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Ce n’est pas tant l’évènement que les lauriers tressés à Emmanuel Macron qui peuvent surprendre ou même agacer. « Champion de la Terre » ! « Champion of the Earth » en anglais. Qu’est-ce qui a bien pu déterminer des communicants à choisir ce titre honorifique ronflant pour un chef d’État qui paraît assez peu concerné par l’urgence écologique ? Excès ou abus de langage ? Les deux sans aucun doute. On pourrait en sourire et puis non.
L’existence de la planète et du règne du vivant sont aujourd’hui en jeu. Qui en doute ? Quasiment personne. Depuis 2017, il y a là un défi qui n’est pas une priorité politique pour le président de la République, son gouvernement et sa majorité. Leurs éléments de langage, les mises en scène face caméra, la main sur le cœur, tout cela relève de la posture médiatique. Rien de plus. L’attitude des députés En Marche lorsque l’Assemblée se saisit du dossier du Glyphosate est incompréhensible voire scandaleuse. Un lobbyiste défenseur des grandes sociétés de chasse serait plus entendu qu’un chercheur en ressource agricole capable de stopper l’appauvrissement des sols.
Macron devrait se servir de ses relations d’affaire pour convaincre les grandes fortunes à agir plus et mieux en faveur de la planète. En juillet 2018, l’Élysée a réuni six mastodontes de la finance mondiale : les fonds souverains de la Norvège, de la Nouvelle-Zélande, du Qatar, de l’Arabie Saoudite, du Koweït et des Émirats Arabes Unis. Ensemble, ils pèsent environ 2 600 milliards d’euros. Ils décident de s'engager concrètement dans la lutte contre le changement climatique. Et bien, à ce jour, on compte les vœux pieux mais aucun projet n’est encore financé.
A défaut des horloges, Emmanuel Macron reste le maître des formules toutes faites
La conclusion de cette réunion par le président ne manquait pas de sel : « Si la finance reste tournée vers la spéculation à court terme, avec une trop forte concentration des profits, elle mourra. Si l'économie reste fondée sur les énergies fossiles, nous mourrons…. Ici nous reconstruisons la finance…". A défaut des horloges, Emmanuel Macron reste le maître des formules toutes faites ; promettre mais ne servir à rien. Le résultat ? Deux mois plus tard, Nicolas Hulot lassé et amer claque la porte. Mauvais signe.
François de Rugy lui succède. Il passe du perchoir de l’Assemblée au plancher des vaches. Sa visite par hélicoptère dans les Pyrénées pour approcher des ours et manger du fromage tourne au ridicule (Sud-Ouest, 21/09/2018). S’en suit une rencontre bouclée en moins d’une heure avec des élus locaux assez déçus. Les Béarnais n’oublieront pas la visite du « Monsieur de Paris »
« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs »
avait lancé Jacques Chirac en 2002 lors d’un Sommet de la Terre en Afrique du Sud. Le « Champion de la terre » pense-t-il que l’incendie est éteint et qu’il suffit de lancer « Make the planet Great again » pour passer à autre chose ? Non seulement le changement climatique a commencé mais il s’accélère. Alors s’il entend être le « Champion de la terre », il serait temps de répondre à l’exigence écologique à laquelle l’humanité est confrontée. Les citoyens considèrent ce dossier prioritaire. Les gens peuvent beaucoup en modifiant ou en adaptant leurs comportements mais ils ne peuvent pas tout. « La planète n’appartient pas aux gouvernements, ni aux partis politiques… » avait déclaré Benjamin Griveaux Porte-parole du Gouvernement au soir de la Marche pour le climat le 8 septembre dernier. On choisit des dirigeants politiques et des élus pour améliorer ce qui doit l’être et répondre aux évolutions brutales du climat. C’est aux responsables politiques d’engager le pays sur la voie de la transition écologique, de fixer les objectifs, le calendrier et les moyens nécessaires. Le soutien, les actions et la vigilance des citoyens seront évidemment indispensables.
On est un « Champion de la terre » si la politique qu’on mène est exemplaire, si on dote le ministère de la Transition écologique d’outils adaptés à la tâche considérable qui l’attend. Or, ce n’est pas ce qui est retenu pour 2019. L’augmentation du budget du ministère en charge de l’écologie sera inférieure à 2%. Une misère. Une honte !
On est le « Champion de la terre » si la France s’engage dans le financement du Fond Vert d’ici 2020. Ce n’est toujours pas fait.
On est « Champion de la terre » si on « mouille la chemise » en organisant de façon énergique une concertation internationale pour répondre aux changements climatiques et parer aux migrations inévitables dues aux variations du climat et à la désertification des sols. On est « Champion de la terre » si on propose un nouveau type de coopération entre pays riches, pauvres, émergents et en développement.
Le « Champion de la terre » devrait commencer à regarder le monde autrement qu’au travers l’image néolibérale d’une « start-up nation. » Une France du XXIe siècle est une France soucieuse de ses concitoyens, soucieuse de tous ses territoires, de son environnement. Elle ne pavoise pas devant la croissance de plus en plus importante des profits du CAC 40, qui ne se respirent pas, ne se mangent pas et ne se partagent pas. Pour commencer la transition écologique, on ne peut éviter la remise en cause de cette économie financiarisée qui met en péril le vivant et gangrène la planète. Le « Champion de la terre » ne fera jamais oublier le « président des riches. »