Mettons les choses au point tout de suite, je ne vais pas pleurer sur la destruction du Piss Christ, photographie d'un crucifix plongé dans un bocal d'urine, et estampillée «oeuvre d'art» par Jacob et Delafon. Au surplus, il ne s'agit que d'une photo et donc il ne sera certainement pas difficile d'en faire un retirage, validant ainsi la résurrection du Christ. Ça tombe bien on est à Pâques.
Ce sont les raisons de sa destruction qui me gènent. Quel beau prétexte pour les cathos intégristes et autres piliers de prie-dieu (et souvent aussi du FN) que de monter au créneau au nom du renouveau salvateur de la religion et de la France éternelle.
Il y avait pourtant plus d'ampleur dans les provocations des Sex Pistols que dans ce cliché. Au surplus il nous est probablement tous arrivé de faire tomber quelque chose dans la cuvette des vécés, ce qui a eu pour effet de faire surgir en nous quelques blasphèmes biens sentis au moment de plonger ses doigts dans le petit lac vitreux entouré de céramique.
Quoi qu'ait voulu montrer "l'artiste", c'est aussi affligeant qu'exposer un bac de vidange. Et qu'on ne vienne pas parler de liberté d'expression. La liberté d'expression c'est avoir le droit de dire ce que l'on pense. Pas de rechercher la polémique et la provocation pour ensuite jouer les outrés et les martyres baillonnés par le carcan des la bien pensance.
Car on ne peut pas imaginer un instant que seule l'idée créative ait suffit pour vouloir d'une photo faire un message, au demeurant assez flou, alors qu'il aurait suffit de filtres polarisants et d'un peu de photoshop pour arriver au même résultat. Et d'abord, pourquoi un crucifix ? Pourquoi pas une svastika, une bouteille de coca, un marteau et uen faucille, une tour Eiffel ou tout autre symbole ?
La volonté était tout autre. Celle de se faire connaître, de créer le buzz, et faire du blé avec de l'urine.
La représentation n'était que pour agiter les fanatiques. Et seulement les fanatiques. Parce que les autres soit il s'en fichent, soit ils estiment au nom de leur foi (et c'est légitime) être offensés et le font savoir pacifiquement. C'est cela aussi la liberté d'expression et la démocratie.
Les fanatiques, je prends volontairement ce terme générique pour englober tous les intégristes, eux ne se sont pas posés la question. Butés, bornés dans leurs dogme, oubliant les preceptes de tolérance et de respect qui devraient les animer il jugent et exécutent en fonction non pas des lois, mais de leur seule et unique loi : le talion.
Ils sont le fiel de toute religion, de toute croyance, de toute idéologie. Ils sont ceux qui de tous temps ont créé les conditions des pogroms, des croisades et des expéditions punitives, les conditions de l'asservissement des peuples et des guerres plus en leur nom que de celui qu'il vénèrent. Justifiant l'abolition de la liberté de penser sous couvert de blasphème ou d'insulte au drapeau.
Ils ont été de toutes les époques et même de tous les régimes, y compris ceux qui se revendiquaient d'une "ligne" pour exclure et envoyer au goulag tous les dissidents, comme ceux qui parlent de laïcité pour mieux verser dans le communautarisme, comme ceux qui catégorisent telle ou telle ethnie. Bref partout ou il y a une volonté d'imposer sa pensée par la force et de désigner un enemi chimérique, ou pas, à la vindicte. Ils sont de tous les extrèmes.
L'urine et le fiel
Triste tableau de l'humanité depuis plus de deux millénaires.
Et celui là n'est pas abstrait.