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Billet de blog 14 février 2016

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La solution Ue à la crise bancaire ? Séquestrez les comptes courants - par Claudio Conti

L'Union européenne est entrée dans un tourbillon de problèmes qui ouvre à la nécessité de réviser certains traités, ou d'en imaginer d'autres. Rien de "progressiste", naturellement, au contraire plus réactionnaire. Mais un parcours tracé à Maastricht il y a un quart de siècle, semble maintenant arrivé au terminus.

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20 DÉCEMBRE 2015 - PAR CLAUDIO CONTI

Contropiano.org

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Tant que c'était un seul pays qui posait des problèmes, de plus petit et faible comme la Grèce (et auparavant Chypre) la réponse était violente : obéir et basta.

Mais là il faut affronter les caprices anglais (pays hors de l'euro et tenté aussi de débrancher complètement la prise des autres contraintes européennes mineures), pendant qu'explose la question de l' ''unité bancaire".

Sur le premier front, qui a vu les Anglais faire du chantage social brutal  - "nous ne fournirons plus l'assistance sociale aux immigrés  communautaires, au moins pendant quelques années, si vous ne nous donnez pas ce que nous voulons" - les marges de médiation sont serrées, mais assez confortables. Les Allemands ont dit qu'ils peuvent en discuter, donc on a commencé à discuter.

L'autre front est par contre tout simplement dévastateur, parce que là de marges, il n'y en a pas. Des visibles, du moins. L' "union bancaire" entre les pays qui adoptent la monnaie unique prévoyait depuis le début "trois piliers", à construire progressivement afin que l'ensemble du bâtiment pût tenir debout.

Le premier pilier - le Mécanisme de Surveillance Unique (MSU, lire aussi ici), entré en vigueur en 2013 mais opérationnel depuis novembre 2014; à savoir la supervision bancaire, à transférer en totalité des banques nationales centrales à la BCE - est au milieu du gué. La BCE a pris la surveillance des banques "systémiques", celles de grandes dimensions dont la défaillance éventuelle pourrait avoir des conséquences désastreuses. Pour celles petites, par contre, la vigilance est restée pour le moment entre les mains des autorités nationales, parce que surtout l'Allemagne n'a pas voulu que quelqu'un d'autre mette son nez dans le système diffus des Landesbanken, les institutions régionales presque toujours contrôlées par un mix de politiciens-entrepreneurs locaux, qui ne présentent presque jamais des budgets transparents et encore moins en ordre. Mais même au niveau macro, comme Deutsche Bank, les institutions allemandes peuvent présenter la crédibilité globale minimale absolue (Deutsche a été sauvée à plusieurs reprises avec l'argent public, ces dernières années, et a été au centre de presque tous les krachs financiers du nouveau millénaire).

Le deuxième pilier, le Mécanisme de Résolution Unique des Crises (SRM) - en français MRU, ndt - qui entrera en vigueur en 2016, donc désormais en vigueur. Et enfin le Fond de Résolution Unique (FRU, v. 5e §) qui aurait dû entrer en vigueur à partir de 2025.

Ce dernier est le véritable nœud du litige, car il implique nécessairement un fonds unique de garantie des dépôts, soit la "mutualisation" entre tous les pays européens des coûts de faillites bancaires potentielles, afin de garantir aux déposants la pleine disponibilité d'argent versé, jusqu'à 100.000 euros. Dès lors prennent tout leur sens les paroles de Angela Merkel, qui vendredi a anéanti le coup de génie d'un tel Matteo Renzi à ce sujet : "L'assurance mutuelle des dépôts bancaires ferait le contraire de réduire les risques dans le système financier. Pour cela, nous pensons qu'elle est erronée et nous la rejetons".

Comme on voit, ce n'est pas un coup d'arrêt tactique, momentané, soit l'habituel "avant mettez de l'ordre dans vos comptes et puis on va continuer ensemble." Non. C'est une remise en cause du système, de sa structure. En somme, d'un traité (comme a été contraint de le rappeler Mario Draghi : "L'union bancaire doit être achevée. Sur ceci il y a eu un accord, soit sur la mise en place d'un système d'assurance des dépôts, soit sur un Fonds unique de Résolution (pour financer les actions sur les banques en crise, ndr). Ces choses doivent être faites, car de cette façon l'un des problèmes qui ont caractérisé la crise, le lien bidirectionnel entre banques et Etats souverains, est atténué."

Il n'est donc pas surprenant que la question ait explosé en Europe après l'affaire du "salvabanche" italien, avec le choix du gouvernement Renzi de mettre en mouvement un bail in - au leu du Fonds interbancaire, toujours existant et opérationnel - qui a déchargé sur des obligataires naïfs et les titulaires de comptes provinciaux les coûts  d'une gestion au-delà de la limite du crime organisé. Qu'on songe que seulement à Banca Etruria ont été découverts 25.000 comptes sans propriétaire traçable, faisant aussitôt parler de recyclage (et sûrement pas d'argent propre).

Il n'y a certes pas que les petites banques italiennes dans des conditions précaires, donc la question "qui paie?" doit être posée au niveau continental. Et l'Allemagne du couple Merkel-Schäuble répond : "nous jamais."

Et alors? La direction de marche est indiquée avec un cynisme rare par Lars Feld, conseiller du gouvernement allemand et proche du ministre Wolfgang Schäuble, interrogé hier par Federico Fubini dans le Corriere della Sera: "Les coupures aux obligations et aux comptes bancaires de plus de 100.000 euros aidera à restructurer les banques, parce que la Commission européenne empêchera les sauvetages des banques par le gouvernement ou des subventions cachées à des institutions. Ils ne seront pas autorisés."

Une traduction ne serait pas nécessaire, mais nous la ferons quand même : "Vous les Italiens vous devez tondre vos titulaires de comptes  - et nous le sommes tous, car il est désormais obligatoire d'avoir un compte pour y verser le salaire ou la pension - pour sauver vos banques. Parce que c'est nous qui le disons, point barre." Si vous n'y arrivez même pas de cette manière, il reste toujours "Le fond de secours est là pour gérer le risque systémique qui va au-delà de la capacité d'un pays." Un  mécanisme qui verrouille encore davantage les possibilités de manœuvre d'un gouvernement national et contraint dans des cas même pas extrêmes, à vendre à prix d'aubaine des entreprises et / ou des banques ; avec les Allemands ou les Français prêts à acheter. "Quoi qu'il en soit - conclut Feld - nous devons empêcher tout gouvernement de subventionner les banques."

Si les Allemands n'avaient pas utilisé 300 milliards de fonds publics pour sauver les leurs, au moment le plus sombre de la crise financière, le raisonnement serait inacceptable mais au moins "honnête". Mais là c'est seulement une revendication du "droit du capital basé en Allemagne" à faire le patron partout, dans le Vieux Continent.

Le fait est que, à ce stade, la construction de l'Union européenne est confrontée à des rochers incontournables. Et si une solution sera néanmoins trouvée, elle sera terrible pour les populations. Non seulement pour les travailleurs, les retraités, les jeunes, les étudiants. Mais aussi pour cette "classe moyenne" qui jusqu'à présent se sentait tranquille du fait d'avoir "quelques économies à la banque."

Mais il faut bien comprendre le raisonnement. Un travailleur précaire ou stable, ou un retraité qui est obligé d'avoir un compte-chèques, pourrait penser : "Je ne suis pas actionnaire, je n'ai jamais voulu souscrire à des obligations de la banque, j'ai beaucoup moins de 100.000 euros, donc je peux être tranquille." Ce n'est pas exactement ainsi. La garantie jusqu'à 100 000 euros - pour les sommes inférieures, donc - est encore prise en charge par l'Etat national. Si les fonds disponibles à cet effet ne devaient pas être suffisants, cet état national ne pourra  pas agir en déficit ; alors saute la garantie même pour les petites sommes, non seulement pour les plus de 100.000.

Sans surprise, le sage Wofgang Munchau, toujours hier et toujours dans les colonnes du Corriere della Sera, dans la traduction du Financial Times, expliquait pourquoi "L'union bancaire est à la fois nécessaire et impossible."

Ce n'est pas une prophétie, mais une sentence.

source : 

http://www.contropiano.org/economia/item/34394-la-soluzione-ue-alla-crisi-bancaria-sequestrate-i-conti-correnti

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