franca :
https://fr.glosbe.com/ru/lfn/
pays où le russe est parlé comme lingua franca :
http://www.mosalingua.com/blog/2014/05/22/raisons-dapprendre-le-russe/
Dossier 'Kiev. Assassinats des opposants. Le peuple en colère accuse [sous-titres français]
cliquer sur le titre pour voir la vidéo
Ajoutée le 20 avr. 2015 sur Youtube
Ukraine, Kiev, le 19 avril 2015. Après l'assassinat de Oles Bouzina, écrivain, historien et journaliste de Kiev, le peuple venu rendre un dernier hommage à ce grand homme crie sa colère contre le régime et les journalistes.