Les Révolutionnaires à travers le monde n'ont aucune originalité, voire aucune reconnaissance. Généralement leur drapeau est surmonté d'une, voire de deux Kalashnikov entrecroisées. Pourtant l'AK-47, comme le cocktail Molotov, n'est plus désormais le symbole le plus patent de toute guérilla. Il a été détroné par un autre engin à priori moins meurtrier mais tout aussi efficace. Et monté sur pneus de surcroit. Cela valait bien un article «clin d'oeil».
Les plus anciens, se rappelleront de l'époque ou rouler en "japonaise" était synonyme au mieux d'excentricité et au pire de mépris. "My Toyota is fantastic" clamait l'autocollant arboré fièrement sur la lunette arrière, tandis que les railleurs rajoutaient : "My corbillard is définitif".
Mais ça c'était avant.
C'était avant que l'industrie nippone n'acquière ses lettres de noblesses aux quatres coins du monde, et très curieusement auprès des révolutionnaires en tout genre, grace à un engin certes basique et rustique, mais d'une efficacité diabolique. Le Pick-up Toyota.
Ce pick-up pour peu que vous regardiez les infos, vous l'avez vu dans tous les sens. De gauche à droite et de droite à gauche de votre écran sur les routes de Benghazi et de Tripoli, au fur et à mesure de l'avancée ou du recul des forces de la coalition contre Kadhafi. Généralement surmonté d'une grappe humaine portant un fusil d'assaut ou bien d'un canon anti-aérien ou d'un RPG.
Et en plongeant dans vos souvenirs, vous l'avez vu aux quatre coins du monde. En Afrique, au Moyen-Orient, en Asie ou en Amérique du Sud. Même le mollah Omar en aurait eu avant de se barrer en mobylette.
Rien n'est fortuit. Les amateurs de BD se souviennent sans doute des "Scorpions du désert" une série crée par Hugo Pratt en 1969, qui relatait les aventures d'un groupe du LDRG (Long Range Desert Group), une unité de l'armée britannique chargée de faire des reconnaissances à bord de véhicules légers armés d'une mitrailleuse lourde. Les cinéphiles eux penseront à "Un taxi pour Tobrouk", merveilleux film démontrant l'aburdité de la guerre, de toutes les guerres.
Dans les années 40 il s'agissait d'unités mobiles quasiment indépendantes, chargée de missions de sabotage et de reconnaissance et destinée à harceler les forces du général Rommel. Force est de reconnaitre que le concept a peu évolué. Il s'agit toujours de rechercher la mobilité et la robustesse face à la lourdeur et à la fragilité des chars modernes.
Kadhafi le sait bien pour avoir subi une cuisante défaite en 1987 alors qu'il voulait annexer le Tchad et qu'il s'était trouvé face à une opposition de "Toy" hérissés de lance missiles Milan. Ce que l'on a surnommé à l'époque la Cavalerie Toyota.
Comme quoi on n'a pas attendu Carlos Ghosn pour allier la mécanique japonaise et le style "à la française"... Proportionnellement aux nombre de "participants", le Paris-Dakar a fait moins de morts puisque le colonel y laissa près d'un tiers de son armée.
Dans nos contrées aussi, la Toyota war fait rage. Une poignée d'irreductibles prônant un art de vivre fait face à une autre poignée d'irréductibles prônant un autre art de vivre. Comme personne ne s'écoute, les hostilités risquent de durer un moment.
Pas sur en tous cas que les ingénieurs nippons aient pensé un jour que ce débonnaire engin de loisirs et de travail deviendrait l'une des armes de guerre les plus universelles.
