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par Valeria Cagnazzo
Rome, 9 octobre 2015, Nena News - Le livre La Palestina nei testi scolastici di Israele. Ideologia e propaganda nell'istruzione ("La Palestine dans les manuels scolaires d'Israël. Idéologie et propagande dans l'instruction") de l'enseignante et militante israélienne Nurit Peled-Elhanan, publié par GruppoAbele et traduit par Cristina Alziati, vient juste de paraître en librairie.
Le texte, publié pour la première fois en 2011 au Royaume-Uni est, selon les mots de l'auteure, professeure d'éducation linguistique à l'Université hébraïque de Jérusalem, une '' enquête socio-sémiotique " qui, par un étude analytique des principaux ouvrages actuellement en usage dans les écoles en Israël, étudie le système éducatif du pays, et révèle, comme le sous-titre l'indique, le contenu nationaliste et de propagande des textes qui façonnent la mentalité des jeunes générations dès le plus bas âge.
Une fois atteints les dix-huit ans, les jeunes Israéliens sont appelés au service militaire obligatoire. La loi ne prévoit pas le droit à l'objection de conscience et, sauf en cas d'exemption pour les ultra-orthodoxes, contestés par ailleurs par le reste de la société civile, ceux qui refusent de rejoindre l'armée sont accusés de trahison et étiquetés comme "refuzniks". La préparation qui amène le garçon à devenir un soldat commence dans les écoles maternelles israéliennes, parmi les enfants de trois ans : les militaires vont souvent dans les écoles pour des rencontres plus ou moins formelles, contribuant déjà de cette manière à la création du mythe du bon soldat fidèle à la Nation dans l'imaginaire des élèves. Ce type de formation est ensuite effectué principalement par leurs matériaux d'étude. Le travail de Peled est un examen de dix-sept manuels scolaires israéliens, dix d'histoire, six de géographie et un d'éducation civique, publiés entre 1996 et 2009, dans la période post-Oslo, qui démontre efficacement comment, à travers les récits, les cartes géographiques, les images, les messages explicites et subliminaux, le système éducatif israélien construit dans les étudiants des sentiments d'identité nationale, d'appartenance raciale et de haine et de peur à l'égard de l' "autre" et de "l'ennemi" reflétant parfaitement les politiques de l'État.
De l'enquête sémiotique menée par l'auteure à travers les trois disciplines scolaires, qui puise dans les domaines de la linguistique et de la psychologie, de la sociologie et la politique, émerge la structuration univoque de deux images claires et statiquement cristallisées, destinées à s'imprimer dans l'esprit de l'étudiant, victime, selon Peled-Elhanan, d'un authentique "lavage de cerveau", et à influencer de manière irrémédiable ses choix politiques et moraux futurs et sa vision du monde : l'image du peuple juif et de l'Etat d'Israël, et celui de l'Arabe, de l'ennemi au-delà de la frontière, du Palestinien, ou, mieux, pour utiliser deux définitions qui reviennent souvent dans les textes examinés et qui ne laissent pas de place aux nuances géopolitiques ou historiques, celle du "Juif " et celle du "non-Juif ".
Le "non-Juif", à savoir le Palestinien, peut être présenté dans les écoles sur deux plans : ou bien son identité est mystifiée et diabolisée, ou bien tout simplement il n'existe point. Les Arabes sont, d'abord, représentés principalement par le biais d'images ou caricatures qui, en soulignant les vieux stéréotypes, les peignent comme des agriculteurs ou des bergers nomades, à dos de chameau ou assis sous une tente, réticents à toute forme de progrès et de civilisation, et membres d'une société fermée et analphabète qui opprime les femmes et ne connaît pas de lois. Parfois, les images peuvent présenter des Arabes le visage couvert en train de jeter des pierres dans des opérations de guérilla. Au mieux, il sont dépeints comme réfugiés dans des rues sans nom. "Aucun des livres," lit-on, "ne contient de photographies d'êtres humains palestiniens, et toutes les représentent dans des icônes racistes ou des images classificatoires dégradantes comme terroristes, réfugiés ou paysans primitifs." Aussi, il est aussi impressionnant comment, à côté de telles formes de déshumanisation de l'étranger, selon le principe classique d'après lequel celui qui n'est pas nommé n'existe pas, dans les textes on œuvre à priver le peuple palestinien de son actuelle identité politique et culturelle allant jusqu'à en obscurcir la présence historique et géographique. Rarement, en effet, on parle de "Palestine"ou de "Palestiniens" : on lit, plutôt, sur ceux qui sont "non-Juifs", "Arabes", ou d'un "problème palestinien". Celui des Palestiniens, en fait, est souvent décrit comme un problème démographique dont la société israélienne, en raison du manque d'intérêt des Pays arabes, a dû se charger : une révision historique effectuée par le même peuple qui, comme le remarque l'auteure, il y a seulement soixante ans, était défini comme "le problème juif" en Europe. Ne pas nommer l'ennemi qui menace et duquel il faut défendre son propre Pays et ne pas lui donner un visage contribue, entre autres choses, à instiller une haine latente exacerbée par son imprécision même : si la crainte est le sentiment que l'on éprouve vers un danger dont on ne connaît pas la nature et l'étendue, la peur est une phobie fondée sur la totale ignorance et qui peut facilement, pour cela, engendrer des attitudes de racisme, de violence et déboucher dans des actes d'extrémisme.
Quant au '"Juif", il est intéressant de voir comment l'histoire et la géopolitique sont traduites en une mémoire et une géographie essentiellement sionistes souvent complètement décontextualisées, pour inculquer chez le jeune élève ou l'enfant un sentiment d'appartenance assez déformé mais difficilement éradicable. Dans le deuxième chapitre, par exemple, "La géographie de l'Hostilité et de l'Exclusion", est analysée l'utilisation systématique des appellations territoriales de Samarie et de Judée à la place de Cisjordanie, et l'omission des frontières géographiques avec les territoires palestiniens ; l'ensemble de la région est désigné comme une région d'Israël, souvent pas explicitement (parfois le dessin d'un Israélien est situé à l'intérieur des frontières, celui de l'Arabe reculé reste dehors), pour enseigner aux élèves à "se considérer comme les maîtres de la Terre d'Israël / Palestine, à en contrôler la population, (...) et à faire tout ce qui est nécessaire pour augmenter la domination juive et son "développement", qui signifie de fait son expansion." Quant à la narration de l'histoire, elle est extrêmement partielle : elle s'arrête sur les pogroms et sur l'Holocauste, et sur le salut représenté par le projet sioniste pour les Juifs, mais rien n'est dit, par exemple, de l'histoire des Juifs dans les autres Etats, comme dans ceux arabes, où pendant longtemps la coexistence entre communauté juive et arabe a été pacifique et harmonieuse, avec le résultat que même les héritiers des Juifs provenant de ces pays, étudiant sur les textes en usage en Israël, sont persuadés d'avoir subi l'Holocauste. Le Juif, en outre, est toujours autochtone, même le colon arrivé depuis la Russie depuis quelques années est immortalisé comme un ancien habitant de l'État. Les guerres et les massacres ne sont pas toujours omis, parfois ils sont plutôt légitimées par leur but. L'argument principal pour les justifier semble être le fait que, bien que méprisables, ils ont apporté des bénéfices à l'État d'Israël, et tout autre Nation, dans les mêmes circonstances, aurait été également forcée de les commettre. Dans les textes dans lesquels il est mentionné, le massacre de Deir Yassin (1948) est, par exemple, légitimé ainsi : "Le massacre de Palestiniens amicaux amena à la fuite d'autres Palestiniens qui rendit possible la création d'un Etat juif cohérent."
Toujours à propos de la construction de la personnalité du "Juif" futur soldat, l'auteure se réfère à plusieurs chansons, pour les jeunes enfants, qui glorifient la figure du héros et du militaire dans la bataille. La guerre, l'occupation et la vie dans l'armée sont aussi clairement mystifiées. Les photos des soldats aux postes de contrôle en Cisjordanie, par exemple, dépeignent les militaires en train de prendre un café et discuter tranquillement entre eux, dans une scène déserte, où les Palestiniens ne comparaissent jamais et on ne voit jamais des allusions à leur présence sur le territoire. Du reste, si d'une part le service militaire est présenté comme une expérience en rien désagréable, d'autre part les textes ne manquent pas de devenir un instrument de menace et d'intimidation pour ceux qui refuseraient de faire leur devoir et penseraient à "trahir" la patrie : dans l'un des livres analysés, dans le bas de page d'un chapitre, en guise d'avertissement à l'adresse des traîtres, est utilisée l'histoire de Mordechai Vanunu, le technicien nucléaire israélien qui en 1986 a révélé un plan secret d'armement nucléaire israélien au Sunday Times, et fut puni pour cela à 18 ans de prison sur des accusations de trahison et d'espionnage. La punition pour trahison, suggèrent les livres aux enfants, est toujours sévère et irrévocable.
La mémoire historique sans le passé, la politique décontextualisée, l'appartenance territoriale détachée des frontières géographiques et la haine envers un ennemi sans nom et déshumanisé, qui ressortent de l'analyse des manuels scolaires dans le présent essai, semblent être le fondement d'une société qui, récemment, semble être en train de radicaliser davantage ses idéologies. Les jeunes formés sur les livres documentés par Nurit Peled-Elhanan sont les mêmes qui dans l'été de 2014, lors de l'opération Protective Edge sur Gaza, se servaient de moyens inconnus à leurs parents, des selfies et des tweets, pour exprimer de dangereuses incitations à la haine et à la violence, pour demander "Mort aux Arabes" (même dans ce cas un terme utilisé à la place de "Palestiniens"), afin d'encourager y compris à travers des photographies dans des poses provocantes, les membres de l'IDF, l'armée israélienne, à massacrer l'ennemi. Le cri d'alarme lancé par la chercheuse sur l'exacerbation de la rhétorique du racisme et de la peur dans les textes proposés pour les nouvelles générations, n'est pas étonnant : pour autant que des centaines sont disponibles, le choix de l'enseignant est de toute façon limité, dans la mesure où tous passent, pour obtenir l'autorisation pour la publication, sous le contrôle du ministère de l'Éducation, qui en évalue scrupuleusement même les choix linguistiques. L'éducation est le reflet de la politique nationale. Issawi Freij, un membre du Meretz, proposa en 2013 même l'introduction, dans le planning scolaire, d'une heure d'éducation contre la haine raciale, mais le Parlement rejeta le projet de loi, dont le but, était-il déclaré, était d' "d'éliminer les visions racistes et d'éradiquer le phénomène de la violence raciste parmi les élèves et les citoyens israéliens." Par ailleurs, l'actuel ministre de l'Education en Israël, Naftali Bennett, ne manque pas de se montrer en public accompagné des membres les plus célèbres de l'extrême droite israélienne et des communautés des colons radicaux, et n'a pas hésité à dire : "J'ai tué de nombreux Arabes dans ma vie et il n'y a aucun problème à cela. "
L'enquête de La Palestina nei manuali scolastici di Israele, même à la lumière de l'actuel cadre politique et des actes de violence commis ces derniers jours dans une atmosphère de tension croissante, ne laisse pas beaucoup de place au doute quant à l'origine des idéologies facilement exprimées par les jeunes et explique clairement de quelle manière les graines de la propagande sont tôt jetées dans l'esprit des enfants et sont destinées à se muer en haine. Et il n'accorde sûrement pas au lecteur la possibilité de nourrir d'espoirs faciles quant à l'avenir.
source : http://nena-news.it/libri-israele-quando-la-scuola-fa-propaganda/#sthash.LCFPpm6j.dpuf