Giulietto Chiesa commente le discours tenu par Gorbatchev le 8 novembre 2014 à Berlin à l'occasion du 25e anniversaire de la chute du Mur. Le lucide bilan de 25 ans d'histoire dans les paroles de l'ex président de l'URSS.
11.11.14
Le Mur de Berlin est tombé de nouveau vingt cinq ans après avec une grand vacarme propagandiste et sous les acclamations des vainqueurs de la Guerre Froide.
Le signe qui a caractérisé l'événement a été univoque, la fin du communisme, encore une fois. Les choses ont été de loin plus compliquées de comment on nous les a présentées et surtout différentes de comment elles nous ont été racontées, ces derniers jours et ces dernières vingt cinq années, mais la machine propagandiste de l'occident a submergé toute possibilité d'interprétation, toute barrière y compris celle de la vérification historique, il n'y a rien à faire, les vainqueurs tolèrent seulement leur propre version des faits, ils n'acceptent aucune autre variante. Et Gorbatchev qui de cet effondrement a été le protagoniste sans doute, a été à Berlin, invité et fêté, mais pour donner une autre version, la sienne :
"Le monde est sur le bord d'une nouvelle Guerre Froide, certains disent qu'elle a déjà commencé."
Malheureusement lui aussi a été submergé par le vacarme des trompettes et la tonalité de son discours, les choses qu'il a dit ont été oubliées tout de suite, non entendues aussi à Berlin et sur toute la planète, tout le monde l'a repris pendant qu'il disait des choses non importantes, et a négligé les choses importantes qu'il était en train de dire.
http://www.youtube.com/watch?v=VdkLhWzUmYE
Et qu'est-ce qu'il est venu dire ? Si je peux le rapporter c'est parce que j'étais là près de lui, je l'ai entendu avec mes propres oreilles, et je sais que vous, vous ne l'avez pas entendu parce que les choses qu'il a dit n'ont pas été rapportées par les journaux et par les télévisions des maîtres de l'univers, qui sont les seules que vous pouvez voir. Il est venu dire qu'une grande occasion a été perdue et que l'occident porte la grande part de responsabilité pour cette perte, il est venu dire qu'on pouvait construire un monde de paix et de justice, et à la place dans ces vingt cinq ans on a construit un monde de guerres et on a accru l'injustice, il est venu dire à Berlin, que cela est arrivé aussi parce que les vainqueurs ont abusé de leur force et ont cassé la balance de la justice en déclenchant la violence contre ceux qui bien que timidement, essayaient de résister.
J'ai dit que Gorbatchev a dit beaucoup d'autres choses, parmi lesquelles celle-ci "je suis venu pour défendre Vladimir Poutine, parce qu'il est l'unique qui est en train de défendre les intérêts légitimes de la Russie", et a invité les occidentaux à relire avec attention les choses que Poutine a dit dans son discours de Sotchi, parce qu'il y a beaucoup de choses justes, a-t-il dit. Les avez-vous entendues ces paroles de Gorbatchev ? non, et j'en doute en tout cas.
Et il en a dit aussi d'autres le vieux président, le premier et l'unique de l'Union Soviétique, qui s'est crée un effondrement de la confiance, dans un monde qui s'achemine rapidement vers le chaos, et que nous devons revenir là d'où nous sommes partis :
"Je pense, et cela sera partagé non seulement par ceux qui me sont proches mais par beaucoup d'autres leaders politiques, que ce qui est arrivé ces derniers mois, est un effondrement de la confiance."
Alors vers un idée de maison commune européenne, de sécurité commune qui doit être égale pour tous, qu'il ne doit pas y avoir des alliances comme l'Otan qui s'étendent et qui encerclent et qui menacent, qu'il faut aller vers un monde où on respecte les normes internationales et où il n'y a plus un seul qui commande.
Voilà, celui-ci aurait été une manière juste de célébrer la chute du Mur de Berlin, aussi pour partager avec nos compatriotes allemands - ne sommes-nous pas peut-être des compatriotes des nos camarades allemands sur la voie européenne ? voilà, nous le sommes. Avec eux nous aurions pu partager la joie justifiée pour leur réunification, une belle chose. Et au lieu de ça nous avons donné encore une fois le pire de nous-mêmes oubliant les drames du monde qui nous regarde, nous riches vainqueurs avec un regard de plus en plus torve et ébahi :
"Au lieu de devenir le leader du changement dans un monde global, l'Europe est devenue une arène de désordre politique, de compétitions entre sphères d'influence, et finalement de conflits militaires. La conséquence inévitable est l'affaiblissement de l'Europe en un moment où d'autres centres de pouvoir et d'intérêt acquièrent de la force. Si elle continue ainsi l'Europe perdra son autorité sur le plan international, et deviendra peu à peu insignifiante."
Voilà le tableau, vingt cinq ans après, avec deux guerres ouvertes, sanglantes et gigantesques à travers lesquelles on cherche à redessiner la carte du monde dans l'intérêt des vainqueurs. Un jeu très dangereux.
Giulietto Chiesa
PandoraTV.it
Le discours intégral de Gorbatchev (russe), traduit en anglais en simultané
https://www.youtube.com/watch?v=y_vuAsTdjko#t=122