Dans le paysage des médias publics et privés, le service public se caractérise, le plus souvent, par, pour reprendre des expressions usuelles, la "qualité" des contenus et des intervenants. La simple comparaison avec des chaînes telles que TF1 et , encore plus dramatique, CNews et autres chaînes d'information en continu, suffit à convaincre de la nécessité de maintenir un service public puissant. C'est d'ailleurs pour se débarrasser d'un tel service que Marine Le Pen veut sa privatisation et qu'Emmanuel Macron annonce la fin de la redevance, le budget devant être voté au Parlement, ce qui conduira inéluctablement à sa privatisation, l'expérience des années passées ne pouvant que nous rendre lucides et sans illusions sur le déni du candidat Macron.
La défense du public ne saurait néanmoins paralyser de toute réflexion sur l'état de ce service public. A certains égards, France Culture peut être vue comme un sismographe des transformations intervenant dans le champ intellectuel et journalistique. Cette chaîne a ainsi constitué une des bases de la constitution du capital politique d'Alain Finkelkraut ; de ce point elle permet aussi un éclairage sur la longue dérive de certaines fractions intellectuelles. Cette chaîne éclaire la constitution d'un "consensus macronien" avec la présence récurrente de certain-s journalistes (comme Christine Ockrent et ses partenaires privilégiés comme l'IFRI) ou le contenu de certaines émissions. On peut ainsi souligner comment l'Esprit public du dimanche matin (émission à laquelle participe régulièrement Christine Ockrent) se limite le plus souvent à un débat entre "macronistes de gauche" et "macronistes de droite". Au cours de l'émission du dimanche matin 17 avril 2022 l'intervenant le plus à "gauche" était Thierry Pech (c'est dire !)
Il faudrait évidemment sortir de ces remarques qui tiennent à une écoute fragmentaire de cette chaîne, compte tenu de multiples contraintes personnelles temporelles. Je voudrais néanmoins revenir sur l'entretien complaisant, c'est le moins qu'on puisse dire, de ce jour (18 avril 2022) de Guillaume Erner avec le candidat Emmanuel Macron. Auditeur très régulier de cette émission du matin, j'ai toujours été frappé par la manière dont Guillaume Erner, sujet supposé tout savoir, était le seul interviewer et cela, à l'exception de la politique (allez savoir pourquoi), quel que soit le domaine. Que l'invité soit spécialiste de biologie, de physique quantique, de littérature, etc., lui seul mène l'entretien, ce qui a pour effet (même si ses collaborateurs lui prépare des fiches) qu'il se fait régulièrement "balader" par ses interlocuteurs.
Au cours de l'entretien de ce matin avec Emmanuel Macron, notamment dans la seconde partie, porté par un minimum de déontologie journalistique et intellectuelle, Guillaume Erner a posé une question sur les violences policières et a évoqué la dénonciation, proférée par le gouvernement, de l'islamo-gauchisme dans le monde universitaire. Dans le premier cas, Emmanuel Macron n'a pas répondu et n'a évoqué que les violences du mouvement social (en le caricaturant). Il n'a pas laissé G Erner le relancer, en l'interrompant en permanence, et ce dernier s'est tû. Dans le second cas, E Macron a menti avec son aplomb habituel, en proclamant qu'il fallait laisser toute liberté aux recherches académiques, et G Erner l'a laissé dérouler son argumentation. Ensuite, interrogé sur la place de la culture, E Macron a pu, de nouveau, tenir le discours habituel sur la culture comme "ciment social", etc., sans être interrompu.
Je veux bien croire que France Culture préfère E Macron à Marine Le Pen, mais un tel niveau de complaisance pose problème et pourrait se révéler contre productif. On peut d'ailleurs se demander si elle va se poursuivre dans les années qui viennent et on attend avec impatience les prochains entretiens avec des dirigeants de la gauche dite "radicale" pour découvrir la manière dont G Erner va les mener
Pour terminer, je précise que je me propose de voter Macron au second tour mais il est temps que la campagne se termine ; la démagogie, l'opportunisme, voire les mensonges macroniens commencent à devenir insupportables.