Cela va sans doute arriver demain…
« Glasgow, le 12 novembre 2021 - Dans la poursuite de l’accord historique de Paris…luttant contre les changements climatiques …pour un avenir résilient, durable et bas carbone, les dirigeants des nations réunis aujourd'hui décident... » et bien ils décident de ne rien décider. Une fois encore. Les pauvres pourront continuer à crever. La gueule ouverte.
Pour les Français l’affaire a vite été ficelée. A peine dix minutes pour boucler un speech au ton comminatoire. Le président de la République, Emmanuel Macron, « Champion de la Terre » en 2018 a expédié ce qu’il n’a toujours pas engagé en France et qu’il ne fera sans doute pas d’ici l’élection présidentielle de 2022 : « …ambition, solidarité confiance, green deal européen, cent milliards par an… » et de conclure en appelant à « travailler ensemble » Blabliblabla. Fermez le ban. Chacun chez soi. Et crevons en silence !
Malgré les démonstrations des uns et des autres se succédant à la tribune, les dirigeants du monde vont accorder une fois encore un sursis aux pollueurs de la planète. Une fois encore c’est un Permis de tuer qu’ils délivrent à des entreprises mondialisées, des fonds d’investissement pour qui l’avenir de la planète s’évalue à la mesure des profits stratosphériques qu’ils entendent engranger.
Accaparer, exploiter, produire, s’enrichir
Va se poursuivre la confiscation de l’eau potable, les mers, les glaciers, les fleuves, les terres arables, les montagnes... et cela au nom même de l’économie établie sur le principe intangible de la concurrence libre et non faussée. Croissance commerciale, voilà la clé. Pour qui, comment et pour quoi faire ? Comme toujours, de l’argent. Accaparer, exploiter, produire, s’enrichir …Cela s’appelle le capitalisme. Le prix à payer ? La disparition progressive et sur un large spectre du règne du vivant. La terre s’en remettra. Pas nous.
Cynisme, inconscience, égoïsme, ignorance ? Depuis le sommet de la Terre en 1992, rares ont été les dirigeants des pays riches et des organismes internationaux à vouloir s’appuyer fermement sur la Déclaration de Rio. Sans être contraignante, celle-ci fixe néanmoins les lignes d'action visant à assurer une meilleure gestion de la planète. Du principe aux actes, force est de constater l’abîme vertigineux qui les sépare. En trente ans les sociétés humaines ont écrit la chronique d’une catastrophe pourtant prévisible. Nous avons perdu un temps précieux. Est-il trop tard ?
La COP26 qui a commencé ses travaux ce lundi 1er novembre à Glasgow n’échappe pas à la règle ; photo de groupes, grand-messe, conciliabules, guéguerre en coulisse entre sherpas, lobbyistes chuchotant à l’oreille complaisante des conseillers des puissants de ce monde. Leur mission ? Faire obstacle par tous les moyens aux engagements que pourraient imposer les Nations unies. Appointés par des actionnaires des entreprises mondialisées, ces communicants ont habilement vidé de sa substance ou contourné la nature même de l’écologie en gommant soigneusement la brutalité de l’économie libérale. Ils ont changé d'appellation à l’exemple de la Générale des eaux devenue Veolia, un nom qui « sonne plus doux à l’oreille du client. » D’autres ont poussé leur raisonnement obscène jusqu’à qualifier « d’éco-responsable » l’appropriation des terres rares nécessaires à la fabrication notamment des smartphones. Du grand art !
Les multiples rapports produits par les scientifiques du monde entier ne font aucun mystère de ce à quoi nous sommes confrontés :« La vie sur Terre peut se remettre d’un changement climatique majeur en évoluant vers de nouvelles espèces et en créant de nouveaux écosystèmes. L’humanité ne le peut pas. » Ce n’est pas le pitch d’un film d’horreur mais un constat tiré du récent rapport du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) publié en août 2021. On continue ?
la planète sur un terrain inconnu
Pour donner le ton de cette réunion internationale pour le climat, l'Organisation météorologique mondiale (OMM), publie une synthèse peu réjouissante. Que dit-elle ? « …Des concentrations atmosphériques de gaz à effet de serre sans précédent et la chaleur cumulée qu'elles induisent ont propulsé la planète sur un terrain inconnu, ce qui a de graves conséquences pour les générations actuelles et futures. » Pendant ce temps les places financières mondiales volent de records en records dépassant et de très loin ceux enregistrés avant l’épidémie du COVID19 que ce soit à New York ou à Paris. En tête de gondole les entreprises faisant commerce des énergies fossiles à commencer par le pétrole comme TotalEnergies.
Cruel déséquilibre entre des chefs d'États et de gouvernements certains riches, d’autres désespérément pauvres et qui prêchent dans le désert. L’organisation des nations unies appelle ses 195 pays membres à conjuguer leurs efforts pour mettre en place des solutions adaptées pour contrer la dégradation du climat dans chacun des pays. Madagascar le Groenland même combat, même considération ? On pourrait l’espérer. Ce n’est évidemment pas le cas.
Ainsi 34 des pays les plus pauvres du monde dépensent 29,4 milliards de dollars (24 milliards d'euros) en remboursement annuel de la dette aux organismes financiers -privés ou publics- des pays riches. Comment peuvent-ils financer des mesures visant à réduire l'impact du dérèglement climatique. Sans un choc politique mondial, ces pays sont voués irrémédiablement à s'affaisser. Et les pays riches sont eux, n’en doutons pas, dans l’antichambre du désastre annoncé.
Engager des actions concrètes
Les changements irréversibles du climat exigent des actions concrètes. Qui l’ignore ? Elles auront un coût. Et alors ? Elles procèdent de décisions politiques établies non sur un « deal » mais sur le consentement éclairé des peuples. Sans eux, rien ne se fera. Rien ! Les peuples peuvent se faire une plus haute idée de leur capacité à peser directement sur les décisions de leurs dirigeants. Cela impose un processus démocratique inédit de prise de décision auquel les populations doivent impérativement être associées. Sur le terrain, au quotidien, elles mesurent les dégâts considérables causés par les activités humaines. Les ignorer ou les ralentir nous condamnent tous.
Dans cette partie qui se joue à huis clos, sont largement exclues les paroles des mouvements comme Notre Affaire à tous, Youth for Climate, Greta Thunberg pour ne citer qu’eux. A Glasgow dans les couloirs, on regarde avec suffisance ces "animateurs de rue". Quel mépris pour ces jeunes sincères mais désarmés. Certes les marches pour le climat à Paris rassemblent quelques dizaines de milliers de personnes. Bien sûr quand la France remporte la Coupe du monde de football plusieurs millions de personnes manifestent leur enthousiasme. L’équation est désormais connue mais difficile à résoudre : comment nous convaincre tous qu’il est grand temps de nous mobiliser pour imposer un changement crucial de stratégie pour notre existence et le règne du vivant ?
Depuis la COP21 en 2015, la communauté scientifique, les organisations non gouvernementales, les lanceurs d’alerte ont publié des dizaines de millions de pages composant rapports, synthèses, communiqués, alertes. Les cinéastes, les écrivains, les artistes ont signés tribunes et pétitions à n’en plus finir. Les réseaux sociaux ont été largement utilisés pour imposer aux chefs d’états et de gouvernements de changer de braquet. Et vite. Rien n’y fait. Force est de le constater.
Réorienter la diplomatie française
Et la France dans cette sarabande qui commence ? N’est-il pas impérieux de réorienter profondément la diplomatie française ? Ce n'est pas en courant après ni en s'alignant devant les puissants que ceux dirigent le pays feront œuvre utile. La Chine, la Russie, les États-Unis pour ne citer qu’eux se fichent royalement d’une France regardée aujourd’hui comme bavarde et ratatinée. C’est qu’elle est dirigée, peu ou prou depuis 2007 par d’assez médiocres cadres d’exécution du secteur privé ne possédant aucun sens du bien commun et de l’intérêt général.
Les postures martiales, le ton cassant dans la voix ni les coups de mentons de l’actuel chef de l’État ne trompent plus guère. Tout cela ne sert à rien. La Convention citoyenne pour le climat, malgré les déclarations solennelles se traduit par un retard préoccupant dans l’application des 149 mesures préconisées par ses membres.
La France peut payer d'exemple pour peu qu'elle mette à son agenda national et international l'audace des propositions, la conviction, disons-le, l'insolente conviction, qu'il faut modifier, maintenant et pour toujours, la trajectoire du monde pour en faire un lieu vivable pour le vivant en renouvelant, en inventant même, de nouvelles coopérations entre les peuples ici, en Europe et dans le monde. Former, informer, mobiliser et changer la donne, voilà qu'elle devrait être notre feuille de route à tous. Plus que jamais, l'avenir de la planète et du vivant se pense au présent.
Serge REMY