5.03.15 - Le 12 février 2014, le Parement ukrainien a voté l'interruption de l'accréditation des journalistes russes auprès des structures étatiques. Le SBU (KGB ukrainien) doit fournir la liste des médias et journalistes russes interdits de travailler en Ukraine. Etrangement, l'Occident ne semble pas s'offusquer d'une telle méthode pour museler le débat public et la liberté de la presse.
La Rada
par Karine Bechet-Golovko
Par 239 voix sur les 226 nécessaires, la Rada a adopté la décision de suspendre l'accréditation des médias russes auprès des organes publics ukrainiens jusqu'à la fin des opérations de guerre dans le Donbass. Cela concerne les journalistes, mais également les opérateurs, caméramans, le personnel technique etc.
Ainsi, un journaliste de TASS s'est vu refuser l'accréditation auprès du Ministère des affaires étrangères ukrainien pour couvrir la conférence de presse qui va avoir lieu entre le Ministre ukrainien et son homologue anglais aujourd'hui. Quand, étonné, il demande quel est le problème car la semaine dernière il a obtenu une accréditation, au ministère on lui répond qu'il n'y a pas de problème, que la semaine dernière c'était possibe, cette semaine ça ne l'est plus. C'est tout, c'est comme ça.
Ces mesures vont concerner une centaine de médias russes. En dehors des deux plus grosses agences que sont TASS et RIA qui sont interdites, l'agence RBK Ukraine a déjà annoncé un durcissement des règles d'accréditation. On rappellera qu'en 2014, 83 journalistes russes se sont vus refuser l'accès au territoire. Ces journalistes sont issus de médias très différents comme Rossiya, NTV, Life News et même Les Echos de Moscou, dont la ligne éditoriale générale soutient la position ukrainienne.
Les autorités russes ont immédiatement dénoncé une discrimination inacceptable et infondée. Il est regrettable que les chancelleries occidentales détournent le tête, une fois de plus. A l'exception notable de Reporter sans frontières. L'OSCE, pour sa part, n'y voit qu'une mesure un peu excessive...
Il est vrai que le pouvoir à Kiev est pris au piège. Les médias sont entre les mains des oligarques qui les utilisent pour leur combat personnel et pour le besoin du pays, dans le sens où ils l'entendent et la mesure où cela leur est profitable. Car même dans cette ambiance anesthésiée de propagande officielle agressive, il est difficile de mobiliser les troupes, les recrues viennent souvent après menaces, ceux qui sont sur place veulent renrer.
Traduction: "Excusez-moi, mais pour moi la guerre avec la Russie est finie, j'en ai assez, je dois chauffer ma maison et je n'ai rien pour ;( Enfoirés de Yatséniuk, Poroshenko et Grossman...". La situation sociale, dans le Donbass et dans le reste de l'Ukraine est catastrophique. Certains analystes attendaient l'hiver pour voir la chute du régime. Ce fut une erreur, le régime est maintenu sous perfusion, les gens sont fatigués de la révolution et aucun mouvement de foule type Maïdan ne se monte spontanément et sans financement. Cette absence de réponse alors que les salaires et pensions baissent, les tarifs augment, la monnaie chute, les oligarques sont comme jamais au pouvoir, tout cela démontre justement l'absence d'ingérence de la Russie.
Au-delà de la catastrophe humanitaire qui s'installe dans toutes les régions d'Ukraine, de l'importante paupérisation de la population, surtout de l'ancienne couche moyenne devenue pauvre, c'est l'échec de l'opération militaire dans le Donbass qu'il faut cacher à la population. Il faut masquer les pertes colossales dans les rangs d'une armée démotivée, destructurée et mal préparée, le fait que des soldats meurent sous le tir de leurs pairs, volontairement ou non. Cacher que les corps sont abandonnés sur place, comme à l'aéroport de Donetsk ou à Débaltsévo et que personne à Kiev ne veut les récupérer. Que ce sont les combattants qui les sortent des décombres et les enterreent lorsqu'ils ne peuvent les identifier et contacter les familles. Il faut cacher cette débâcle, cette honte, ce mépris pour ceux qui se sont battus pour un mirage. Car c'est bien de cela qu'il s'agit: l'interdiction des journalistes russes valant pour le temps de la guerre que mène Kiev contre sa population de l'Est. Il faut non seulement cacher la réalité quotidienne, mais également maîtriser le discours pour l'avenir.
Si plus rien ne peut nous surprendre de la part de ce pouvoir, les couvrir oblige à s'interroger sur les valeurs européennes défendues non seulement par les structures de l'UE, mais surtout par les Etats européens dont le silence est assourdissant. Quant aux journalistes, est-ce pour cela qu'ils font leur métier? Depuis quand la complaisance et la veulerie sont-elles devenues des mots d'ordre? Il est certainement plus confortable de faire semblant de s'acharner sur la dernière chanson des Enfoirés ...
«Nos pires ennemis sont ces connards de Kiev qui nous ont envoyés mourir ici »
4.03.15 - DES SOLDATS UKRAINIENS PRIVÉS DE SALAIRE POUR AVOIR MAUDIT POROCHENKO DEPUIS LEUR TRANCHÉE.
Une vidéo destinée à Porochenko réalisée par des soldats des Forces armées ukrainiennes (FAU) dans leur tranchée et contenant de très vives critiques, a été diffusée à Kiev – qui n’a pas apprécié. Et au lieu de donner satisfaction aux soldats, ils les ont privés de leur salaire. Ce n’est probablement que le début.
Par Sasha Zhuk
Le soldat qui a filmé la vidéo, Andrey Grachev, en parle sur sa page Facebook.
«Je demande pardon à mes enfants et à ma femme bien-aimée. Je me bats maintenant sans salaire parce que j’ai filmé et posté cette vidéo. Les camarades qui sont sur la vidéo sont dans le même cas. Je ne comprends pas, nous avons peut-être fait une erreur. Et maintenant, nous devons nous battre gratuitement pour l’Ukraine et pour le président. Camarades, ne dites pas la vérité. Restez assis sans rien dire, gardez tout pour vous. Sinon, vous perdrez un mois de salaire comme nous», a écrit Grachev.
Grachev a filmé et a posté une vidéo dans laquelle lui et d’autres soldats posent quelques questions gênantes à Porochenko.
La vidéo commence par ces mots : «Au président de l’Ukraine, Porochenko, commandant en chef! Ce sont des soldats des FAU qui vous parlent. Nous n’appartenons pas à la Garde nationale ni à un bataillon de volontaires, nous appartenons aux FAU.»
«S’il vous plaît, Monsieur le Président, écoutez-nous! Peut-être vous souvenez-vous de moi? Permettez-moi de vous rappeler qui je suis: à 16 ans, j’ai gagné une compétition de judo, vous m’avez donné un kimono avec lequel j’ai gagné de nombreuses compétitions. J’ai toujours ce kimono. Vous vous rendez compte où nous en sommes maintenant au lieu d’être en train de défendre la gloire de notre pays dans le sport ou d’élever nos enfants à la maison avec nos amis et nos proches?
La situation du pays est catastrophique. Vous ne pouvez pas rétablir l’ordre, pourtant c’était votre slogan lorsque vous avez été élu, n’est-ce pas? Vous souvenez-vous de vos paroles sur le Maïdan: ‹1000 hryvnias par jour pour les soldats qui sont au combat.› Vous aviez promis le 25 mai qu’à partir de 26 mai tout ira bien dans le pays! Sauf que tout va de pire en pire dans notre pays.
De quelle ATO (Opération anti-terroriste) parlons-nous? Regardez ce qui se passe ici! C’est la guerre. Si vous ne voyez rien, alors bougez votre cul et venez ici avec votre femme et vos enfants pour voir ce qui se passe. Venez voir les gars qui sont en train de mourir pour vous, afin que vous puissiez prospérer dans le chocolat. Nous avons l’impression que nous serons bientôt obligés d’utiliser nos armes pour pouvoir nourrir nos familles. Parce que de retour à la maison nous devrons nous battre pour manger. Parce que notre maudit salaire est de 150$. Monsieur le Président, c’est dégueulasse», disent les soldats.
En outre, ils disent que les nouveaux équipements ukrainiens si vantés n’arrivent pas jusqu’à la ligne de front. «Vous renforcez votre garde nationale en lui donnant de nouveaux fusils, des jeeps blindées, des tanks Bulat, à 50 km de la ligne de front. Vous pensez pouvoir vous cacher derrière eux? Comment se fait-il que nous n’ayons pas même un seul kuguar [véhicule blindé anti-mines, NdT] pour évacuer les blessés? Où est la nourriture?»
Les soldats parlent également des armes qu’ils ont à leur disposition: des fusils de 1980, des mitrailleuses de 1954 qui marchent très mal.
À la fin de la vidéo, les soldats proposent à leurs camarades de régiment de marcher sur Kiev. «Pensez-y, les gars. Nous allons probablement bientôt être obligés de marcher sur Kiev au lieu de rester ici. Parce que nos pires ennemis sont les connards de Kiev qui nous ont envoyés mourir ici.»
Commentaire de J. Hawk (traducteur du russe à l’anglais)
La vidéo a été vue par plus d’un demi-million de visiteurs, et beaucoup plus de gens l’ontaimée et détestée. Voilà le commentaire le plus populaire (au moment où j’écris, il a reçu 383 like) :
«Les gens commencent à comprendre… Notre Ukraine est foutue, merci aux hérosqui ont ruiné le pays, merci pour les 40 hryvnias pour un dollar, pour la Crimée, pour le Donbass, pour Timochenko, pour Porochenko… Merci pour tout! Vous tous, racailles que vous êtes, vous auriez dû être dispersés aux quatre vents sur le Maïdan, nous aurions encore huit hryvnias pour un dollar, et la Crimée, et le Donbass, et tous ces gens seraient encore en vie, et nous aurions des salaires normaux… Maudits Européens! Quelle sorte d’Europe pourrie est-on avec des salaires plus bas que la Somalie?!»
Cette façon de voir est-elle très répandue ? En tous cas, Grachev l’assure sur facebook : «Croyez-moi, Monsieur le Président, tout le monde ressent la même chose.»N’oublions pas que beaucoup de ces soldats vont bientôt rentrer à la maison avec la vague de démobilisation. Emmèneront-ils leurs idées politiques et leurs armes avec eux?
Traduit par Dominique Muselet, relu par jj pour le Saker Francophone
sources :
http://russiepolitics.blogspot.fr/2015/03/ukraine-interdiction-des-medias-russes.html
http://lesakerfrancophone.net/nos-pires-ennemis-sont-ces-connards-de-kiev-qui-nous-ont-envoyes-mourir-ici/
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Je voudrais dédier Powder Keg, court-métrage puissant du cinéaste mexicain Alejandro Gonzales Iniarritu, à tous ceux, photographes, reporters, témoins, en Ukraine et de par le monde, qui consacrent leur vie à la quête des images vraies, dans la situation absurde d'une guerre.
https://www.youtube.com/watch?v=9AGImxerGjc