Elle était là, dans ce fauteuil. Moi spectateur du premier jour ou presque de l'age dit légal...C'était si facile de gruger pour voir les séances "interdites au moins de...".
Elle, premier témoin de mes faux pas. Moi le coeur tremblant comme une feuille, découvrant ce que je ne savais pas et puis la crainte de se faire gauler aussi. Crainte et excitation. Les ingrédients de l'amour.
Elle était là, en avion, en jonque, en fauteuil ou bien par terre. J'aurais voulu être son Lieutenant, son majordome, son factotum. J'aurais reçu ses ondes légères comme la soie de ses vêtements. Comme le grain de sa peau. Comme le rouge de ses lèvres entrouvertes. Comme sa liberté, son émancipation, sa sexualité.
Elle était là, dans ce fauteuil, quand j'ai fait ma première grimace, quand j'ai eu ma première jouissance avec une fille aux cheveux courts, aux petits seins, à la bouche entrouverte et au corps de sylphide.
Elle était là, dans ce fauteuil, qu'elle a loué pour l'éternité. Pour m'applaudir du coin de l'oeil, et de temps en temps rigoler. Pleine de pudeur et d'indulgence pour la violence de mes passions. Pour mon intransigeance et toutes mes concessions.
Et la nuit, quand je tiens dans mes bras une femme trop fière, qui refuse de me donner un peu plus que le nécessaire, parce que je n'ai pas la manière pour la défaire de son carcan de préjugés, j'ai presque envie de lui confier qu'Elle était là, dans ce fauteuil.
Mais ça la ferait rigoler.
Serval (avec emprunts)