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Billet de blog 13 novembre 2014

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Les guerres des empires hésitants - par Sergio Cararo

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17.0.14 - Un siècle s'est écoulé depuis la Première Guerre Mondiale, celle appelée parfois la Grande Guerre mais qui est encore rarement qualifiée comme elle devrait l'être : le grand massacre des peuples européens.

Pour le grand historien Eric Hobsbawn elle a signé le début du Siècle Court. Pour nous elle a marqué la fin de la Belle Epoque, soit de la première grande globalisation capitaliste de la planète qui se conclut justement avec la guerre mondiale de 1014-18.

On discutera de ce thème dimanche prochain à Rome dans la conférence organisée par le Réseau des Communistes à laquelle des historiens de valeur feront des exposés, il y a ura Giuseppe Argano et Giorgio Gattei ainsi que Mauro Casadio, militant du Réseau des Communistes et auteur de "Clash. Scontro tra potenze", un livre écrit il y a dix ans avec James Petras et Luciano Vasapollo, et qui ont anticipé de plusieurs années les scénarios que nous avons sous les yeux. 

Pourtant, même à la lumière de la rhétorique qui s'abat sur l'Europe, il est difficile de regarder la Première Guerre Mondiale seulement comme passé, comme fait historique. La réalité d'aujourd'hui nous offre d'innombrables signaux qui confirment que, s'il est vrai que l'histoire ne se répète pas, "parfois elle rime", comme l'écrivit Mark Twain.

La première guerre mondiale en Europe, fut déclenchée presque par erreur par des empires et des puissances hésitant à s'entredéchirer. Ils auraient préféré que l'on se batte dans les colonies, loin des frontières ou des villes européennes mais la bille sur le plan incliné prit la course et ne s'arrêta plus jusqu'au moment où les tirs de canons commencèrent sur les frontières européennes.

Et pourtant le 20e siècle avait commencé à la grande pour les majeures puissances impérialistes de l'époque. Tous ensemble (pratiquement les mêmes qui composent aujourd'hui le G8 hormis le Canada) envoyèrent leurs soldats à réprimer la révolte des Boxers en Chine en 1900. Les Etats Unis, la Grande Bretagne, la France, l'Allemagne, la Russie, l'Italie, le Japon se partagèrent les dépouilles de la Chine aux prises avec le déclin de l'empire. Les ports, les concessions commerciales, les chemins de fer, les terres enrichirent le butin des grands groupes capitalistes européens et étatsuniens qui vivaient avec euphorie la phase de développement impérialiste. Les marchés mondiaux étaient à leur complète disposition à travers les colonies, les protectorats, les "concessions pour 99 ans" de carrefours commerciaux et géographiques stratégiques.

Entre la fin du 19e siècle et les premières années du 20e, la course aux colonies avait été impétueuse. En plus de l'expansion des colonies de France et Grande Bretagne en Afrique et en Asie, même un petit pays comme la Belgique avait dévoré comme colonie un gigantesque pays africain riche de mines comme le Congo. L'Espagne avait mis les mains sur le Maroc tout en le partageant avec la France. Et l'Italiette s'était avancée dans la Corne d'Afrique et puis en Libye en prenant les colonies qui alimentèrent la mystification de l'Empire. En Asie les britanniques destituaient définitivement les hollandais pendant que la Russie tsariste et le Japon puissance émergente, dès 1905 s'entredéchirèrent pour prendre la Corée. Mais en Afrique les britanniques auparavant avaient pris les terres sudafricaines des colons hollandais (les Boers) et après avaient commencé à contraster l'expansion des colonies allemandes. Le Kaiser voyait loin et dans le fameux chemin de fer qui devait mener de Baghdad à l'Arabie Saoudite, l'impérialisme allemand se projetait au Moyen Orient à travers ce qui - à l'époque - était l'indicateur du développement capitaliste : les kilomètres de chemins de fer.

La Belle Epoque voyait les bourses croître, les profits augmenter et le capital financier prendre solidement dans ses propres mains le contrôle sur celui lié à l'industrie et à l'agriculture. Les colonies fournissaient des matières premières à des prix bradés et, en hébergeant les investissements occidentaux, elles consentaient à leur tour une valorisation des capitaux investis par des retours astronomiques.

Mais la Belle Epoque de la première globalisation capitaliste du monde, à un certain moment est terminée, elle a dû faire les comptes avec la crise et l'effondrement de la valorisation des capitaux investis, et le plan incliné qui a mené à la guerre a vu la bille commencer à se mouvoir, avant lentement puis plus rapidement.

Comme on le sait, les majeures puissances impérialistes ne voulaient pas se battre ouvertement. Dans la pire des hypothèses elles concordaient pour le partage des dépouilles de l'empire ottoman déclinant au Moyen Orient ou à redéfinir les frontières sur leurs colonies africaines. Leurs économies étaient intégrées. Les magnats français, allemands, anglais, autrichiens et russes commerçaient, collaboraient ou se livraient à la compétition à l'intérieur du "libre marché". Les dynasties qui soutenaient les monarchies et les empires européens étaient en lien de parenté entre elles. Elles se rencontraient aux mariages et aux anniversaires et buvaient les mêmes champagnes. L'accaparement des colonies et des ressources aurait dû suffire à satisfaire les appétits de tout le monde. Mais les événements prirent un pli que personne ne voulait. L'attentat à Sarajevo de la part d'un indépendantiste serbe - Gavrilo Princip - contre le Grand Duc D'Autriche Ferdinand n'avait pas en soi la force d'un casus belli adéquat à déclencher une grande guerre totale. Et pourtant la rupture était à un pas.

Les fausses et les vraies nouvelles sur les mobilisations de troupes sur les frontières européennes de l'est et de l'ouest enclenchaient des mesures et des contre-manoeuvres réciproques. Les ministres furent remplacés successivement par des "techniciens" (dans ce cas les militaires). Les prévisions sur les coûts et les bénéfices passèrent de la longueur des chemins de fer ou des investissements à ceux de guerre. Les alliances entre les différentes puissances changeaient de géométrie. L'Italie se rangeait avec l'Autriche et l'Allemagne mais en 1915 elle entra en guerre avec la France et la Grande Bretagne contre ses ex alliés. En un certain sens elle eut une responsabilité dans le déclenchement de la guerre à cause de l'invasion de la Libye en 1911 aux dépens de l'empire ottoman. L'aventurisme et les paris sur les réactions partielles ou manquées à l'une ou l'autre provocation - comme l'invasion de la Serbie par l'Autriche ou l'invasion de la Libye trois ans auparavant - augmentèrent le seuil de la tension et des faits accomplis depuis lesquels il était difficile par la suite rétro-céder sans perdre la face et le prestige. La position la plus difficile était celle de l'impérialisme majeur mais sur la voie du déclin : la Grande Bretagne. 

La guerre que personne ne voulait faire commença officiellement en 1914 et fut conclue - de fait - en 1945. Le capitalisme parvenu à sa phase suprême, l'impérialisme, n'avait trouvé d'autre solution à sa crise commencée avec la fin de la globalisation de la Belle Epoque, et explosée dans la Grande Crise des années Trente. Ce fut un événement déclenchant de l'histoire qui en amorça un autre, pour nous de la plus grande importance, la Révolution d'Octobre et la naissance du premier état socialiste du monde. Mais les dirigeants qui rendirent possible le socialisme ne commirent pas l'erreur de se ranger avec l'une ou l'autre puissance sur le champ, au contraire ils déclarèrent ouvertement "guerre à la guerre" en en dénonçant le caractère impérialiste et la nature de grand massacre des peuples.

Jusqu'ici l'histoire. Mais ce scénario du passé est déjà demain. Les apprentis sorciers de l'impérialisme - étatsunien et européen surtout - ont de nouveau incliné le plan dès les toutes premières années de ce 21e siècle. Le scénario de guerres, d'instabilité, de provocations, d'escalade qui depuis l'Ukraine au Moyen Orient à l'Afrique entoure l'Europe, est étroitement connecté à la crise, à la fin de la deuxième globalisation capitaliste de la planète et à la reprise de la compétition globale entre pôles impérialistes et nouvelles puissances capitalistes, déclinantes ou émergentes qu'elles soient. L'époque des faciles guerres asymétriques contre des Etats immensément plus faibles est en train de finir. Plut tôt nous en sommes conscients, nous engageons la mobilisation pour arrêter la tendance à la guerre et nous mettons en place des alternatives, mieux sa vaudra. 

Sergio Cararo

Contropiano.org

http://contropiano.org/editioriali/item/26363-le-guerre-degli-imperi-riluttanti 

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