22.10.14 - Elle est d'hier la nouvelle que le régime ukrainien a demandé à l'Union Européenne un prêt supplémentaire de 2 milliards d'euros, en plus de ceux reçus jusqu'à aujourd'hui, pour payer le gaz de la Russie, qui après le putsch philo-occidental refuse de continuer à refournir Kiev criblée de milliards d'euros de dettes. La somme demandée à Bruxelles est exactement celle demandée par Moscou avant la fin d'octobre pour reprendre les fournitures du gaz, suspendues en juin dernier. Depuis Bruxelles, où se déroule depuis plusieurs jours la réunion UE-Ukraine-Russie sur la question énergétique, le porte-voix de la Commission Européenne Simon O'Connor a informé que la requête de l'exécutif Yatseniuk "sera maintenant examinée en consultation avec le Fond Monétaire International".
C'est le énième signal de faiblesse de la part des nouveaux gouvernants ukrainiens, mis en selle par un putsch soutenu activement par l'Union Européenne et par les Etats Unis mais qui ne semblent pas en mesure de gérer une situation de plus en plus chancelante. Le nouveau régime se définit 'nationaliste' et fonde toute sa politique sur l'hostilité à l'égard de la Russie et sur l'exclusion de la population ukrainienne de langue et culture russe, tout en jetant de fait le pays dans les bras de la troïka européenne et de l'Otan.
Main entretemps l'économie coule à pic, rapidement, et les prêts concédés par l'UE et le FMI ne font qu'empirer la situation, comme il est du reste arrivé dans les pays de la périphérie interne de l'Union Européenne - les fameux Pigs - étranglés par les diktats des soi-disant 'pays créanciers'.
Ce ne sont pas tout à fait des thèmes au centre de la campagne électorale qui débouchera sur les élections législatives du 26 octobre, mais l'Ukraine est aux prises avec une industrie paralysée, avec les prix en constante augmentation, avec l'effondrement des exportations, l'augmentation verticale de l'émigration et du chômage. Et avec l'inconnue gaz citée auparavant. Pour ne pas parler des milliards - que Kiev n'a pas - dépensés pour financer une guerre contre les provinces rebelles du Donbass qui entre autres n'est pas du tout en train de produire les résultats espérés.
Déjà en récession depuis plus d'un an et sur le bord du default lorsque à la fin 2013 s'était déclenchée la contestation contre le président Viktor Yanoukovitch, l'économie ukrainienne a depuis accéléré l'effondrement. Le plan de sauvetage de 27 milliards de dollars accordé par l'Occident au printemps, coalisé autour d'un prêt stand by de 17 milliards par le Fond Monétaire International, paraît insuffisant devant le grave tableau qui s'est crée entretemps. Le chaos politique a contribué amplement à la fuite des investisseurs, tout en poussant la value ukrainienne vers le bas - la grivna a perdu environ la moitié de la valeur qu'elle avait au début de l'année - et les prix vers le haut.
La perte assumée de la Crimée conséquemment au putsch et la guerre déclenchée contre les oblast de Donetsk et Lugansk ont privé le pays de son coeur industriel et minier. Les usines métallurgiques et chimiques éparpillées sur toute la région sont depuis un moment en déclin, c'est vrai. Cependant, en août la production industrielle était en diminution de plus de 20% par rapport à l'année précédente. Le territoire contrôlé par les Républiques Populaires - qui ont déclaré leur propre indépendance tout en affrontant non seulement Kiev mais aussi les plans plus souples de Moscou - représente seulement 3% de la totalité de la surface de l'Ukraine, mais générait avant le putsch 16% du PIL du pays pour ce qui concernait la production industrielle et jusqu'à 27% dans le secteur des exportations.
Les partis du camp nationaliste qui se présentent aux élections font la compétition pour vanter leur propre protagonisme dans le 'retour à la démocratie' après le limogeage du précédent gouvernement, mais le nouvel exécutif qui naîtra du vote du 26 octobre devra approuver dans des temps rapides de très lourdes et radicales contre-réformes économiques pour respecter les engagements assumés à l'égard des nouveaux patrons occidentaux, Troïka en particulier, en échange d'un maxi-prêt qui comme nous écrivions s'est révélé insuffisant jusqu'à aujourd'hui : privatisations, licenciements de masse dans le secteur public, fermeture de centaines d'entreprises publiques, bloc des salaires et des retraites, augmentation de la facture d'électricité. Un coup de massue sans précédents pour une population ukrainienne qui jouit encore partiellement, naïvement, des fruits propagandistes de la soi-disant 'révolution' d'EuroMaidan.
Un rapport publié il y a quelques semaines par la Banque Mondiale sur la situation économiqiue ukrainienne parle clairement : effondrement de la valeur, économie en panne, corruption endémique, fuite des investisseurs, crise du gaz avec la Russie. "L'Ukraine affronte des défis et des risques sans précédents" a résumé le chef du bureau de la Banque Mondiale en Ukraine, Qimiao Fan, en annonçant que le PIL du Pays cette année tombera au moins de 8% en nette péjoration par rapport au moins de 5% prévu seulement en juin. L'inflation en septembre a dépassé 17%.
L'effondrement des entrées fiscales, des exportations et de la confiance des investisseurs, pour ne pas parler du conflit dans les régions orientales "ont un impact très significatif" sur la totalité du Pays, a observé Fan.
Ce sont ceux-là les résultats que les électeurs ukrainiens, de toute foi politique confondue, devraient évaluer le 26 octobre prochain. Mais la guerre et les campagnes idéologiques agressives de marque nationaliste et parfois ouvertement fascistoïdes mises en scène par le nouveau régime semblent pour l'instant réussir à cacher la poussière sous le tapis.
Marco Santopadre
Contropiano.org
http://contropiano.org/internazionale/item/27067-ucraina-economia-a-picco-il-paese-consegnato-alla-troika