25.10.14 - Ce sont des élections de guerre celles organisées pour demain en Ukraine par le nouveau régime ultranationaliste issu du coup d'état de février dernier. Et qui n'impliqueront pas toute la population du pays. De l'aveu même des autorités centrales il y aura jusqu'à 4,6 millions de citoyens et citoyennes qui ne pourront pas - et dans beaucoup de cas ne voudront pas - voter, en particulier dans les zones sud-orientales du pays soumis désormais depuis des mois à un horrible siège et à des bombardements continuels de la part des forces armées de Kiev. Dans le décompte le gouvernement ukrainien a inséré aussi les habitants de la Crimée, qui aussitôt après le putsch ont décidé de revenir dans la Fédération Russe. Le fait est que ce sont environ une vingtaine de circonscriptions auxquelles ne seront pas assignés de sièges et dans le nouveau parlement entreront moins que les 450 députés prévus.
Escomptée demain l'affirmation du soi-disant 'Bloc Porochenko', formé par quelques importants ras libéral-nationalistes et par une consistante cordée d'oligarques autour de l'actuel président de la république, le milliardaire Petro Porochenko. Les sondages de la veille anticipent tous la victoire de la coalition formée par son parti Solidarité et par Udar, le mouvement conduit par Vitaly Klitschko. Mais probablement les gagnants n'obtiendront pas la majorité absolue et pour gouverner ils devront donc descendre à des compromis avec d'autres forces politiques "moins modérées", comme par exemple le "Front du Peuple" de l'actuel premier ministre Arseni Yatseniuk, qui n'a pas épargné des critiques féroces au président en l'accusant de mener la guerre contre les 'séparatistes" sans la nécessaire détermination. Dans les derniers mois le 'roi du chocolat' Porochenko, ex ministre des Affaires Etrangères du gouvernement de Yulia Tymoshenko puis de l'Economie dans celui de Mykola Azarov contre lequel les putschistes ont animé la soi-disant révolte de Maidan, a voyagé en long et en large en Europe et le reste du monde, tout en cherchant à se faire créditer par de nombreux gouvernements - y compris celui des complaisants Renzi et Mogherini - en tant que représentant légitime de l'Ukraine, nonobstant que selon la Constitution de son pays ce soit encore Vicktor Yanoukovitch, défenestré avec le putsch de février, le président légitime du pays. Porochenko a renforcé les liens avec Bruxelles et avec Washington, outre qu'avec l'Otan - même s'il a du renvoyer soit l'entrée de Kiev dans l'Alliance Atlantique soit celui dans l'aire d'influence de l'Union Européenne, complice la continuation de la guerre dans les oblast orientaux - mais en même temps il a cherché à recomposer, combien même cela soit possible, les rapports avec Moscou, tout en alternant les ouvertures et les retours de flammes de l'offensive militaire contre les populations russophones.
Surtout, Porochenko a cherché à renforcer les liens avec Angela Merkel dans la tentative d'arrimer son pouvoir au noyau fort de l'Union Européenne, assiégé qu'il est par les forces extrémistes du panorama politique ukrainien - sans parler de celles ouvertement nazies - qui réfèrent majoritairement à Washington (et à certains pays de l'Europe orientale, comme la Pologne) et à sa stratégie du 'mur contre mur' avec la Russie. Son allié Vitaly Klitschko aussi et son parti Udar, d'ailleurs, sont un produit de la fondation Konrad Adenauer de la Cdu allemande, accouchés à l'intérieur de la scène ukrainienne en vue d'une déstabilisation et d'une crise préparées évidemment à l'avance par les pays occidentaux en concurrence entre eux.
Le problème principal pour Porochenko et pour le gouvernement qu'il devra former après le vote de demain est représenté par l'incapacité de résoudre militairement la cassure - toute politique en plus d'être géopolitique et culturelle - avec les populations russophones du sud-est. Incapacité à laquelle l'oligarque et son entourage ont tenté de remédier en cherchant un accord minimal avec la Russie et qui a mené à un cessez-le-feu proclamé le 5 septembre dernier aussitôt débouché en de nouveaux affrontements féroces.
Dans les dernières semaines sont au moins 300 les civils du Donbass morts sous les bombes à sous-munitions et les missiles tirés par l'artillerie de Kiev, sans parler des centaines de militaires et de miliciens. Et aujourd'hui la situation est si tendue qu'on évoque l'imminent début d'une énième offensive militaire dans un territoire qui, même contre les desiderata de Poutine, se perçoit désormais comme indépendant de Kiev et indisponible à une solution fédérale qui après des milliers de morts, crimes de guerre et destructions considérables, semble sincèrement irréalisable.
Et le parlement qui sortira des urnes n'aidera certes pas Porochenko et l'Union Européenne à restaurer le minimum de normalité souhaitée pour faire avancer sans trop de secousses le plan d'assimilation du pays de la part de Bruxelles et de ses intérêts économiques et géopolitiques. Pendant que l'attention des médias italiens est complètement monopolisée par la provocation du soi-disant 'Parti d'Internet' qui présente aux élections des candidats déguisés en Darth Vader, dans ces heures et dans tout le pays, pleuvent les dénonciations pour l'achat de voix, avec plusieurs oligarques, patrons incontestés de territoires contrôlés manu militari, entièrement voués à attirer le consensus nécessaire à entrer au parlement ou y envoyer leurs propres enfants larbins. Pendant que de fait, le Parti Communiste et ce qui reste de l'ex majoritaire Parti des Régions ont du se contenter d'une campagne électorale semi-clandestine, les financiers et les chefs des bataillons néo-nazis encadrés par la soi-disant Garde Nationale et armés les uns contre les autres, sont devenus les protagonistes de la scène,: Andrej Biletskij du bataillaon "Azov", Semën Semëncenko du bataillon "Donbass", Juruj Berezu du bataillon "Dnepr-1".
Ce sont justement les milices d'extrême droite et les oligarques qui les manoeuvrent pour affirmer leurs propres intérêts politiques et de pouvoir, à donner du souci aux milieux présidentiels. Employés comme chair à canon contre les forces de sécurité de Yanoukovitch puis envoyés à punir les populations rebelles du Donbass après qu'il était devenu clair que l'armée régulière n'était pas en mesure de soutenir l'affrontement avec les très motivées milices populaires, les groupes néo-nazis revendiquent maintenant plus de pouvoir. Les membres des bataillons punitifs ont souvent manifesté contre la présidence et le gouvernement accusés de laxisme dans la guerre contre les Républiques Populaires, et sont parvenus même à attaquer le parlement il y a quelques semaines, pendant que dans tout le pays se poursuivent les agressions et les dévastations contre les représentants politiques, les journalistes et les intellectuels dissidents.
Porochenko a tenté de calmer l'extrême droite à travers quelques lourdes concessions symboliques, comme l'institution de deux nouvelles fêtes nationales : le 14 octobre, anniversaire de la fondation en 1942 des milices de l'Armée Insurrectionnelle Ukrainienne (Upa) alliées des nazis allemands, et le 1 janvier, date de naissance de leur chef, le malfamé Stepan Bandera.
Nous verrons dans les prochaines heures si cela aura suffi, ou bien si ceux qui ont dangereusement pensé d'utiliser la violence nazie pour poursuivre leurs objectifs ne resteront victimes à leur tour de leur propre jeu dangereux. C'est vrai que du point de vue électoral les partis néo-nazis - Svoboda et Pravy Sektor en particulier - n'ont pas un grand poids, mais il est tout autant vrai qu'une fois dédouanés pas Europmaidan ils ont pu construire une infrastructure politique et de pouvoir non indifférente. Dans une situation de crise civile et économique tragique comme celle que l'Ukraine est en train de vivre après le putsch, de milliers de miliciens armés et déterminés qui jouissent d'un soutien croissant soit en patrie soit dans les chancelleries occidentales, pourraient devenir l'aiguille de la balance.
Marci Santopadre
Contropiano.org
http://contropiano.org/internazionale/item/27126-ucraina-elezioni-di-guerra
Italie
Appel pour une mobilisation nationale en soutien aux Républiques Populaires du Donbass et à la lutte des forces de classe et antifascistes en Ukraine
Ci-dessous l'appel du collectif romain qui réunit plusieurs associations dont No War et les comités de soutien aux Républiques Populaires du Donbass, qui se sont constitués en Italie aussitôt après la sécession de cette région par rapport au gouvernement putschiste mis en place dans la capitale du pays en février 2014. Ces comités de soutien sont présents dans beaucoup de villes italiennes, éparpillés sur le territoire bien que ne comptant pas beaucoup de monde. Il faut préciser que la communauté ukrainienne est assez nombreuse en Italie comme par ailleurs les communautés d'immigrés issues de plusieurs pays de l'est européen, ce qui engendre une plus grande sensibilité même spontanée à ce qui se passe en Ukraine et plus particulièrement dans le Donbass.
Cette solidarité peut s'exprimer par ailleurs dans la direction opposée, c'est-à-dire en soutien du pouvoir en place, comme il est arrivé dans une ville près de Milan où en septembre, a été organisée avec la participation active d'un représentant du Parti Démocratique, la première fête de 'l'Unité Ukrainienne", soulevant beaucoup d'interrogations étant donné qu'elle avait appelé à sa tribune des personnages ayant recruté les volontaires pour les bataillons actuellement accusés, - y compris par des organisations comme Human Right Watch - de crimes contre les populations du Donbass, pendant l'opération soi-disant "antiterroriste" - mais qui est à mon sens une opération de nettoyage ethnique à coups de bombes sur les centres urbains et sur toute l'infrastructure industrielle et économique. La participation de ces personnages pose de graves interrogations quant à ce qu'on a qualifié du terme d' "union" dans un pays où les fascistes déclarent explicitement vouloir éjecter la communauté russophone de l'Ukraine !
L'appel a été publié sur le site de Contropiano, le réseau des communistes italiens, comme tous les articles et appels issus des collectifs de réflexion et de mobilisation en soutien des populations du Donbass et des communistes ukrainiens contre la junte de Kiev. La Banda Bassotti mentionnée dans l'appel étant un groupe de musique rock militant - protagoniste de longue date dans les mobilisations en faveur de plusieurs luttes en Amérique Latine, en particulier - a organisé pendant tout l'été une grande collecte nationale en faveur des populations du Donbass, distribuées pendant leur tournée qui a eu lieu il y a quelques semaines. La Banda Bassotti organise en ce moment même à Rome une rencontre afin de faire le comte rendu public de ce voyage.
L'appel
25.10.14 - A un siècle de la Première Guerre Mondiale nous assistons à la répétition des conditions menant il y a cent ans l'humanité à la catastrophe. La dispute pour le contrôle des marchés face à la crise et au re-positionnement du poids des grands centres impérialistes à niveau mondial, produit des contradictions de plus en plus fortes, qui débouchent dans des conflits à caractère de plus en plus local. Depuis l'Afghanistan jusqu'en Iraq, en passant par la Libye, la Syrie et aujourd'hui l'Ukraine ; on ne peut plus s'abstenir de voir l'escalade de ces années sans nourrir une série de préoccupations pour le futur. La course au réarmement qui implique beaucoup de pays, jointe au retour des disputes territoriales pour le contrôle des ressources énergétiques et minières ou des principales voies commerciales, pose une grave hypothèque sur le futur proche. La guerre revient sur le sol européen ; la possibilité d'un conflit mondial n'apparaît plus comme de la pure fiction, mais comme une possibilité de plus en plus concrète d'évolution de ce contexte et de réaction des classes dominantes à la crise.
La re-définition du poids mondial des centres impérialistes consolidés, principalement les USA et l'UE, devant l'émergence de nouvelles puissances capitalistes entrant fortement en compétition pour le contrôle des marchés, pousse les Etats Unis et l'Union Européenne et leur bras militaire, l'OTAN, à une politique de plus en plus agressive, tout en déclenchant des conflits dans plusieurs parties du monde. En faisant cela les Etats Unis et l'Union Européenne, des paladins des droits et des libertés sur le plan des discours, n'ont aucun scrupule à soutenir, armer et utiliser pour leurs propres buts aussi les forces les plus réactionnaires, comme les néofascistes et les extrémistes islamistes. L'Ukraine aujourd'hui assume le rôle d'une vrai et propre espace d'entraînement pour les mouvements fascistes, accourus depuis toute la planète pour combattre aux côtés des putschistes.
Une lutte toute intérieure aux grandes bourgeoisies, mais qui implique directement la classe des travailleurs, la jeunesse, les destins des peuples de toute la planète. Les masses populaires paient quotidiennement le prix des politiques impérialistes de leurs gouvernements, qui se répercutent sur les conditions de vie de milliards de personnes. Chaque euro dépensé pour la guerre est un euro soustrait à la santé, à l'école, à l'immobilier populaire, comme ce qui est en train d'arriver en Italie pour les F-35, pour ne prendre que l'exemple le plus récent.
Les événements en Ukraine ont été générés dans ce contexte. L'objectif des USA et de l'UE est de conquérir un marché important et un territoire stratégique pour la présence de ressources minières et le passage d'importantes voies de transport énergétiques, en soustrayant ce marché contrôlé aujourd'hui par les monopoles russes pour le consigner dans les mains des monopoles occidentaux. Ce sont ceux-là les intérêts qui se cachent derrière les protestations de la place Maidan et le putsch qui a amené au pouvoir le gouvernement actuel, avec en son sein plusieurs ministres d'organisations fascistes. Les premières mesures politiques concernent non par hasard la mise au ban des organisations communistes et de classe, avec une forte campagne anticommuniste dans le pays, et une restriction des droits des minorités russes. Le massacre d'Odessa, avec l'incendie de la Maison des Syndicats, a représenté la pointe politique de l'agression à la classe des travailleurs ukrainiens et à ses structures et a déclenché un sentiment populaire de protestation, qui a mené à la naissance des Républiques Populaires dans l'est du pays.
Nonobstant les contradictions présentes, caractéristiques de toute condition historique et sociale de cette nature, nous retenons nécessaire le plein soutien de la part des forces de classe à ces organisations qui dans l'est ukrainien luttent contre le gouvernement de Kiev, contre les oligarchies et contre les serfs nazi-fascistes. L'unique arme dont nous disposons est le soutien internationaliste que nous pouvons mettre à disposition. Un soutien qui va aux forces qui luttent pour la libération de l'Ukraine des ingérences impérialistes et en même temps du contrôle de la bourgeoisie nationale et étrangère, pour une évolution en sens socialiste des Républiques. La Caravane Antifasciste promue par la Banda Bassotti a été le premier pas important dans cette direction. Maintenant c'est à nous de faire le pas suivant.
Nous croyons que le moment soit venu pour commencer un vaste mouvement d'opinion et d'action politique contre la guerre impérialiste, à partir justement de la situation ukrainienne. S'opposer à la perspective de nouveaux conflits est un devoir incontournable pour les forces communistes, et pour toutes les forces politiques réellement progressistes et démocratiques. C'est pour cela que nous invitons les organisations politiques de gauche et antifascistes, les organisations syndicales et étudiantes, les réalités de mouvement qui pendant ces années ont animé de grandes protestations populaires, comme celles contre la base américaine de Aviano, les comités No Muos, les multiples expériences de lutte contre la guerre, à adhérer à l'appel pour la création d'une manifestation nationale avec les objectifs suivants :
- opposition à la guerre, à la perspective de conflits de nature mondiale qui impliquent notre pays, lutte contre les dépenses militaires, l'achat des avions de chasse F-35 et toute autre mesure vouée à soutenir le rôle de l'Italie dans les scénarios de guerre ;
- soutien aux Républiques Populaires de la Novorossia et en particulier aux forces de classe et antifascistes qui luttent pour une évolution dans un sens anti-oligarchique et anticapitaliste des Républiques et dénonciation de la nature impérialiste de l'Union Européenne, de l'agression militaire accomplie par l'OTAN en Ukraine ;
- soutien à la lutte antifasciste en Ukraine, aux forces communistes mises au ban pendant ces semaines dans la partie du pays sous contrôle du gouvernement putschiste de Kiev, à la perspective d'une plus vaste organisation de la lutte antifasciste et de classe dans toute l'Ukraine ;
- dénonciation des responsabilités politiques du gouvernement Renzi et des partis politiques qui appuient sa majorité, de la pleine compromission du gouvernement dans la politique impérialiste de l'OTAN et de l'UE ; lutte contre toute proposition de la part du gouvernement de l'envoi de soldats italiens ou de tout support de nature militaire en Ukraine et dans tout autre scénario de guerre, par la construction d'une campagne pour la sortie de l'Italie de l'OTAN et de toutes les organisations.
Assemblea Romana No Guerra/Con il Donbass Antinazista
http://contropiano.org/documenti/item/27124-appello-per-una-mobilitazione-nazionale-in-sostegno-alle-repubbliche-popolari-del-donbass-e-alla-lotta-delle-forze-di-classe-e-antifasciste-in-ucraina