Ce 21 mai 2015, je me suis rendu au 89 rue de Flandre, à Paris, dans le 19e arrondissement. Avec la participation d'Art'R*, Les Souffleurs devaient y présenter un spectacle poétique de rue qu'ils appellent : Les Regardeurs. En fait, ces artistes de la poésie urbaine ont installé en haut des immeubles du voisinage des chaises arrimées à la structure des bâtiments. A partir de ces positions de "mirador", chaque artiste devait se présenter à ces chaises, bien évidemment retenu par un câble, et offrir au public des panneaux sur lesquels sont inscrits de courts poèmes ou extraits poétiques. Le public, tout en bas dans la rue, dans la cour, recevait une paire de jumelles afin de pouvoir lire ces propositions.
Arrivé sur place à la séance de 15h30, les chaises étaient bien installées aux emplacements prévus par l'équipe artistique. Le caddie sur lequel sont placées les jumelles naviguait sur le parvis. Mais les artistes n'étaient pas à leur poste sur les toits : l'équipe avait décidé de présenter quand même leur projet sur le plancher des vaches, comme disent les navigateurs.
En effet, la Préfecture de Police de Paris, après avoir pris largement son temps, a décidé in extremis de refuser l'accès aux artistes aux sommets des immeubles, en prétextant un "trouble à l'ordre public". Incitation au suicide, peut-être ?
Certes, en un temps où la France est en guerre - c'est le Premier Ministre qui l'a annoncé après les attentats de janvier dernier - le gouvernement concocte des lois d'exception de surveillance des citoyens et s'arroge ainsi toute liberté de dire le Bien et le Mal. Nouveau catéchisme social-démocrate ? Peu importe, dès que le mot de "guerre" a été prononcé par un gouvernant, il faut s'attendre à l'extension de lois liberticides, d'invasion policière et militaire à tous les niveaux de la société. C'est un choix politique pour lequel les citoyens n'ont sans doute pas voté, même si les évènements de janvier ont pu contribuer à faire bouger les opinions.
Alors, bien sûr, la poésie est d'une extrême dangerosité et il faut bien l'interdire. Nombre de lieux culturels sont en train de disparaitre en France sous prétexte de réduction budgétaire, elle-même prétexte à une crise dite économique qui n'en finit pas (une crise est par définition passagère). Crise économique curieuse puisque les dividendes redistribués chaque année aux actionnaires ne cessent d'augmenter dans des proportions indécentes en regard de la stagnation -voire de la baisse- des salaires, des restrictions un peu partout des "acquis". Et surtout de cette volonté politique d'en finir avec les idées du Conseil National de la Résistance (rappelons au passage qu'elles ont été discutées et acceptées par l'ensemble des sensibilités politiques démocratiques du pays, droite et gauche ensemble). Or, en ce moment-même on ne cesse de nous parler de la Résistance avec la panthéonisation de 4 grands Résistantes et Résistants. C'est le grand écart idéologique ou bien est-ce une volonté désinvolte de rabaisser toute velléité de résistance à ce nouvel ordre libéralo-financier ?
Aujourd'hui, ce sont les poètes qui paient les risques de cette politique désastreuse. Demain, ce seront d'autres populations privées du rêve utopique d'une meilleure vie ensemble.
Aux citoyens de résister à la terreur d'où qu'elle vienne en assistant aux œuvres de poésie.
Les Regardeurs, spectacle de rue des Souffleurs, au 89 avenue de Flandre, Paris 19°, métro Riquet, jusqu'au 24 mai. C'est gratuit.
Horaires des séances : 08h00 - 12h30 - 15h30 - 18h00.
Vous pouvez également les retrouver 5 rue Rechossière, Aubervilliers (93), métro Aubervilliers-Pantin Quatre Chemins, les 28 et 29 mai, en veille continue de 08h00 à 20h00.
* Art'R : lieu de fabrique itinérant pour les Arts de la Rue.
www.artr.fr et www.les-souffleurs.fr
les photos représentent la configuration réelle que vous ne pourrez pas voir à Paris.