Ce qui vient d'être voté, c'est cette hostilité sans limites envers ceux qui cherchent le refuge, qui fuient la guerre, les désastres, les inégalités abyssales entre le Nord et le Sud, la dette meurtrière et le néocolonialisme.
Le projet de loi 3599 dit "Politique de retour proactive" a été adopté avec 75 voix pour, 44 contre et 6 abstentions ; le projet de loi 3954 dit "Frontex" a été adopté avec 68 voix pour, 11 contre et 44 abstentions.
« (...) C'est l'élargissement des possibilités d’escorte pour les expulsions par les membres du cadre opérationnel de la police fédérale, de l’Office des Étrangers et du contingent permanent de Frontex, le cadre permettant au contingent permanent de Frontex d'opérer sur le territoire belge dans les gares, les aéroports et les ports, l'élargissement des possibilités d’usage de la contrainte (fouille corporelle, usage de la force, menottage) au personnel de l’OE suivant les conditions de la loi sur la fonction de police, l'élargissement du délai de transfert Dublin (de 6 à 12 ou 18 mois) en cas de non-coopération à son transfert, l'introduction de présomptions de fuite, l'obligation de coopérer à son expulsion comprenant l'obligation de coopérer à son identification et à celle des membres de sa famille, de fournir les éléments nécessaires à l’établissement ou à la vérification de son identité (nom, prénom, nationalité, lieu et date de naissance, pays d’origine et/ou de résidence antérieure, itinéraires de voyage, documents de voyage, données biométriques), de coopérer à l’obtention des documents de voyage nécessaires pour soi-même et les membres de sa famille, de communiquer son adresse de résidence effective et les coordonnées auxquelles être joint, de se présenter aux rendez-vous avec les autorités, de répondre aux demandes d’information des autorités, de rester accessible et disponible pendant toute la période nécessaire, de présenter ou mettre en dépôt les documents d’identité ou de voyage aux autorités compétentes, de coopérer aux examens médicaux nécessaires à l’exécution de la mesure, de transmettre aux autorités compétentes les attestations médicales nécessaires à l’exécution de la mesure), de se présenter à l’OE ou la police à des moments déterminés, l'assignation à résidence. » (Sophie Devillé).
Nul part dans ces textes il n’y a la moindre forme de protection des femmes et des enfants. Les femmes ne sont absolument pas protégées contre les abus et les violences qu’elles pourraient subir. Elles ne peuvent bénéficier d’une suspension temporaire de l’Ordre de Quitter le Territoire que pour dénoncer à la justice d’autres sans-papiers, ce qui est clairement une forme de chantage. Or la seule garantie de pouvoir avoir droit à un procès équitable et à une protection du séjour, c’est la régularisation, c’est-à-dire une citoyenneté pleine et entière. Si les familles ne sont plus en centres fermés, elles sont assignées à résidence, domicile où la police peut faire intrusion à tout moment pour vérifier la présence. Cette assignation à résidence est un enfermement sur place en attendant une expulsion. Il s’agit clairement d’une forme particulièrement perverse de criminalisation de la migration. Les expulsions forcées constituent toujours une violence et ne peuvent s’effectuer que par des moyens de contention aux conséquences létales, comme les clés d’étranglement, le placage ventral (cf. Jozef Chovanec), etc. Dans ces missions, la police belge sera à présent épaulée par des agents Frontex (muni de pistolets semi-automatiques, de menottes, de matraques télescopiques, etc.) qui sont connus pour avoir collaboré avec les gardes côte libyens, pour ne pas avoir signalé aux associations de secours un certain nombre de bateaux en détresse et d’avoir collaboré dans des push back illégaux en mer Égée. La police belge est déjà fortement infiltrée par l’extrême-droite comme l’avait montré les révélations dans la presse du groupe Facebook privé The Thin Blue Line (où la technique du parechocage était promue pour assassiner des noirs et des arabes, pour les « sortir de la rue »), et particulièrement au niveau des polices aéroportuaire (une policière avait fait un signe nazi alors que ses collègues asphyxiaient à mort Jozef Chovanec) et des chemins de fer (un nombre ahurissant de sans-papiers ont été tabassés au commissariat de la gare du midi). Dans une interview au Guardian (11/06/2021) Gil Arias Fernández, ancien directeur adjoint de Frontex a déclaré qu'il était profondément inquiet de l'atteinte à la réputation de l'agence, de sa décision d'armer les agents et de son incapacité à empêcher l'extrême droite d'infiltrer ses rangs, dans un contexte de mouvements anti-migrants en Europe. Armer les agents de Frontex, l’extrême-droite européenne en rêvait, la Vivaldi l’a fait ! Avec l’apport des voix et la légitimité du PS et de Ecolo.
C’est un coup dur, un coup de poignard alors que la NVA sera incontournable au fédéral mais aussi à Bruxelles, c’est-à-dire aussi à la Gare du Nord et à la Gare du Midi, que le Vlaams Belang n’a jamais été aussi haut et que toute l’extrême-droite européenne est derrière l’ancien directeur de Frontex, Fabrice Leggeri. La Vivaldi qui a été le pire gouvernement que nous ayons connu : non-accueil des demandeurs d’asile, les hommes jetés à la rue, politique de non-régularisation, criminalisation accrue des personnes sans titres de séjour, violences policières racistes, etc. De l’avis des policiers eux-mêmes, l’ère Verlinden est la pire que nous ayons connu du point de vue de l’impunité des violences policières. Du point de vue de l’accueil, même Hervé Rigot reconnaît que la Vivaldi a fait pire que sous Francken. Le vote des loi « Frontex » et « retour » (forcé) vient signer cette législature d’un gouvernement von Papen qui aura méthodiquement préparé le cadre législatif pour l’extrême-droite et Francken, pour Meloni et von der Leyen, sans jamais condamner les push back.
En Angleterre, il y a des résistances aux expulsions de demandeurs d’asile vers le Rwanda. Des citoyens se mettent devant les véhicules de la police qui emportent les demandeurs d’asile. Nous devons construire ces résistances, nos capacités à nous opposer à cette guerre contre les migrants. De l’accueil aux refus des expulsions. Cela demande d’entretenir notre capacité à la sollicitude et à la bonté. Dans cette bataille contre les lois Frontex et Retour, nous avons construit des liens forts. Beaucoup de gens se sont mobilisés, pas toujours de façon visible, il y a eu une nouvelle confiance née de la lutte. La force, la solidarité, l’énergie combative, l’espoir ne se décrètent pas, elles adviennent du combat. Une communauté de lutte transversale est à l’œuvre, faite d’activistes, de citoyens engagés, de personnes actives dans des associations qui échangent des informations, qui élaborent des stratégies, ensemble et de façon décentralisée, bout par bout. En deux semaines, nous sommes parvenus à faire de ces projets de loi qui étaient passés sous les radars, un enjeu central, discuté et débattu, nous avons fait douter ce qui reste de démocrates dans ce pays. Cela n’aura pas suffit, nous n’oublierons pas la trahison du PS et de Ecolo.
Il nous faut à présent nous tenir fermement aux côtés de nos camarades sans-papiers, pour la sécurité de leur séjour :
- Mercredi 08/05/2024 à 14h: RDV à Rogier pour une marche en faveur de la régularisation des sans-papiers. (Plus d'infos sur la page de la Coordination des sans-papiers).
- Samedi 01/06/2024, RDV pour une seconde marche en faveur de la régularisation.
- Vendredi 14/06/2024 à partir de 10h au 121 rue des Minimes, 1000 Bruxelles pour la Grève des travailleuses domestiques sans papiers de l'Acv-Csc Brussel/Bruxelles.