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Billet de blog 24 mai 2011

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DSK: compromissions éthiques et discernement politique

Derrière l'enjeu fondamental de qualification des évènements intervenus dans l'hôtel Sofitel se pose celui de la qualification de la personne même de Dominique Strauss-Kahn ainsi que de l'ensemble de ceux qui, à des degrés divers, l'ont soutenu et célébré.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Derrière l'enjeu fondamental de qualification des évènements intervenus dans l'hôtel Sofitel se pose celui de la qualification de la personne même de Dominique Strauss-Kahn ainsi que de l'ensemble de ceux qui, à des degrés divers, l'ont soutenu et célébré.

Dominique Strauss-Kahn est-il un prédateur sexuel ou un simple séducteur compulsif ? Même si ses défenseurs arrivent à prouver et à faire reconnaître juridiquement qu'il n'est que cette seconde figure, resteront alors posées une série d'interrogations. Peut-on considérer que les relations sexuelles entre un homme blanc, capable de payer une suite de plusieurs milliers de dollars, dans un hôtel de luxe de New-York, et une jeune femme de ménage noire, relèvent de simples rapports de séduction ? Au-delà des "anecdotes" qui, jusque là, étaient "réservées" aux membres des cercles plus ou moins restreints des "élites" politiques et médiatiques, et qui commencent à émerger, quelles sont les pratiques réelles de DSK ? Relèvent-elles de formes plus ou moins violentes de domination sociale, dont on avait déjà eu une première illustration quand il avait été reconnu coupable d'avoir abusé de sa fonction pour séduire une employée du FMI, et dont les évènements du Sofitel constitueraient une forme exacerbée ?

Se posent alors une série de questions concernant les responsables politiques et médiatiques ayant connaissance de ces pratiques et leurs principes de jugement. Il ne s'agit pas ici de considérer seulement la manière dont cette affaire a été l'occasion de la manifestation publique d'un mélange de machisme et de mépris de classe que l'on aurait pu croire en voie d'atténuation. On peut certes y voir une solidarité spontanée de "classe" ou de "caste". Mais n'est-ce pas aussi la suite de leurs compromissions éthiques passées ? En effet, moins DSK se révèlera un simple charmeur, engageant des rapports de séduction avec des égales, et plus un homme utilisant ses positions de pouvoir, plus il faudra alors s'interroger sur les principes éthiques de ceux (et celles) que cela n'a pas heurté, pour lesquels cela relevait du registre de l'admissible et de l'acceptable et/ou que leurs ambitions politiques, collectives et individuelles, portaient à nier la gravité de certaines pratiques.

Cette accusation et les divers commentaires poussent aussi à s'interroger sur le discernement politique de ces différents acteurs. En 2007, à l'occasion de la nomination de DSK au FMI, à Washington, dans une note maintenant célèbre, Jean Quatremer désigne, dans son blog, les dangers médiatiques et politiques que recèlent les comportements avérés de DSK. Or, à peine un an plus tard, ce dernier confirme les craintes ainsi exprimées et est obligé de s'excuser.

Que Nicolas Sarkozy, tout désireux de faire un "coup politique" pour affaiblir le PS, ait pris un risque politique est une chose.

Mais c'en est une autre de constater que DSK manifeste une absence d'appréciation politique, c'est à dire une incompétence proprement politique, à moins que son activité pulsionnelle soit si puissante qu'elle le rend totalement incapable d'une juste appréciation des contraintes politiques dans lesquelles il est placé, ce qui est pour le moins inquiétant pour un des "maîtres du monde" et un candidat à l'élection présidentielle.

On peut alors s'interroger sur quelques propriétés de cette entreprise collective (dirigeants du PS, publicitaires, dirigeants de grandes entreprises, commentateurs et journalistes, etc.) qui s'était donnée pour but de porter DSK à la présidence de la République et qui, quelle que soit l'appréciation portée sur les orientations politiques de ce dernier, que nous ne connaissions toujours pas, visait à nous enfermer dans l'alternative du second tour des présidentielles : DSK ou Sarkozy ?. Quels sont les principes de jugements moraux et politiques de ce groupe ? Son sentiment d'impunité (dont mains exemples nous sont donnés dans le cas français) est-il si puissant qu'il a pu prendre le risque de soutenir une candidature potentiellement si exposée et dont, si on suit certains des soutiens actuels de DSK, la fragilité serait tellement avérée qu'elle faciliterait de nombreuses manipulations ?

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