23 mars 2016 - par Michel Collon
Hier, comme tant de Bruxellois, j'ai passé des heures à vérifier où se trouvaient mes proches. Qui, par malchance, aurait pu se trouver dans ce métro maudit, que j'emprunte moi aussi chaque vois que je me rends au bureau d'Investig'Action ? Qui, par malchance, aurait pu se trouver près du Starbucks de l'aéroport, où j'ai l'habitude de prendre un thé en attendant le vol ? Recherches d'autant plus angoissantes que le réseau était évidemment saturé. Bref, comme tant de Bruxellois, j'ai vécu, un jour, ce que vivent depuis des années les Irakiens, les Libyens, les Syriens, et avant eux les Algériens. Pour être allé plusieurs fois sur des sites bombardés par les Occidentaux, je sais à quoi ressemblent ces morceaux de corps disloqués que plus jamais personne ne pourra embrasser. J'ai vu là-bas la douleur de ceux qu'on prive à tout jamais de leur mari, de leur femme, de leur enfant.
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Comme tant de Bruxellois, j’ai pleuré et j’avais envie de frapper les criminels qui s’en sont ainsi pris à tant d’innocents. Mais on ne naît pas criminel, on le devient. Et la question la plus importante est : comment en sont-ils arrivés là ? Nier à ce point la valeur de la vie de tant d’innocents ! Les faire souffrir et terroriser au lieu de se battre - avec ces innocents - contre l’injustice qui nous frappe tous ? Qui a intoxiqués ces jeunes, qui leur a montré l’exemple de la violence, qui les a plongés dans le désespoir et surtout qui les a armés ? Criminels, oui, mais ne sont-ils pas aussi victimes quelque part, même si ce terme peut choquer.
Alors, quand j’ai entendu notre premier ministre Charles Michel déclarer en conférence de presse que les Belges avaient besoin de s’unir, et qu’il évitait soigneusement la question centrale « Comment en est-on arrivé là, qui sont les responsables ? », alors je me suis mis en colère contre cet homme hypocrite qui nous propose simplement de continuer comme avant. Alors que la question des gens, c’est justement : « Comment éviter que ça recommence bientôt ? Quelle politique appliquer pour mettre fin à cet engrenage infernal ? »
Vous croyez vraiment que la surveillance et la répression empêcheront de nouveaux attentats ? Certains, oui, mais pas tous, c’est impossible. Pour cela il faut changer de politique. Votre politique.
Einstein disait « On ne résout pas un problème avec les modes de pensée qui l’ont engendré ». En effet, on n’empêchera pas le terrorisme tant qu’on n’aura pas débattu sur ses causes profondes. Afin de mettre en place une vraie prévention.
Monsieur le premier ministre Charles Michel, je ne vous remercie pas. Car vous avez refusé de poser les questions importantes : Les Saoud et le Qatar ont-ils financé les terroristes ? Oui, les rapports des services US le disent. Les Etats-Unis ont-ils créé Al-Qaida ? Oui, Hillary Clinton l’a reconnu. La CIA a-t-elle organisé un camp d’entraînement en Jordanie ? Oui, le célèbre journaliste US Hersh l’a prouvé. Fabius a-t-il encouragé le terrorisme en déclarant « Al-Qaida fait du bon boulot » ? Oui, regardez sa vidéo de Marrakech, décembre 2012.
Et d’une façon générale, les Etats-Unis ont-ils utilisé le terrorisme dit islamiste depuis Ben Laden en Afghanistan en 79 jusqu’à la Syrie aujourd’hui, en passant par la Bosnie, le Kosovo, le Caucase, l’Algérie, l’Irak, la Libye et d’autres pays encore ? Ne faut-il pas créer d’urgence une commission d’enquête sur les liens USA – terrorisme et sur les dessous stratégiques de tous ces drames ? Vous et l’Europe, allez-vous continuer de suivre Washington comme un petit chien ? Vous vous félicitez comme un petit garçon quand Obama vous téléphone. Mais pourquoi ne dénoncez-vous pas son hypocrisie derrière ces guerres ? Monsieur Michel, quand je pense à toutes ces souffrances qui auraient pu être évitées, je ne vous remercie pas.
Il est vrai que vous n’êtes pas le seul à pratiquer la langue de bois.
Monsieur le ministre des Affaires étrangères Didier Reynders, je ne vous remercie pas non plus. Vous avez déclaré hier que les terroristes s’en prennent à « notre mode de vie ». Exactement les paroles de George W. Bush le 11 septembre avant d’attaquer l’Irak et l’Afghanistan sous des prétextes mensongers. Monsieur Reynders, pourquoi n’avez-vous pas rappelé votre déclaration d’avril 2013 vantant « ces jeunes (à qui) on construira peut-être un monument comme héros d’une révolution » .
Pourquoi quand je vous ai invité, en juin 2013, à participer à un débat « Jeunes en Syrie, comment les empêcher de partir ? », avez-vous refusé ? Cela ne vous préoccupait pas ? Vous trouviez que pour « changer le régime » comme vous dites, tous les moyens étaient bons, même le terrorisme ? Vous n’avez pas pensé qu’encouragés à commettre ces actes là-bas, certains reviendraient faire pareil ici ? Monsieur Reynders, je ne vous remercie pas.
Madame Milquet, je ne vous remercie pas non plus. Vous étiez ministre de l’Intérieur à cette époque. Vous avez aussi refusé de participer à ce débat, malgré notre insistance, et en changeant sans cesse de prétexte ! Depuis, vous vous taisez. Gênée d’avoir fait la sourde oreille face aux cris de détresse des mamans angoissées de voir que leurs gosses – c’étaient vraiment des gosses de 16, 17, 18 ans – partaient là-bas vers l’enfer sans que la Belgique fasse rien pour les retenir ? Vous n’avez pas de remords en voyant la suite ? Madame Milquet, je ne vous remercie pas.
N’est-il pas temps d’ouvrir un grand débat sur les conséquences de la politique internationale menée par la Belgique depuis des années ?
1. L’Europe doit-elle continuer à suivre les Etats-Unis et leur politique qui met le Moyen-Orient à feu et à sang ?
2. La Belgique doit-elle continuer à soutenir la violence d’Israël, en refusant de faire respecter le droit international et en traitant d’ « antisémites » les jeunes qui veulent soutenir les droits des Palestiniens ?
3. La Belgique doit-elle continuer à se prosterner devant les pétro-dollars des Saud (volés aux peuples arabes au lieu d’utiliser l’argent du pétrole et du gaz pour combattre la pauvreté comme en Amérique latine) alors que tout le monde sait que ces mêmes Saud financent l’intoxication des jeunes esprits par une version empoisonnée et falsifiée de l’islam ?
4. Comment justifier le refus du droit d’asile aux victimes de « nos » guerres en Irak, Syrie, Afghanistan ?
5. Quand ouvrira-t-on enfin le dossier de l’intervention « humanitaire » en Libye, où l’Otan s’est allié à Al-Qaida pour renverser Kadhafi, en violant la Charte de l’ONU qui interdit ce genre de pratiques ? Avec la conséquence qu’on voit aujourd’hui : la Libye transformée en foyer du terrorisme international.
N’est-il pas temps d’ouvrir en même temps un grand débat sur les conséquences de la politique sociale, ou plutôt antisociale, menée par les gouvernements belges depuis des années ?
1. Pouvez-vous rogner sans cesse les budgets scolaires ? Fabriquant des écoles-parkings où les profs manquent de formation adéquate et de moyens pour faire face à tant de questions complexes sur le monde d’aujourd’hui ?
2. Pouvez-vous rogner sans cesse les budgets des prisons et de la réinsertion ? Avec pour conséquence que de petits délinquants deviennent de grands délinquants irrécupérables ?
3. Pouvez-vous rogner sans cesse les budgets des médias audiovisuels de service public ? avec pour conséquence que les journalistes n’ont plus le temps d’approfondir les sujets (confidences reçues de l’intérieur de la RTBF) et sont condamnés au règne du copié-collé et du fast info ? Poussant ainsi les jeunes rendus méfiants vers les théories du complot, ou pire encore vers les prêcheurs fanatiques et les recruteurs sans scrupules ?
4. Pouvez-vous continuer à faire des cadeaux aux banques et aux multinationales qui ne paient quasi plus d’impôts et reporter votre déficit notamment vers les communes, dont les responsables sont privés des moyens nécessaires pour aider les jeunes ? N’est-ce pas ainsi que vous produisez des communes du désespoir comme Molenbeek ? (Mais pas seulement, il y a aussi Vilvorde, Verviers, Anvers et n’oublions quand même pas que les « eurojihadistes » proviennent de nombreux pays européens)
5. Faut-il alors être surpris que tant de jeunes soient tombés entre les griffes de recruteurs professionnels ? D’autant plus que lorsqu’on les signalait à la police, pas toujours, mais bien souvent parents et éducateurs s’entendaient répondre : « Mais qu’ils partent seulement en Syrie, ce qu’on ne veut pas, c’est qu’ils reviennent ici ! »
6. Avez-vous vraiment le droit de vous dire surpris par les attentats de Paris et de Bruxelles alors que la sonnette d’alarme est tirée depuis des années et que vous tous avez refusé d’écouter les donneurs d’alerte ?
Hier, chaque parent a tremblé pour ses enfants. Aujourd’hui, chacun s’interroge sur l’éducation qu’il faut leur donner face à ce monde de plus en plus violent. Allons-nous pouvoir leur offrir une vraie éducation et un avenir ? Demain, quelle ville sera frappée ? La montée de la haine et de la peur, ciblant les musulmans, fait le jeu de l’extrême droite. C’est ça que vous voulez ?
Concluons. Les attentats, ce n’est pas une fatalité, c’est le résultat d’une politique. Menée à Washington. Puis à Londres et Paris. Bruxelles suivant servilement. Messieurs les dirigeants, vous êtes donc co-responsables. Avons-nous le droit d’en débattre – en « démocratie » - ou bien allez-vous encore user de pressions pour que les médias se taisent ?
Bruxelles, 23 mars
POUR SUIVRE : Combien de morts faudra-t-il encore avant que les médias ouvrent enfin le vrai débat ?
source :
http://www.investigaction.net/Attentats-de-Bruxelles-non.html?lang=fr
Le quotidien français Le Figaro censure un message à caractère humanitaire !
Dans un communiqué, du 16 mai 2013, l’Institut international pour la paix, la justice et les droits de l’homme (IIPJHR) exprime sa consternation en apprenant que la rédaction du quotidien Le Figaro refuse de publier son annonce.
17 MAI 2013
Annonce censurée par Le Figaro
Communiqué
Institut international pour la paix, la justice et les droits de l’homme (IIPJHR) Genève
Engagé dans le combat difficile pour la résolution pacifique des conflits, notre Institut international pour la paix, la justice et les droits de l’homme (IIPJHR), une ONG basée à Genève, tente activement de venir en aide aux victimes de la terrible guerre qui sévit en Syrie.
Dans le cadre de nos projets humanitaires tournés vers ce pays déchiré par une guerre fratricide, nous avons décidé de publier une annonce dans le quotidien français "Le Figaro" invitant les parents des jeunes qui partent se battre en Syrie à prendre contact avec notre ONG pour les aider à retrouver leur enfant [1].
Nous travaillons en partenariat avec de nombreuses ONG syriennes et internationales ainsi qu’avec des médecins et des volontaires civils actifs notamment dans les camps de réfugiés syriens situés en Syrie et dans les pays limitrophes.
Dans notre annonce figure le numéro de contact de notre bureau de Genève mais aussi celui de Bruxelles. Notre antenne bruxelloise est particulièrement active sur ce thème. Elle collabore avec les pouvoirs publics et accompagne les parents dans leur douleur, cherche des pistes, des contacts sur le terrain permettant de retrouver nos jeunes. Et, le 28 mai prochain, notre directeur bruxellois participe à un débat aux côtés de Mme Joëlle Milquet, la ministre belge de l’intérieur sur ce thème.
L’éditeur du Figaro a accepté de publier notre annonce moyennant le versement de la somme de 4000 Euros.
Notre annonce devait paraître dans l’édition du Figaro du vendredi 17 mai. Mais nous venons d’apprendre avec consternation que la rédaction du Figaro s’y oppose "fermement".
Motif invoqué : les "récents événements".
Nous avons du mal à saisir en quoi les récents événements empêchent la publication de notre annonce. Au contraire, les "récents événements" (intensification des combats, actes de barbarie commis par les rebelles-éviscération, dépeçages, exécutions de masse, décapitations, épuration ethnico-religieuse...) devraient davantage inciter tout un chacun à préserver nos jeunes des affres d’une guerre où l’innocence est la première victime.
Nous comprenons le refus de la rédaction du Figaro comme un acte de censure aux conséquences graves, un acte inhumain de non-assistance à personnes en danger.
Institut international pour la paix, la justice et les droits de l’homme (IIPJHR)
Genève, le 16 mai, 2013
Source : Institut international pour la paix, la justice et les droits de l’homme (IIPJHR)
http://www.michelcollon.info/Le-quotidien-francais-Le-Figaro.html
Le quotidien Le Monde et son parti pris dans la déstabilisation djihadiste en Syrie
C’est avec consternation qu’une ONG basée à Genève a appris que la rédaction du quotidien parisien Le Monde, refuse de publier l’annonce payante qui devait paraître ce vendredi 31 mai ayant comme objectif d’aider les familles à rapatrier les enfants qui sont allés rejoindre les groupes djihadistes en Syrie.
31 MAI 2013
Annonce censurée par Le Monde le 30 mai 2013
La censure du Monde est d’autant plus choquante qu’il s’agit d’un message à caractère humanitaire émanant de l’Institut international pour la paix, la justice et les droits de l’homme (IIPJHR). Une ONG qui apporte son soutien à des familles au désespoir, comme on a pu le voir sur une vidéo récemment [1].
La censure du Monde ne fait que s’ajouter à celle du quotidien Le Figaro [2].
Le Monde, fer de lance avec « Libération », de campagnes mensongères devant innocenter les groupes terroristes engagés dans la déstabilisation et la destruction de la Syrie, ne peut tolérer que ses lecteurs puissent avoir accès au message d’une ONG dont le projet pourrait leur indiquer une autre vérité...
Voir les échanges entre l’ONG « International Institute for Peace, Justice & Human Rights » – IIPJHR et Le Monde.
Mail transféré -----
De : LEARDI Chiara <chiara.leardi@adnative.net>
À : "International Institute for Peace, Justice & Human Rights"
Cc : BACHMANN Anne <anne.bachmann@adnative.net>
Envoyé le : Jeudi 30 mai 2013 16h11
Objet : RE : IIPJHR - Projet Syrie
Cher Monsieur,
Nous revenons enfin vers vous au sujet de votre éventuelle communication dans Le Monde (France).
Malheureusement notre éditeur vient de nous donner une réponse négative : l’annonce ne pourra pas paraître dans le quotidien.
Nous restons à votre disposition pour tout complément d’information et vous souhaitons une excellente fin de journée,
Chiara
Adnative S.A.
Chiara Leardi, Sales Executive
T +41 22 796 46 26, M +41 79 421 34 21
From : LEARDI Chiara
Sent : Wednesday, May 22, 2013 3:47 PM
To : ’International Institute for Peace, Justice & Human Rights’
Cc : BACHMANN Anne (anne.bachmann@adnative.net)
Subject : RE : IIPJHR - Projet Syrie
Cher Monsieur,
Suite à votre demande, voici notre offre mise à jour avec un format plus petit que celui mentionné dans notre première proposition, soit un module 93 mm-l x 80 mm-h, au mieux dans l’édition du vendredi datée samedi du quotidien.
Merci de noter que nous sommes encore en attente d’un retour de notre éditeur quant à l’aval du visuel.
À disposition et excellent après-midi,
Chiara
Adnative S.A.
Chiara Leardi, Sales Executive
T +41 22 796 46 26, M +41 79 421 34 21
From : International Institute for Peace, Justice & Human Rights [mailto:ipj@ipj.ch]
Sent : Wednesday, May 22, 2013 10:35 AM
To : LEARDI Chiara
Subject : IIPJHR - Projet Syrie
Bonjour
Chère Madame
Voici la dernière version de notre document que l’on souhaite diffuser dans le journal le "Monde".
Par ailleurs j’attends votre retour suite à notre conversation téléphonique de ce matin.
Meilleures salutations
IIPJHR - Statut Consultatif auprès des Nations Unies (ECOSOC)
Membre de CAGI - Chancellerie d’État de la République et canton de Genève
Rue Richard Wagner 1
1202 Genève
www.ipj.ch
email : ipj@ipj.ch
[1] Voir : La famille d’un djihadiste tunisien provoque une grande agitation à l’aéroport d’Istanbul :
http://www.silviacattori.net/article4298.html
et le lien de la vidéo :
http://www.businessnews.com.tn/La-famille-d%C3%82%E2%80%99un-jihadiste-tunisien-provoque-une-grande-agitation-%C3%83%C2%A0-l%C3%82%E2%80%99a%C3%83%C2%A9roport-d%C3%82%E2%80%99Istanbul,520,36859,3
[2] Voir : « Le quotidien français Le Figaro censure un message à caractère humanitaire ! », par l’Institut international pour la paix, la justice et les droits de l’homme (IIPJHR), 16 mai 2013.
source :
http://www.silviacattori.net/article4457.html
ENTRETIEN AVEC BAHAR KIMYONGÜR PAR SILVIA CATTORI
Euro-djihadistes : des mercenaires de l’OTAN
En soutenant la « rébellion » en Syrie, l’UE, n’a-t-elle pas encouragé des milliers de jeunes à partir combattre Bachar el-Assad dès lors qu’ils pouvaient considérer poursuivre le même but ? Les services secrets des pays européens ont-ils laissé partir ces jeunes en toute connaissance de l’ampleur du phénomène ? Pourquoi a-t-on attendu jusqu’à aujourd’hui pour présenter un plan pour prévenir ces départs ?
25 AVRIL 2014
Silvia Cattori : Depuis quelques semaines les médias grand public parlent de ces jeunes Européens adeptes de l’islam radical qui vont suivre des stages d’entraînement et grossir les rangs du terrorisme en Syrie [1]. Or vous-même vous vous en êtes préoccupé bien avant eux. A quel moment avez-vous pris la mesure de l’ampleur de ce phénomène, et êtes-vous entré en contact avec les familles des ces jeunes terroristes en puissance ?
Bahar Kimyongür : Le phénomène de l’ « euro-djihad », j’en parle de manière soutenue depuis le début de l’année dernière. A l’époque, les médias traditionnels étaient relativement muets sur le sujet. Ils croyaient encore que l’embrigadement des jeunes était un phénomène marginal et salutaire pour les Syriens.
Si les premiers Belges se sont invités dans le conflit syrien dès 2011, il s’agissait essentiellement de Belges d’origine syrienne. L’internationalisation du djihad en Syrie a eu pour pionniers les vétérans de la guerre contre Mouammar Kadhafi. Erdogan présenta ces combattants libyens comme ses invités d’honneur. Officiellement, leur présence en Turquie était due à des raisons médicales. Mais, très vite, les Libyens installent des camps terroristes le long de la frontière turco-syrienne. C’était à la fin de l’été 2011. La prolifération des réseaux de recrutement depuis l’Europe vers la Syrie apparaît en 2012. A l’époque, dans les rues de Bruxelles, les rumeurs allaient bon train sur le départ de tel ou tel « moudjadhid ». En mars 2013, au moment de l’annonce de la création de la Task Force Syrie par le ministère belge de l’intérieur, j’ai adressé aux parents des djihadistes une lettre de mise en garde pointant la complicité des autorités belges dans le départ de leurs enfants. [2]
Je rappelle que dans une interview réalisée à Bel-RTL le 26 avril 2013, le ministre belge des affaires étrangères Didier Reynders avait déclaré à propos des djihadistes belges : “On leur construira peut-être un monument comme héros d’une révolution.”
La facilité avec laquelle ces jeunes ont pu aller envahir la Syrie et terroriser sa population est sidérante.
Après la parution de ma lettre, plusieurs familles m’ont contacté. Depuis, je reçois régulièrement des appels téléphoniques ou des courriels de familles désespérées.
Silvia Cattori : La Belgique est-elle plus touchée que d’autres pays ?
Bahar Kimyongür : Oui, certainement. Ce n’est pas un hasard si la Belgique accueille le 8 mai prochain une réunion internationale sur les combattants étrangers en Syrie. Les experts antiterroristes européens sont unanimes : la Belgique compte le plus grand nombre de djihadistes en Syrie par rapport à son nombre d’habitants. Dans les quartiers populaires de Bruxelles, de Vilvoorde ou d’Anvers à forte présence musulmane, la pression exercée par les groupes religieux radicaux est particulièrement sensible. Historiquement, l’Arabie saoudite a le monopole de l’éducation religieuse des musulmans arabophones en Belgique.
Cette prééminence saoudienne sur l’Islam de Belgique a plusieurs conséquences néfastes sur le plan intracommunautaire. Elle est notamment la principale source de banalisation de la propagande anti-chiite. Les services secrets marocains jouent également un rôle de premier ordre dans la diabolisation des chiites. C’est que le Royaume du Maroc suit avec inquiétude la vague de conversion de nombreux Marocains de Belgique au chiisme. Conséquence de ce néo-conservatisme sectaire qui gangrène la Belgique : l’incendie de la mosquée chiite à Anderlecht en mars 2012 et l’assassinat de l’imam de la mosquée Abdellah Dahdouh. Le terroriste qui mit le feu à la mosquée expliquera plus tard que son acte était motivé par la guerre de Syrie. A ma connaissance, il n’existe aucun autre attentat terroriste en Europe lié au conflit syrien comme celui ayant visé la mosquée bruxelloise. Cet attentat a eu lieu le 12 mars 2012. La tragédie syrienne n’avait pas encore un an. Pour qu’un tel crime puisse se produire en Belgique, il faut un climat propice. A l’époque, les sectes takfiries telles Sharia4Belgium bénéficiaient d’une certaine liberté de mouvement. Elles ont pu allègrement distiller leur discours de haine envers les musulmans non conformes à leurs codes, en particulier les chiites.
Silvia Cattori : Les autorités belges, en comparaison avec d’autres pays, ont-elles pris ce phénomène plus au sérieux ? Ont-elles pris des mesures adéquates pour prévenir ces départs et aider les familles ?
Bahar Kimyongür : Non, les autorités belges ont laissé faire. Les autorités belges ont laissé le groupe Sharia4Belgium radicaliser et polariser la communauté musulmane de Belgique et recruter des jeunes fragiles et manipulables. Elles n’ont assigné son porte-parole Fouad Belkacem en justice que lorsqu’il s’est attaqué aux non-musulmans, entre autres à certaines personnalités politique belges. En revanche, quand l’organisation Sharia4Belgium a diffusé des appels à la haine et à la violence contre des chiites, elle n’a jamais été inquiétée.
Le 7 octobre 2012, Sharia4Belgium a publié un communiqué dans lequel le réseau sectaire annonçait son autodissolution et son intention de combattre en Syrie. Là encore, silence radio de la part des autorités belges. Elles étaient en réalité soulagées du départ des illuminés de Sharia4Belgium vers la Syrie. En somme, c’était « Bon débarras ! ».
Pour les autorités belges, ce départ annoncé était tout bénéfice. En effet, la Belgique a pour ennemie extérieure la Syrie de Bachar al-Assad et pour ennemi intérieur les takfiris de Sharia4Belgium. Qu’aurions-nous dit si nous avions été des barbouzes belges alignés à l’OTAN : « Que nos ennemis s’entre-tuent » n’est-ce pas.
En décidant de combattre en Syrie, les terroristes de Sharia4Belgium rendaient donc un fier service à la Belgique. Ils faisaient en quelque sorte ce que l’armée belge et les forces de l’OTAN ne pouvaient pas faire à cause de la combativité de l’armée syrienne et de l’équilibre géostratégique mondial.
Les djihadistes belges sont devenus, peut-être à leur insu, les mercenaires de l’OTAN en Syrie. Et en retour, les pays de l’OTAN sont devenus des complices de mouvements terroristes.
Force est de constater que les familles des djihadistes ont été totalement abusées par le calcul cynique des autorités belges. Le réseau Sharia4Belgium a non seulement pu faire ses valises mais a pu également emporter avec lui un bataillon de jeunes égarés en quête d’aventure et de sensations fortes. Même des jeunes gens mineurs d’âge ont pu prendre l’avion à l’aéroport de Bruxelles-National sans autorisation parentale ce qui en principe, est strictement interdit.
Cela dit, Sharia4Belgium constitue seulement un réseau de recrutement parmi d’autres en Belgique. Outre Sharia4Belgium, il existe des filières maghrébines, syriennes, libanaises, tchétchènes et puis surtout beaucoup de jeunes candidats qui se sont rendus spontanément dans le Nord syrien via la Turquie sans passer par le moindre intermédiaire.
Silvia Cattori : Vous dites que les autorités belges n’ont pas voulu empêcher le départ de ces jeunes en Syrie. Savent-elles mieux gérer leur retour ?
Bahar Kimyongür : Dans l’absolu, ils sauront mieux gérer le retour des jeunes que leur départ. Mais si les barbouzes belges croient vraiment qu’il n’y a que 150 Belges en Syrie, la population belge a vraiment de quoi s’inquiéter pour sa sécurité. Des dizaines de volontaires belges sont en effet de parfaits soldats inconnus. Le danger viendra davantage de loups solitaires partis sans cérémonie et peu friands du « star system » que leur offrent les réseaux sociaux comme Facebook.
Silvia Cattori : On laisse généralement entendre que ces jeunes se seraient endoctrinés eux-mêmes sur internet. Qu’ils n’auraient pas eu de liens directs avec des recruteurs. Qu’ils auraient rejoint la Syrie par leurs propres moyens. A votre avis faut-il prendre pour argent comptant ce qu’ils disent à leur retour ou ce qu’affirment les services de renseignement à leur sujet ?
Bahar Kimyongür : Grâce à Internet, il existe en effet un véritable phénomène d’auto-radicalisation et de mobilisation spontanée. Des groupes terroristes comme l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL), alias Daech sont passés maîtres dans l’art de la vidéo de propagande. En exaltant leur toute-puissance à travers un déluge d’effets spéciaux apocalyptiques entrecoupés de tirs en rafales et de chants religieux, ils parviennent à attirer vers eux des milliers de jeunes candidats européens.
Pour des jeunes en manque de confiance, de succès et de sensations fortes, la secte Daech a tout pour plaire. Elle se vante de combattre toutes les nations, toutes les religions, tous les systèmes. Elle rejette tout et tout le monde. Elle proclame son droit de vie et de mort sur n’importe qui. Elle prétend se soumettre à Dieu mais agit en totale liberté, se permet de torturer, d’achever des blessés, de dresser des listes de personnes à abattre, de réquisitionner les biens d’autrui. Bref, les combattants de Daech se prennent pour des rois, des seigneurs de guerre voire de véritables dieux sur terre. Ce nihilisme enrobé de versets coraniques et de sacralité exerce une fascination chez les ados et les jeunes adultes qui cherchent à se défaire de leur mal-être, à donner un sens à leur vie et à gagner une reconnaissance sociale même à titre posthume.
Il n’est nullement besoin d’intermédiaires pour trouver Daech. La vidéo en ligne fait tout le travail du prédicateur. Elle a le même effet envoûtant que les chants des sirènes de la légende d’Ulysse.
Aujourd’hui, rien n’empêche un jeune Européen de débarquer en Syrie via la Turquie de sa propre initiative. Le volontaire djihadiste n’a plus besoin d’être accompagné ni même d’avoir un ami sur place. Dès sa descente de l’avion à l’aéroport de Hatay en Turquie, le volontaire sera pris en charge par de véritables « tour operators » du terrorisme global. S’il le désire, il prendra un taxi à ses frais jusqu’à la frontière syrienne et la traversera à pied.
Quant aux « returnees », c’est-à-dire les déçus, les repentis de retour en Europe, ils feront très probablement de fausses déclarations aux enquêteurs européens pour s’éviter des ennuis judiciaires. Ils n’avoueront sans doute pas leur participation à des crimes barbares et rejetteront plutôt la faute sur des compagnons d’armes déjà morts. De toute façon, personne ne pourra les contredire
Silvia Cattori
[1] Voir comment les médias ont bloqué ce genre d’information :
http://www.silviacattori.net/article4500.html
http://www.silviacattori.net/article4457.html
[2] Voir :
http://www.michelcollon.info/Lettre-ouverte-aux-parents-des.html?lang=fr
source :
http://www.silviacattori.net/article5532.html