Ce texte est la transcription française de l'interview publiée par la télévision web novorusse le 18 septembre, d'un officier de l'armée de Novorossya, capturé puis libéré par l'armée ukrainienne.
La langue originaire étant passée par deux traductions il est probable que le texte présente quelques erreurs, mais l'entretien, l'image aidant, montre beaucoup du ressenti d'un prisonnier, revenu au monde libre après avoir vécu l'expérience de la captivité, c'est en ce sens un document d'une grande qualité humaine. Elle interroge en particulier sur le sens de la torture dans une guerre civile.
Capturé par des membres de la Garde Nationale ukrainienne, cet homme a été marqué au flanc par une croix gammée, sur le thorax il porte la cicatrice du mot "séparatiste", lui aussi marqué au feu. Depuis Odessa, nous assistons donc à des actes pendant lesquels des nazi-fascistes font subir à leurs "autres", ceux qu'ils combattent, qu'ils torturent, tuent et cherchent par tous les moyens à faire partir ou disparaître, l'épreuve corporelle du feu, épreuve destructrice majeure. Il serait complètement déplacé d'interpréter ces actes sans avoir eu accès à la parole de leurs auteurs. C'est aussi pour cela que ce témoignage mérite respect et donne à réfléchir : ce militaire a été torturé, la guerre n'a pas cessé mais au sortir de sa captivité, il exprime le voeu d'entendre un jour ses tortionnaires, dans une salle de tribunal.
Après avoir été torturé, il a été consigné au Service de Sécurité ukrainien, et ensuite libéré au cours d'un échange d'otages. Il se présente comme étant le commandant du peloton Grin, et il est originaire d'une ville de Crimée. Le nom du reporter n'est pas mentionné sur la vidéo, du moins en caractères latins.
Варианты пыток от украинской армии в лучших традициях "СС". © НОВОРОССИЯ TV
http://www.youtube.com/watch?v=8mrG8GCSYws
Stankevich Stanislav Nikolaïevitch : Crimée, Dzhankoy, commandant de l'unité de Shakhtersk (ville de l'oblast de Donetsk, ndt), peloton de Grin. Nous avons fait irruption dans un faux poste de bloc, nous avons été encerclés et ils ont pris mon chauffeur, j'ai réussi à sauter hors de la voiture, et le troisième soldat a été grièvement blessé. L'ennemi l'a mis sur le blindé APC et l'a emporté. Son nom était Orefyev, il était de Bouriatie. Nous ne savons toujours rien sur son sort. Nous avions été pris à Kramatorsk, torturés et battus là-bas. Ils ont brûlé le mot «séparatiste» sur ma poitrine. La brûlure a déjà guéri, comme ils m'ont traité là-bas. Ils avaient peur que le fait de la torture serait (mot russe?) divulgué. Je peux vous montrer la croix brûlée sur mon dos.
Voulez-vous ?
(le témoin montre les cicatrices)
S.S.N.: Puis ils m'ont transporté au Service de Sécurité. C'était mieux là-bas, ils ne nous ont pas battu. Il était possible de soigner nos blessures. C'est à peu près tout.
Savez-vous qui vous a torturé ? De quelle unité ils étaient ?
S.S.N.: Je pouvais les entendre utiliser les pseudos des autres : Kokh, Chirurgien, Viking et Kalimator. Je ne pouvais pas voir leurs visages. Ils portaient des masques. J'espère que je vais les voir au tribunal un jour.
C'étaient des soldats ou des officiers?
S.S.N.: Il y avait des lieutenants et des majors supérieurs parmi eux.
Même les majors?
S.S.N.: Oui.
Savez-vous à quel type d'unité appartenaient-ils? Étaient-ils des Gardes Nationaux?
S.S.N.: Oui, ils étaient Gardes Nationaux. Ils portaient des masques. Plusieurs de leurs unités de reconnaissance fonctionnaient en même temps, autant que j'ai compris. Quand je leur ai dit que leurs soldats avaient été capturés, ils m'ont dit que les soldats n'étaient pas les leurs. Cela signifie qu'ils ne pouvaient pas trouver un terrain d'entente, je veux dire, les troupes régulières et les gardes nationaux.
Qu'est-ce qui les intéressait ?
S.S.N.: Au début, ils voulaient me faire diriger le groupe de sabotage dans Shakhtersk (oblast de Donetsk, ndt). J'ai refusé. Ils m'ont frappé, quand ils ont réalisé que je n'aurais pas donné mon consentement. Ils m'ont torturé, mis un sac en tissu sur la tête, ont essayé la simulation de noyade, mis sur une grille (un instrument de torture, ndt) …
Voulaient-ils obtenir quelque chose de vous par la torture?
S.S.N.: Quand ils m'ont torturé, je pensais que leur but était de me tuer.
Combien de personnes ont été capturées avec vous?
S.S.N.: Mon chauffeur aussi a été capturé, et il vous dira en détail ce qui nous est arrivé.
Est-il ici aussi?
S.S.N.: Non, il est toujours dans la prison du Service de sécurité. Il dira tout, lui et le médecin qui me soignait. J'étais en train de mourir, si ils n'auraient pas commencé à me soigner, je serais mort.
Alors, ils vous torturaient, mais ont-ils mis en avant des accusations portées contre vous? Ont-ils rempli des formulaires officiels?
S.S.N.: J'ai écrit un verbal, en précisant qui j'étais et d'où je venais, mais ils n'ont pas aimé ce que j'ai écrit. J'ai réécrit deux fois, et, finalement, ils ont réalisé que leurs tentatives étaient inutiles.
Ont-ils fait une vidéo avec vous ?
S.S.N.: Je lisais ma déclaration dans le film. Cependant, j'étais dans un si mauvais état que j'étais méconnaissable. Une jeune femme de la 5ème chaîne de la télévision ukrainienne a reçu l'ordre de m'interviewer, mais elle s'est presque évanouie quand elle m'a vu. J'ai essayé de parler, mais suite à ça elle a disparu et la cassette a été confisquée, j'ai fait un témoignage.
Comment les habitants du lieu vous ont traité ? Avez-vous pris contact avec eux?
S.S.N.: Je n'ai eu aucun contact avec eux, alors que j'étais assis dans le trou de terre ou suspendu sur la grille
C'est à dire, il n'y avait pas de civils là-bas?
S.S.N.: Je n'en ai pas vu.
Vous aviez été maintenu sur le territoire de l'aéroport de Kramatorsk, dans la steppe. Vous ne saviez pas jusqu'à la dernière minute ce qui se passait, n'est-ce pas?
S.S.N.: Non.
Avez-vous eu quelques espoirs d'être libéré ?
S.S.N.: Non, je n'en ai pas (eu).
Qu'en est-il de l'échange, comment l'avez-vous appris ?
S.S.N.: A cinq minutes du départ, ils ont fait un appel nominal et on nous a dit d'entrer dans un bus.
Saviez-vous où ils étaient en train de vous amener ?
S.S.N.: Je n'en avais aucune idée.
Que pensiez-vous à ce moment?
S.S.N.: Je pensais que c'était la fin.
Comment avez-vous réalisé que vous seriez mis en liberté?
S.S.N.: Il y avait beaucoup de jeunes hommes dans le bus, et j'ai réalisé que nous allions être échangés.
Dites-nous, comment avez-vous rencontré vos gars et qu'avez-vous dit?
S.S.N.: Je ne me suis pas encore remis du choc, c'est tout ce que je peux dire pour le moment.