Nous sommes à cinq jours après le dernier massacre en Ukraine, qui a eu lieu à la Maison des Syndicats d'Odessa le soir du vendredi 2 mai.
Pendant les premiers jours sous le choc, et dans la difficulté de vérifier laquelle des informations était vraie ou exagérée, - tellement ça paraissait hors de toute rationalité qu'il puisse advenir un fait pareil en Europe en 2014 - à défaut du travail qu'il revient normalement aux journalistes professionnels d'effectuer, à partir des sources officielles et sûres comme la police, les autorités locales, etc., habituellement relatées par les journaux, les sites internet de la presse, l'AFP en premier, ainsi que les agences de presse et les journaux en langues étrangères mais en caractères latins. Les mass médias et les sites en ligne ayant limité au strict minimum du nombre évalué des victimes et à un récit succinct, la couverture de cette tragédie dans un pays censé faire partie de l'Europe, beaucoup d'internautes ont immédiatement relevé l'incohérence et les lacunes honteuses de ces informations par rapport aux nombreuses vidéos qui montraient dans les détails le déroulement des violences, et pour cause, elles étaient filmées côte à côte avec les protagonistes mêmes de ces crimes.
Etant donné la partialité avérée et reconnue officiellement, notamment par la presse allemande, de la couverture du massacre de Maidan, et du coup d'état qui s'en est suivi, ceux parmi les lecteurs qui suivent de près les événements en Ukraine ont appris à regarder au-delà du filtre de la censure atlantiste, et à admettre son existence comme une réalité palpable, bien qu'inacceptable pour des régimes démocratiques, c'est-à-dire protégés par des statuts garantissant la liberté d'expression, et à en identifier les omissions, les formules unanimement convenues permettant à peu de frais, de se laver les mains du destin du peuple ukrainien.
Quelle est la raison de cette censure si pernicieuse ? La question reste suspendue, mais non pas ignorée. Que s'agit-il de taire et pourquoi, à moins de trois semaines des élections européennes ? Quel rapport entre cette censure et les négociations pour le NTT actuellement en cours, par exemple ? Bien sûr, on objectera qu'il n'y a pas de rapport. Seulement, c'était bien un destin européen que l'Ue était en train de proposer avec autant de sollicitude - pour 47 visites des représentants UE et Usa sur la place Maidan occupée, c'est que le client devrait être ménagé !
Au lieu de cela nous sommes en train de ramener la peste au peuple ukrainien !
Le résultat est diamétralement opposé à celui préconisé, il y a quelques mois au moment de l'engagement de la série de négociations avec l'Ukraine qui, s'il aurait été normalement mené, n'aurait pas du déboucher sur la destitution d'un président de la République élu à suffrage universel avec l'aval du Ministre européen Mme Ashton, sur un coup d'état dont les régions de l'est se sont empressées de se désolidariser aussitôt, ainsi que sur ces expéditions punitives menées soit par des groupes de l'extrême droite soit par l'armée et les mercenaires envoyés par des puissances étrangères, les Usa les premières (il semblerait que l'Arabie Saoudite compte y envoyer aussi les siens, à vérifier).
Mettant ces faits en relation, on comprend un peu alors, le pourquoi de ce silence médiatique, les élections approchant. C'est que les extrêmes droites européennes se rapprochent dangereusement du sommet du pouvoir, et les timides partis en place sont incapables d'endiguer le tsunami. Telle est mon opinion, et j'espère bien sûr me tromper.
Que montrer d'ailleurs à la télévision ? des hordes de jeunes se ruant dans les rues et sur des immeubles institutionnels à Kiev, et dans l'une des grandes villes portuaires de l'Ukraine ? avec des forces de l'ordre débordées voire consentantes, ou qui du moins laissent se propager ces débordements de violence ? des voitures de pompiers qui sont empêchées d'avancer par une foule en délire ? quelle sécurité serait en mesure de garantir l'Europe à ses citoyens avec la venue dans la communauté, d'un pays qui n'est plus sous contrôle même de son gouvernement de transition ? quelles seront les conséquences imprévisibles pour les autres pays européens, déjà affaiblis par la crise économique ? comment faire taire les critiques qui montent de toute part sur la gestion globale de la crise ukrainienne, et qui est en train de déboucher sur une guerre civile ? Voilà les questions qu'on veut à tout prix éviter de soulever, dans une opinion publique qui a déjà montré maintes fois de l'hostilité aux ressortissants des pays de l'Est, censés faire la concurrence aux travailleurs européens mieux lotis qu'eux, alors que ces salaires de misère sont ceux qu'on rêve à Bruxelles d'étendre à tous les Européens. Hypocrisie !
L'échec cuisant de la direction des négociations avec les pays de la région est-européenne, de manière diplomatique et équilibrée, en donnant la parole à tous les interlocuteurs présents, n'est pas une bonne carte de visite pour l'ensemble des candidats à ces élections. Il s'ensuivrait une abstention massive, et donc une disqualification accrue du Parlement européen.
Ainsi que la demande de l'abandon du destin de l'Ukraine à elle-même, maintenant que le mal est fait. Ce qui cogne méchamment avec les directives de l'Otan, la direction militaire de l'Europe, puisque l'OSCE s'est révélée impuissante pour l'instant, à trouver une solution pourtant attendue. Et de toute manière, on ne nous en dit rien....
On croyait aller voter pour un Parlement, nous nous trouvons engagés dans une guerre avec qui ? notre voisin la Russie ! avec laquelle nous entretenions jusqu'à avant hier des relations commerciales des plus normales et prometteuses. Même les grandes firmes américaines n'en reviennent pas, obligées par la Maison Blanche d'abandonner le sommet prévu pour fin mai.
Et pendant ces tergiversations, les morts suivent les morts, les massacres les massacres, les persécutions les persécutions, et le chaos gagne l'ensemble du pays !
voir sur le site d'Olivier Berruyer :
5 Mai
2014
[Interview exceptionnelle] Pierre Maillard, ancien conseiller diplomatique du général De Gaulle
http://www.les-crises.fr/interview-pierre-maillard/