Il n'y a pas que les actions radicales et spectaculaires dans la vie politique, mais ce sont ces actions qui agissent sur la conscience des choses à changer dans notre société et dans notre humanité, il n'y a pas non plus que les élections qui comptent mais ce sont les élections qui assoient la légitimité de la guerre contre les pauvres et les immigrés, contre les femmes et, à bien y regarder, contre 90% de l'humanité.
Nous avons donc besoin d'une idéologie qui puisse gagner la guerre idéologique et d'un parti qui puisse gagner les élections et nous avons besoin que ce parti ait le courage de légitimer les actions déterminées, virulentes, révélatrices des conflits d'intérêts, inventives d'un présent/futur retrouvant ses liens avec la longue histoire humaine, celle qui s'est construite sur des millions d'années.
Je n’ai pas la fibre partisane et ce qui me motive depuis des dizaines d’années ce sont ces actions qui renouvellent la proposition d'un autre monde possible, c’est l’union électorale des gauches qui entraîne un grand nombre de gens, pour peu qu'on ne l'empêche pas, ce sont les pratiques démocratiques et la liberté de parole citoyenne, dont chaque recul fait basculer les idéologies dans des manipulations de masse.
Un autre monde possible cela veut dire un monde autre que celui des marchands, des banquiers, des promoteurs immobiliers, des assureurs et des journalistes qui acceptent le boulot de récupération et d'instrumentalisation des croyances, dévolu naguère par les pouvoirs aux églises. Un autre monde que celui du profit et de l'intérêt individuel opposé à l'intérêt collectif.
Il n’y a pas que les élections dans une vie militante mais je n’ai aucune sympathie pour l’abstentionnisme. Je sais que les élections sont manipulés par les sondages et la propagande des propriétaires de l’information, je sais que nous n'avons chassé, par la porte électorale, le populisme policier anti-pauvres et anti-émigrés de Pasqua/Sarkozy que pour les faire rerentrer par les fenêtres Hollande/Macron, je sais que tout parti qui s’approche du pouvoir risque d’être immédiatement squatté, contaminé, par ceux qui sont biberonnés au goût du pouvoir depuis leur plus tendre enfance, je sais aussi que tout pouvoir à l’abri du risque de le perdre tend au régime autoritaire.
J’entends bien tous ceux qui rappellent que nous ne sommes pas en démocratie, je crois cependant qu’il n’est pas nécessaire de sortir de l’ENA de Science Po ou de Normale sup pour savoir si des mouvements de civilisation vont vers plus ou vont vers moins de démocratie. C'est le sens du mouvement qui importe en cette matière. Et distinguer des pays qui, quelques fois dans leur histoire, ont conquis quelques accès à la démocratie et des pays comme la Russie ou la Chine qui n’ont jamais connu autre chose que des régimes autoritaires. Mes amis venus de l'Est ne comprennent pas pourquoi nous faisons tant d'histoire pour quelques yeux crevés ou pour quelques morts par la répression contre les manifestations... La mesure de la violence comporte tout une gamme d'échelles différentes.
La liberté de parole citoyenne, c’est la liberté d’exprimer son point de vue sur tout ce qui nous concerne sans avoir besoin d’être un expert, un spécialiste, un autorisé de la parole publique, un jongleur de concepts estampillés, ni même un homme du peuple authentique. La technologie du XXIème siècle permet et devrait permettre bien davantage de faire entendre ces libres points de vue du citoyen qui vit et qui travaille dans la société.
Les points de vue construits dans les universités américaines on les connaît, il est bon de savoir qu’il en existe d’autres. Ne diluons pas cette liberté de penser dans la religion des grandes gueules, dans l’attente du petit matin des grands soirs ou dans la glorification nostalgique des belles défaites. Et surtout pas, dans la transmission des rêves petit-bourgeois en guise d'émancipation.
J’ai commencé par évoquer l’union des gauches, c’est dans cette union que je situe mon adhésion au parti écologiste. De mon point de vue, c'est à ce parti que revient aujourd'hui la responsabilité d'être le moteur de cette union Je n'en attends ni la perfection ni la bonne parole, mais une clarification des enjeux et des conflictualités qui parle au plus grand nombre, le partage du rêve fou de vivre. Un parti qui ait envie de rassembler. Rassembler dans une une union où les débats sont ouverts à tous ceux qui jouent le jeu démocratique et qui pensent que le monde peut être différent.
J’observe que partout dans le monde où elles ne sont pas matraquées préventivement se conduisent des expérimentations de vivre autrement, de se loger autrement, de produire autrement, de se déplacer autrement, de faire la fête autrement, de partager autrement avec la nature et avec les ressources.
Il manque une traduction politique de ces inventions d’un autre monde possible.
Il manque une idéologie à laquelle la grande majorité de la population pourrait adhérer, adhère naturellement pourvu qu'elle ne se laisse pas piéger dans les débats politiciens induits par les grands médias... et parfois par les représentants eux-mêmes de ces idéologies.
Les propositions politiques ne manquent pas mais elles se convertissent en impasses dès lors que le peuple ne se mobilise pas. La fabrique du sentiment d’impuissance fonctionne alors à plein régime.
Les propositions de la gauche radicale sont marquées par les étiquettes marxistes, communistes ou socialistes apposées sur les dictatures russes et chinoises héritières de siècles et de siècles de dictature, mais cela on ne le dit pas. Les pouvoirs qui font la guerre aux pauvres et aux émigrés ont beau jeu d’énoncer comme une vérité éternelle que les grands rêves de justice et d’égalité échouent inévitablement sur des oligarchies autoritaires résumées dans le goulag et la colonisation. Les socialistes de droite ne sont pas les derniers à donner le coup de pied de l'âne " au communisme " et à embrumer le débat idéologique.
L'idéologie etazuniène qui manipule les ressorts de conviction de nos élites a beau jeu d'utiliser le désastre démocratique que représentent ces régimes dits communistes ou leurs descendances, pour dévaloriser toute ambition sociale.
Les propositions des sociaux démocrates sont engluées dans des trahisons répétées, et les émigrations vers la droite d’une partie de ses dirigeants. Emigration qui n'est pas sans toucher également des notables de l'extrême gauche ou de l'écologie politique...
Sans parler de tous ceux qui n’imaginent pas d’autres ambitions aux travailleurs que de devenir de petits-bourgeois et qui les encouragent dans ce sens.
Pas de place pour le rêve, pour l’imagination créative, pour cette envie de respirer autrement, plus librement, de regarder le monde comme on le voit et non comme on nous le montre. Or c’est pour cela que nous avons besoin d’idéologie, de récit qui décrivent un avenir désirable, un récit qui donne envie d’agir mais aussi un récit crédible des transformations projetées.
Je suis frère du vent et j'ai de la tendresse pour les pierres, je n'ai pas d'ennemis et j'ai vécu sans méfiance. Je me sens cependant traité en ennemi par les pesticides, par les agressions contre la bio diversité et contre les cultures vivrières, par le matraquage de la liberté d'expression publique et collective dès lors qu'elle contrarie la religion du profit maximum, je me sens traité en ennemi par les commerçants qui me vendent de la merde et par les industries qui la fabriquent avec la complicité et la cupidité des législateurs, je me sens blessé dans ma dignité d'être humain quand la dignité des travailleurs ( ceux qui gagnent leur vie avec leur force de travail) est piétinée pour de misérables petits profits.
J'aime la nature dans son inventivité infinie, dans l'incalculé de sa sauvagerie, dans l'incroyable diversité de ses intelligences reliées aux millions d'années qui les ont patiemment construites, j'aime les solidarités humaines, le génie des rencontres, les rêves de l'amour qui ne cesse de croire au miracle, ses respirations, les peaux qui se reconnaissent, les éclairs de folie et l'oeil qui joue des formes et des couleurs, j'aime la part d'enfance et ses résurgences, la création humaine dans ses méandres et ses égarements. Je partage les espérances et la plupart des angoisses qui accompagnent l'homme et le vivant et j'ai envie d'un monde où les enfants regarderont le soleil se lever chaque matin comme une chance. Une chance et non une marchandise. Se lèveront sans crainte d'être empoisonnés, affamés, matraqués.
La terre est à tout le monde, l'eau est à tout le monde, le vrai progrès humain est celui qui se rôde sur des millions d'années ( et non celui de nos apprentis sorciers qui n'ont d'expérience que celle des casinos et imagine le monde à l'aune de ce microcosme pervers). Le vrai progrès se mesure (encore faut-t-il ne pas embrouiller les mesures et les rendre illisibles) au fait que de moins en moins d'humains souffrent de la faim, de la soif, de logements insalubres, de travail dégradant pour la santé comme pour le moral.
Nous savons ce qu'il faut quitter. Et nous ne sommes pas sans savoir vers où nous désirons aller.
Quitter.
Les pib, les pub, les singeries jupitériennes, l'ostracisation des résistances sociales et écologiques, l'exploitation jusqu'à plus soif de la frilosité, de la crédulité, du racisme comme outil pour diviser et caricaturer le peuple, la réalité découpée en rondelle pour n'en observer jamais que des parties isolée du tout de la vie, la réalité observée à la loupe pour mieux cacher les compromissions et les liens avec l'accaparement du monde par quelques-uns.
Des intermédiaires partout comme dans la fable du renard et des deux ours qui veulent se partager un fromage fable où le rusé mord tour à tour la part la plus grosse mais n'aboutit jamais à l'égalité désiré par les ours, si bien qu'à la fin il n'y a plus de fromage pour les ours.
La police qui prépare les mentalités à des morts dans les manifestations comme cela est courant avec les régimes autoritaires, la criminalisation des oppositions politiques la stigmatisation des pauvres et des minorités et nos modérés qui avalent des couleuvres de plus en plus bedonnantes.
Nous sommes dans une bataille idéologique et le pouvoir lui-même par la démesure de ses propos tente de dévaloriser les actions de l'écologie politique.
Aller vers.
Nous avons besoin aujourd'hui d'une force politique qui, parce qu'elle s'appuie sur une idéologie largement partagée peut orchestrer les actions de terrain et les actions de la politique institutionnelle, relayer et légitimer les mises en cause et les mises en débat initiées par les activistes et les prises de responsabilité des élus qui inscrivent les progrès sociaux, écologiques dans les législations.
Les verts, pour moi, ce n'est pas un programme (même s'il en faut un), c'est un mode d'action en phase avec les résistances et les inventions du temps d'aujourd'hui.
Etant militant culturel plus que militant politique, j'ai envie de laisser ici quelques-uns des noms de ceux qui m'aident à réfléchir, ceux qui me viennent immédiatement en tête... et pardon à tous ceux, beaucoup plus nombreux, que j'oublie :
Baptiste Morizot, Camille Etienne, Flore Vasseur, André Damasio, Alexis Jenni, Fred Vargas, Coline Serreau, Joseph Andras, Erri De Luca, Phippe Descola, Nicolas Mathieu, Christophe Bonneuil...
qui ne se réclament pas, à ma connaissance, des verts mais sont, de mon point de vue, en première ligne du combat idéologique.
Et bon vent à Marine Tondelier qui tient la barre en ce moment.
Serge Koulberg, adhérent d'EELV, de Terres vives de Pertuis, et approuvant le réalisme courageux des Soulèvements de la terre.