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Billet de blog 15 août 2022

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Au Cap-Vert, le plastique menace les tortues Caouannes

Alors que la saison de nidification approche, les militants écologistes du Cap-Vert se mobilisent pour nettoyer les plages envahies par les déchets plastiques.

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Illustration 1
Fresque de sensibilisation, Tarrafal, Cap Vert, 2022 © Solène Gomes Correia

Caretta Caretta. Une tortue marine d’un mètre de long, pesant jusqu’à 500 kg, qui navigue sur tous les océans du globe durant ses cinquante années de vie. Ce spécimen menacé par le réchauffement climatique et la montée des eaux, ne se reproduit que dans un petit nombre de site de nidification : au Oman, en Floride et au Cap-Vert, petit archipel de l’est de l’Atlantique. Ce jeune pays d’Afrique, régulièrement frappé par les sécheresses et les crises économiques, est le troisième pays du monde accueillant le plus de tortues caouannes. La présence de ces tortues est ancrée dans la culture cap-verdienne, à tel point que la tortue caouanne est un des emblèmes du pays. En septembre 2020, 5760 nids étaient recensés rien que sur l’île de Santa Luzia. Mais l’abondance de déchets qui s’échouent sur les plages des différentes îles menace plus que jamais cette espèce déjà vulnérable.

Travaux herculéens pour Biosfera

Afin de pallier ce problème, une association locale se mobilise pour débarrasser les plages de l’archipel des déchets plastiques et du matériel de pêche qui fait un nombre considérable de victimes chez les jeunes tortues chaque année.

Cette association, c’est Biosfera, active sur l’île de São Vicente depuis 2006. Tout commence par le combat d’un pêcheur, José Melo, amoureux de la nature et défenseur des Puffins, oiseaux endémiques menacés. Avec son fils Tommy, José lance en 2006 une campagne de protection et de sensibilisation des pêcheurs, pour protéger la faune de l’île déserte de Santa Luzia, située au nord du pays. Leur lutte prend une telle ampleur qu’ils rencontrent la même année le premier ministre de l’époque, Jose Maria Pereira Neves, qui les chargent de diriger ce nouveau mouvement pour la biodiversité. José et Tommy fondent alors Biosfera, et ouvrent le dialogue avec les pêcheurs locaux. Pour les membres de l’association, la sensibilisation et la participation des populations cap-verdiennes est primordiale. Depuis quinze ans, les campagnes de protections de l’environnement ont grandement imprégné l’imaginaire cap-verdien, et les initiatives d’éducation populaire se multiplient sur toutes les îles. Mais la sensibilisation, aussi généralisée soit-elle, ne fait pas tout.

Déchets plastiques internationaux

Comme tous les ans, la période de nidification approchant, les volontaires de Biosfera font face à un défi de taille. Samedi 30 juillet, soixante d’entre eux récoltaient plus de 800 kg de déchets sur un des sites les plus importants de nidification à São Vicente. Leur travail s’étend également sur l’île de Santa Luzia, où des déchets du monde entier viennent s’échouer au gré des courants marins. En 2018, France 24 rapporte qu’ils proviennent de plus de 25 pays différents, aussi proches que le Ghana ou le Sénégal, et aussi lointains que l’Allemagne ou la Thaïlande. En 2021, plus de 250 tonnes de déchets sont récoltés sur les quelques kilomètres nettoyés par Biosfera. De quoi donner beaucoup de travail aux petits organismes locaux, qui demeurent en constante recherche de financements et de volontaires.

La question de l’après

Malgré le travail colossal accompli par les bénévoles, le problème reste entier. Une fois les plages nettoyées, que faire de tout ce plastique ? Santa Luzia étant inhabitée, il faut les acheminer jusqu’à São Vicente. Mais la deuxième île la plus peuplée du Cap Vert ne dispose que d’une seule décharge, où les déchets sont systématiquement brulés, faute de mieux. Comme beaucoup de petits pays du Sud, le pays manque de moyens pour mettre en place un véritable système de recyclage. Les solutions locales apportées par Biosfera ont certes eu un impact positif important sur la préservation environnementale au Cap-Vert. Mais la situation ne pourra être durablement résolue que par effort internationale et coordonné : diminuer drastiquement la production d’emballage plastique, interdire le rejet en mer des déchets et mettre en place des systèmes de collecte et de recyclage qui soit accessible à tous les pays du monde, y compris ceux qui disposent de peu de ressources. D’ici là, seule la volonté d’un petit nombre de militants protège les tortues de l’extinction.

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