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Billet de blog 27 juin 2013

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Après les "voitures à vivre", le concept apocalyptique de Renault, reflet de son avenir ? Desolation City !

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Une vidéo officielle sur le Net (sur un réseau social fort connu) à propos d'un Concept-Car Renault, la Twin'Run. Mais que tente de faire croire ce film très court (à peine deux minutes) ? Est-ce une préfiguration du monde selon la conception du constructeur, dans laquelle une seule voiture serait mise à disposition d'une survivante d'un cataclysme ? Renault serait ainsi la seule entreprise automobile à être "sauvée" d'une telle apocalypse ; mais alors, dans ce cas, pour combien de temps ? Faut-il y voir un signe de la santé de l'entreprise ? de la santé financière, de la santé mentale de ses dirigeants, de la santé morale d'un système qui se perd lui-même ? Faut-il y reconnaître une tendance actuelle d’une ultra-violence mise au service du capital ?

C’est peut-être un peu de tout cela à la fois. Certes, je n’ai rien à redire sur le véhicule en lui-même. Il répond de choix techniques, esthétiques, d’un cahier des charges qui l’a configuré en véhicule à caractère sportif. On aime, on n’aime pas, les feux sont comme ceci, cela aurait été mieux comme cela, les roues sont ceci ou cela… Peu importe, il y aura toujours une clientèle pour apprécier… c’est la marchandisation d’un objet.

L’enjeu ici, est d’en faire un objet culte. D’un culte plutôt barbare… un meurtre à la cathédrale : la vidéo montre à quel point le capitalisme sans frein, "décomplexé" diraient certains, nous plonge au degré zéro de l’humanité : des bolides dans une ville déserte, après une catastrophe type guerre civile (allez donc faire un tour en Syrie si vous êtes en manque de sensations…), pilotées par des femmes virilisées à outrance, sorte de guerrières amazones nourries à l’idéologie néo-fascisante. Magnifique image de la femme que donne Renault à la face du monde! Est-ce à cette image et à ce néo-conformisme que les femmes dirigeantes de Renault vont ressembler ? Et le tout enveloppé dans la langue dominante : l'américain dénaturé, au ras du vulgaire, mais celle des "ouineurs".

Ces images portent en elles cette aspiration des puissants à uniformiser l'humanité et à la façonner à l'image qu'ils souhaitent lui donner. C'est effrayant de cynisme, et encore plus effrayant de morbidité. C'est renier la capacité des femmes à n'être pas autre chose que l'objet convoité : ici, pas de sexualité (quoique, sous-tendue) mais la puissance virile à l'état brut. Un comportement guerrier face à des adversaires à qui l'on déclare la guerre. Et tout cela dans un décor d'apocalypse, où quelques survivantes (et un seul homme qui compte les points, très vite disparu de l'écran !), et leurs chiennes (à moins que ce soient des mâles pour compenser un peu - le voilà, alors, l'aspect sexuel fantasmé), survivantes qui sont les gardiennes de l'ordre établi et donnent le signal du combat par la mise à feu. Autre symbole fort : le feu est bien l'un des signes tangibles du fascisme. Ainsi n'existe-t-il plus qu'un seul type d'humain : le guerrier. Mais peut-on appeler cela encore humain ?

Un nouveau monde se dessine, dans lequel on a effacé les différences essentielles. Le rêve du surhomme à portée de main de Renault ! Et surtout du capitalisme, puisque Renault n'est qu'une petite partie de cet univers régnant. Et derrière cette image et ces slogans simplistes, se profile, hélas, le meurtre de l’humanité. Cette pensée de l’unique (dont l’excellence est une déclinaison) est la religion des temps ultramodernes, transformant la planète en une immense cathédrale…

L'image est assaillante, le sniper, non, la sniperine est au bout du capot. C'est un monde sans droit et sans autre loi que celle du plus fort. Mais on n'a pas osé aller plus loin. La guerre sans merci s'arrête face à l'invincible vedette, et la ville fantôme, que des restes de pluie rendent plus désolante encore, s'endormira peut-être lorsque les affres de la poursuite seront retombées. En ces temps de peurs que sont les nôtres, et de tension extrême entre les individus, plus ou moins perdus dans l'immensité d'incertitude des lendemains, la résurgence du duo capitalisme et guerre risque bien de nous enfoncer dans des temps que l'on croyait révolus. Dans une Europe en proie au malaise, politiquement déchue de sa capacité à se dresser face à l'insolence, les peuples devront payer les frais des inconséquences et des dérives de ceux qui dictent leur loi.

Revenons à l'un des sujets de ce film. Il n'est pas question ici de défendre une vision "romantique" de la femme, mais bien de faire reconnaitre le respect de l'autre, de la différence, de l'indépendance, toute valeur qui semble désormais vouée aux oubliettes.

Le combat des femmes pour l'égalité n'a jamais consisté en une aspiration à devenir des hommes, mais à les reconnaître égales en droit, en devoir, en rémunération, et à agir pour soigner cette société de la gangrène qu'est le pouvoir patriarcal. Il aura fallu attendre plus de 2000 ans pour que l'égalité femmes-hommes soit reconnue - mais pas encore appliquée, du moins intégralement et partout - il ne faudrait pas, au bout d'une vingtaine d'années, repartir pour deux millénaires d'obscurantisme, même s'il prend d'autres formes...

ps :bien entendu, je n'indique pas le lien internet afin de ne pas faire de publicité pour la marque. Les curieux la trouveront bien par eux-mêmes...

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