Tahar Ben Jelloun me pardonnera le clin d'oeil.
Le train de réformes annoncé par le gouvernement concernant le financement des départements français d’Amérique (« DFA », Martinique, Guadeloupe, Guyane), dénoncé de façon quasi-unanime par les députés et sénateurs ultra-marins, pose la question de la capacité de ces représentants politiques de la France de l'Outre-Mer à façonner, peser sur, influencer, ou de façon plus modeste, à participer tout simplement à l’élaboration du schéma de développement économique des DFA, en dépit de toutes les urgences patentes auxquels ils sont confrontes – croissance atone ; déficit démographique, chômage, inégalités, délinquance, vieillissement.
Tout ce qui est proposé n’est pas mauvais. Pourquoi pas taxer le rhum pour financer l’investissement local, alors que le rhum vient d’obtenir de l’Union Européenne un relèvement de 20% des quotas de production bénéficiant d’un taux de taxe sur les alcools. Alors que le secteur du rhum est en bonne santé financière, qu’il est extrêmement concentré entre un nombre très réduit de producteurs, et que ce relèvement des quotas signifie potentiellement 80 millions d’euros de chiffre d’affaires complémentaire pour le secteur, il n’est pas choquant de mettre en place des mesures pour mieux utiliser la manne concédée par Bruxelles pour soutenir l’économie locale.
Cependant, il est légitime de se demander comment des réformes d’une telle ampleur, qui ont nécessairement impliqué plusieurs ministères - le ministère des Outre-Mer, le ministère du budget, le ministère de la fonction publique etc… - ont pu échapper aux députés et sénateurs ultra-marins, surpris par ces annonces. Ces députés et sénateurs ultra-marins sont-ils victimes d’une culture du secret de l’administration française, ont-ils été trahis par des arbitrages budgétaires de dernière minute reniant des accords de principe préalables qu’ils auraient conclu avec le gouvernement ?
Plus simplement, les députés et sénateurs ont-ils voix au chapitre ? Ont-ils vraiment su peser au sein de tous les organes de la représentation nationale - Senat, Parlement, Parlement Européen… - pour représenter les intérêts et les projets politiques de la région au sein des commissions, groupes de travail, etc… ? Ont-ils un projet économique cohérent à proposer au gouvernement, ou sont-ils prisonniers d’une absence de vision à long terme condamnant à argumenter pour le maintien d’un statu quo ? Or on sait bien que demander le maintien du statu quo signifie donner le flanc aux attaques sans cesse renouvelées sur le statut supposé privilégié des DFA et de leurs résidents ultra-marins, présentés fréquemment comme hyper-assistés et à la charge de la nation.
A terme, ce qui interpelle également, c’est l’absence de soutien de la représentation nationale face à la démarche des députés ultra-marins unis, toutes tendances politiques confondues, pour mobiliser contre le vote de la réforme. Unis entre eux, donc, mais incapables de fédérer un soutien de la part des principales formations politiques françaises. Les représentants des DFA paient-ils la fragmentation extrême de la représentation politique en Outre-Mer, avec la multiplication de micro-partis sans soutien ni ressort national ?
Aux journalistes et citoyens d’obtenir des réponses satisfaisantes de leurs représentants politiques.