La loi de finances ou le concours Lépine des économies
En 2012, j'ai connu un succès d'estime en pointant, pour la 5è année consécutive, les dépenses occasionnées par les ambassadeurs itinérants[1], sorte d'ovni de notre diplomatie[2].
Cette année, la crise économique aidant, j'ai pensé me tourner vers nos organisations internationales, plus de 300, pour lesquelles nos contributions obligatoires sont conséquentes :
- ONU, plus de 91M
- AIEA, 19M
- Union européenne, 20,1 milliards d’euros
Toutes ces contributions sont le fruit de conventions internationales et le gage de notre participation aux mécanismes internationaux qui permettent le rayonnement de la France dans le monde selon l'expression consacrée.
Les fonctionnaires internationaux, depuis la Convention de Vienne, articles 34 et 38[i] ,ne payent aucun impôt et taxe nationaux régionaux ou communaux. Or, sur les 160 000 fonctionnaires internationaux recensés[3], près de 10% sont français, c’est donc plus de 16 000 de nos contribuables, dont 1200 en qualité de fonctionnaires détachés ou mis en disponibilité, qui échappent de près ou de loin à l’impôt en toute légalité. Pas besoin d’avocats fiscaliste quand on est protégé par les traités les plus éminents du droit international public !
L’ONU et la galaxie d’organisations internationales et d’agences qui gravitent autour d’elle, comme le BIT ou le FAO, emploie plus de 5000 de nos compatriotes. Le secrétariat de l'ONU occupait en 2012 42.000 personnes, dont 177 Français, l'UNESCO 12.000 à Paris et 900 dans le reste du monde. L’AIEA quant a elle, n’emploie modestement que 97 français dans ses services.
Quant aux institutions financières internationales telles que le FMI, la Banque Mondiale ou encore la BRI, elles sollicitent plus de 6800 fonctionnaires internationaux de nationalité française.
L'Union européenne enfin emploie 4700 français dans les diverses institutions qui composent l’ordre européen, de la commission européenne au Conseil de l’Europe.
Quelques milliers de fonctionnaire français ne payent donc aucun impôt, en plus des avantages en nature qu'ils perçoivent. Une petite nuance doit cependant être apportée pour les fonctionnaires des organes de l’Union Européenne qui sont soumis à l’impôt européen sur le revenu dont la charge n’est pas franchement comparable à notre bon IRPP national.
Je ne dis pas que cette situation très privilégiée ne se justifie pas, je dis qu'en période de crise, il serait intéressant que les pays de l'Union européenne, si prompts à mettre en place des mécanismes de réajustement et de contribution, s'accordent pour fixer à 15 % de la masse salariale une imposition sur le revenu des fonctionnaires internationaux.
Ce serait un juste retour des choses, le contribuable national payant pour le salaire des fonctionnaires internationaux, qui eux ne contribuent pas alors qu'ils utilisent les mêmes services de santé, que leurs enfants fréquentent les mêmes écoles, qu'ils utilisent les routes et les services publics.
En cette période de crise financière, pourquoi ne pas rechercher un mécanisme de péréquation entre ces salariés internationaux et leurs pays d'origine ?
La fiscalité sur le revenu étant différente d'un pays à l'autre, il serait sans doute plus facile de fixer un taux unique à tous les fonctionnaires ressortissants des pays de l'Union européenne qui travaillent dans les organisations internationales.
Cela nous permettrait à nous, parlementaires, de connaitre le détail des Français travaillant dans les organisations internationales, dont je ne suis pas certaine qu'ils soient fichés en tant que tels.
Cela nous permettrait aussi de connaitre la masse salariale globale qui leur est affectée et de prélever, dans des conditions à déterminer, une fraction de leur salaire en impôt.
Franchement, je ne vois rien de choquant dans cette proposition.
J'imagine que les Grecs ou le Portugais et même nos concitoyens trouveraient parfaitement légitime cette démarche de solidarité.
[1] Projet de loi de Finances Rectificatives pour 2012, Action extérieure de l'Etat, Amendement n°145 rectifié (adopté)
[2] Le Monde, 30 juillet 2012, Ambassadeurs itinérants sous le feu de la rigueur
[3] Chiffres transmis par la mission interministérielle sur les fonctionnaires internationaux et disponibles sur le site « emploi public ».
[i] Convention de Vienne sur les relations diplomatiques, faite à Vienne le 18 avril 1961, entrée en vigueur le 24 avril 1964 - Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 500, p. 95.