Le 1er mai, ce n'est ni la fête du travail, ni la fête des travailleurs, c’est du folklore : les pains saucisses, la place Rouppe (aujourd’hui le Mont des arts), les concerts, le PS et la manif radicale. Mais le 1er mai on chante pourtant l’international comme horizon du genre humain, on ne chante pas la nation, ses frontières, ses barbelés, la police et les charters. Demain deux projets de loi nationalistes et racistes seront soumis au vote en séance plénière de la chambre, deux textes qui viennent renforcer le dispositif global de chasse aux personnes sans titre de séjour. Ce cadre législatif général, fabriqué par le CD&V, implémente en Belgique le pacte migratoire, c’est-à-dire l’alliance de von der Leyen et de Meloni. Alors que le PS et Écolo s’apprêtent à voter pour la loi Frontex et la loi « retour », les premiers demandeurs d’asile susceptibles d'être expulsés par le Royaume-Uni vers le Rwanda ont été arrêtés et placés en détention. Les premiers européens à avoir mis en place cette destruction du droit d’asile par son externalisation vers le Rwanda se sont des socialistes danois.
Je relis alors, dans ce contexte, après une journée interminable de dialogues de sourds avec des parlementaires socialistes et écologistes, ce vers de l’International : « L'État comprime et la loi triche ». Et c’est bien ce que montre la généalogie du libéralisme en Belgique, l’interventionnisme d’Etat, promu par les socialistes de la fin du XIXe siècle pour prévenir les risques révolutionnaires du capitalisme manchesteriste, comprime les travailleurs, plus particulièrement les travailleurs sans-papiers. L’Etat légifère systématiquement contre les sans-papiers. Avec les lois Frontex et « retour », les agents de l’Etat, la police mais aussi les agents de l’Office des Étrangers, comme de l’agence européenne de « sécurisation » des frontières bénéficieront de possibilités décuplées d’asphyxie, de violences, d’intrusions au domicile, d’arrestations, de confiscations de documents, de menaces et de déportations. L’Etat est impuissant à taxer le patrimoine, à protéger les terres agricoles de la spéculation, à offrir des services sociaux de qualité, à limiter les émissions de CO2 des grosses entreprises, il se trouve extrêmement faible face au pouvoir actionnarial et financier mais il trouvera toujours toutes latitudes pour mener la guerre aux pauvres, aux damnés de la terre. C’est ce que dit l’International, sans l’ombre d’un doute. Impossible de trouver une majorité pour une réforme fiscale dans un pays où le patrimoine est le moins taxé de tout l’OCDE, mais pour expulser massivement des sans-papiers, Ecolo et le PS suivent leurs partenaires libéraux de majorité. Sans grandes convictions mais en politique seuls les votes comptent.
L’International nous apprend quelque chose de plus fondamental encore : « Le droit du pauvre est un mot creux ». En effet, les sans-papiers ne votent pas, ils ne constituent donc pas pour le PS et Écolo un intérêt politique. Leur droit à la sécurité de séjour peut alors facilement être bradé pour le remboursement des frais de logopédie ou contre une réforme des pensions. « La loi triche ». C’est contre ce national-socialisme que nous chantons l’International, pour ne pas oublier qu’à travers l’érosion des droits des travailleurs sans-papiers c’est toute la classe ouvrière qui est fragilisée. Même si les libéraux ne cessent de faire monter les surenchères sécuritaires, même si, dans les quartiers populaires, face à la violence de la drogue et des politiques publiques déficitaires, l’électorat exige plus de police, l’armée et l’expulsion des personnes sans titres de séjour. Nous n’avons pas besoin que demain soir nous allions nous coucher avec deux nouveaux partis d’extrême-droite. Il y en a déjà assez comme ça dans le paysage politique belge.
Après des heures et des heures de discussions, de messages, de coups de fil, de mails avec des élus socialistes et écologistes, je n’ai pas entendu un seul argument en faveur de ces deux textes. Après les quelques contournements des formules rhétoriques d’usages, il n’y a rien qu’un silence gêné. Les pseudo garanties qui auraient été négociées en conseil des ministres sautent après 4 minutes de discussion. Personne, je dis bien personne ne veut de ces textes de loi. Le CD&V a baladé et traîné le PS et Écolo de plus en plus loin de leurs bases électorales, de leurs programmes mais aussi de l’accord de gouvernement. « C'est assez languir en tutelle, l’Egalité veut d'autres lois » que celles du libéralisme autoritaire. Il est temps de débrancher la prise et d’empêcher le vote des lois Frontex et retour. « Les rois nous saoulaient de fumée. Paix entre nous guerre aux tyrans. »